Durant la pandémie de la COVID-19, les femmes au Québec se démarquent particulièrement par leur contribution dans le domaine de la santé et des services sociaux. Malgré les primes et autres bonifications salariales généralisées à certaines catégories de travailleurs, L’R des femmes du Québec soutient que le gouvernement provincial a laissé plusieurs femmes sur le carreau en ne reconnaissant pas leur contribution. Crédit : Istock

COVID-19 au Québec : « le travail des femmes n’a pas été suffisamment reconnu »

L’R des centres de femmes du Québec, l’une des coalitions féminines d’action communautaire dans la province, s’est récemment préoccupé de la contribution des femmes durant la pandémie de la COVID-19.

Cela l’a incité à publier un texte pour souligner cette contribution et apprécier les impacts sur leur vie et sur la société en général tout en constatant l’absence de mesures gouvernementales pour les accompagner dans bien des secteurs.

Le document mentionne d’entrée de jeu les domaines spécifiques dans lesquels les femmes se sont davantage illustrées. Il en ressort qu’elles ont travaillé avec acharnement dans plusieurs des services jugés essentiels. Pourtant, leur contribution n’a pas été toujours reconnue à sa juste valeur par les responsables provinciaux. C’est du moins ce qui découle de l’entretien que nous avons eu avec les co-coordinatrices de L’R des centres de femmes du Québec, Katia Pharand Dinardo et Valérie Gilker Létourneau

Une charge importante de travail invisible non rémunéré

Cette charge excessive de travail découle notamment du télétravail qui rallonge la liste des tâches de la femme.

« Les femmes l’observent toutes, qu’il s’agisse de faire l’école à la maison, de préparer les repas, de voir au ménage, le fait que de faire du télétravail augmente la pression sur les femmes à jouer les rôles sociaux de sexe traditionnels, sans compensation », affirme Katia P. Dinardo.

Selon un sondage réalisé grâce au calculateur numérique du travail des femmes mis en ligne en 2019 sur son site, sur 5500 répondants, les femmes effectuent en moyenne 26,5 heures de travail invisible chaque semaine en période de pandémie. À ce chiffre, il faut ajouter une dizaine d’heures supplémentaires, soit un total de 36,5 heures.

Le travail invisible désigne « le travail qui n’est pas officiellement reconnu comme tel et qui n’est pas comptabilisé dans la création de richesses au sein d’un pays, mais qui participe pourtant activement à cette richesse », ajoute Mme Dinardo.

Les femmes s’illustrent dans les services à la personne

C’est plus spécifiquement dans le domaine de la santé et des services sociaux que le travail des femmes est très marqué.

Il s’agit certes d’un travail rémunéré comme beaucoup d’autres. Mais en raison de discriminations de toutes sortes, à qualifications égales, leurs salaires restent bien loin d’égaler celui des hommes dans bien des métiers.

« S’il est vrai que les femmes au travail sont pressurisées entre leur travail rémunéré et leur travail invisible, la situation est encore pire dans la vie des femmes qui occupent les travaux les plus importants en temps de pandémie, les femmes qui sont plus à risque d’attraper le virus et qui sont paradoxalement les moins bien payées de notre société ou qui, pire encore, ne sont même pas reconnues comme citoyennes, tandis que la survie du pays repose sur elles » déclare l’autre co-coordinatrice, Valérie Gilker Létourneau.

Généralement, les femmes les plus vulnérables sont surreprésentées dans les métiers les plus précaires. Photo : iStock

Elles sont à l’œuvre dans la vente de détail, dans les centres communautaires, dans les services de nettoyage, dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), dans les centres de la petite enfance, entre autres.

Malgré les risques encourus en raison de la pandémie, elles n’ont pas toujours bénéficié d’une reconnaissance appropriée.

« On parle bien sûr des préposées aux bénéficiaires, des aides-domestiques, des infirmières, des caissières, des techniciennes en garderie, des enseignantes, des femmes responsables de l’entretien ménager dans les hôpitaux et CHSLD qui ont carrément été oubliées dans les bonus de M. Legault. » Valérie Gilker Létourneau

Il faut mentionner que le gouvernement du Québec a accordé des primes particulières à certaines catégories de répondants en première ligne durant la pandémie, et de bonifier les salaires des préposées en plus de leur accorder certains avantages sociaux, en fonction de critères spécifiques.

Selon les informations de L’R des centres de femmes, c’est une situation qui vient en quelque sorte ajouter une couche à la vulnérabilité de ces femmes qui sont déjà fragilisées, en raison de leur place en bas de l’échelle sociale, et en raison d’un système dans lequel « l’âgisme, le racisme, l’homophobie », et autres discriminations continuent d’exercer une certaine pression vers le bas sur ces femmes, freinant leur mobilité sociale et les confinant dans des positons de subordination.

Les femmes en prennent un coup malgré les gains pour les communautés

Ce sont généralement des femmes qui doivent répondre à la détresse de la population dans les centres communautaires, avoir un rôle dans la réponse à la violence conjugale en hausse et au manque de la main-d’œuvre dans presque tous les secteurs d’activités.

L’organisme rend compte de la fonction des femmes, comme tant d’autres regroupements. Au plus fort de la crise, ils ont tout fait pour résoudre les problèmes, malgré le manque de moyens, affirme la co-coordinatrice.

Les femmes, notamment dans le domaine de la santé et des services sociaux, ont souvent représenté les cas d’épuisement professionnel, mais elles ont poursuivi leur travail, en plus de continuer à répondre aux défis inhérents au travail invisible.

« Choisir de faire un travail rémunéré dans le domaine des soins ou ne pas vivre avec la peur de ramener le virus à la maison, entre envoyer ses enfants à l’école pour souffler un peu ou s’assurer de leur sécurité chez soi sont des choix qu’aucun humain n’est habileté à faire. Bon nombre d’entre elles sont au bord de la détresse psychologique et le plan d’action en santé mentale est quasi inexistant, voire inefficace », observe Katia P. Dinardo.

Plusieurs femmes ont été contraintes de télétravailler en raison du confinement. Cela a eu pour effet de créer de l’isolement, avec de réelles conséquences pour leur santé physique et mentale.

« Les travailleuses des centres de femmes anticipent depuis longtemps, puis observent déjà une augmentation de la détresse psychologique des femmes en lien avec cet isolement. C’est pourquoi les centres de femmes utilisent leur créativité pour rejoindre ces femmes et créer des activités pour briser l’isolement des travailleuses et des femmes vieillissantes », a-t-elle indiqué.

« En plus, les impacts de leur travail se reflètent dans les cas de COVID-19. Elles sont plus exposées au virus, étant sur la ligne de front dans cette pandémie. En effet, selon l’INSPAQ, 60 % des cas de coronavirus répertoriés sont des femmes », constate Mme Dinardo

Sur le plan économique, les femmes sont les plus durement frappées par les impacts de la COVID-19. Photo : iStock

Citant La Presse, la co-coordonnatrice soutient qu’en raison des stéréotypes de genre, beaucoup d’entre elles ont dû prendre soin des enfants et des proches durant le confinement.

« Cela a eu pour résultat que 68 % des personnes ayant perdu leur emploi depuis le début de la pandémie sont des femmes », affirme cette dernière, qui estime que le gouvernement provincial a peu ou pas du tout reconnu ces contributions à ce jour.

Elle s’offusque de ce que le terme « anges gardiens », si cher au gouvernement Legault, n’ait pas été suffisamment inclusif pour intégrer toutes les dimensions de la contribution multiple des femmes durant la pandémie.

« Les termes employés tels qu’anges gardiens occultent un fait important de la pandémie : ces anges ont un genre et c’est la femme! En aucun moment durant les conférences de presse du Dr Arruda et du premier ministre François Legault, n’avons-nous entendu la reconnaissance du travail non rémunéré des femmes au Québec », lance Katia P. Dinardo.

« Le problème avec le terme ange gardien, c’est que des anges, ça ne remet pas en question leurs conditions de travail, ça ne se plaint pas. Cette rhétorique aux accents manipulateurs n’aura été qu’un des affronts parmi tant d’autres. » Katia P. Dinardo

Après tous ces constats, L’R des Centres de femmes du Québec estime qu’il est plus que jamais temps qu’ait lieu une « relance juste et féministe pour une reconnaissance réelle du travail des femmes. Cette relance doit se faire dans la valorisation du care, impliquer les premières concernées et intégrer une analyse différenciée selon les sexes intersectionnels ».

Il convient pour le Québec de rechercher les moyens pour résorber la crise et celles à venir qui toucheront de façon encore plus importante les communautés partout dans le monde.

Selon L’R des centres de femmes, il faut mettre en place les moyens pour permettre au Québec de sortir de cette crise, mais également d’atténuer les effets sur les femmes pour être une société plus résiliente.

« Il importe de penser cette sortie de crise avec les Premières Nations, avec les Inuit, avec les femmes, avec les agricultrices, avec les personnes qui sont directement impliquées, au sein de notre communauté, dans la survie et le bien-être de l’espèce humaine. C’est en ce sens que nous militons en faveur d’une relance qui valorise le care, le travail que les centres de femmes font au quotidien, à l’image de tant de femmes du Québec », conclut la co-coordinnatrice Valérie Gilker Létourneau

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Catégories : Santé
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