Des gens ont manifesté pour demander justice mardi après la mort de Joyce Echaquan, cette femme autochtone décédée dans des circonstances troubles à l'hôpital de Joliette. Une infirmière a notamment été congédiée. (Photo : Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Vives réactions après le troublant décès d’une Autochtone au Québec

Le décès d’une mère de famille autochtone dans des circonstances suspectes lundi dans un hôpital du Québec a touché bon nombre de personnes qui n’ont pas hésité à s’exprimer dans la rue comme sur les réseaux sociaux.

Joyce Echaquan, une Atikamekw de 37 ans, a diffusé en direct sur Facebook une vidéo dans laquelle elle se plaint de fortes douleurs et dit avoir été surmédicamentée par le personnel médical. On y entend aussi des infirmières lui lancer des propos racistes. Cette mère de sept enfants est morte quelques heures plus tard.

Une infirmière a depuis été congédiée et deux enquêtes ont été lancées. La tragédie a déclenché une véritable vague d’indignation dans toute la province francophone du Québec.

Diverses manifestations organisées dans la province

Au lendemain de la tragédie, une foule d’environ 350 à 400 personnes est venue se recueillir devant le Centre hospitalier de Lanaudière, à Joliette (environ 70 km de Montréal), où les faits ont eu lieu.

Anne-Marie Yvon, d’Espaces autochtones, s’y est rendue. Selon la journaliste, des habitants de tout le Québec, autochtones et non autochtones, sont venus rendre hommage à la jeune femme et apporter leur soutien à la famille. L’intérêt de cette veillée était aussi de rappeler au gouvernement provincial les injustices envers les Autochtones.

« Fini le racisme, justice pour Joyce, justice pour les peuples autochtones », scandaient les personnes présentes.

L’un des sept enfants de Joyce Echaquan tient un portrait de sa mère lors de la veillée à la chandelle en son honneur mardi soir. Cette femme autochtone est décédée lundi à l’hôpital de Joliette dans des circonstances troubles. (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Parmi ceux qui se sont exprimés figuraient la présidente de Femmes autochtones du Québec ainsi que la mère de Mme Echaquan. Toutes deux ont demandé au gouvernement de François Legault d’arrêter ce racisme.

« J’interpelle les gouvernements, le gouvernement Legault, qui dit qu’il n’y a pas de racisme au Québec, voilà un bel exemple et on ne veut plus que ça se reproduise. »

Ils étaient aussi une centaine à se retrouver devant le parlement québécois mardi soir pour faire écho de ces revendications. Le grand chef de la nation huronne-wendate, Konrad Sioui, a demandé au gouvernement d’agir contre le racisme systémique.

« Il y a une chose qui est sûre : c’est que les gens qui ont porté ces paroles-là et ces propos-là n’ont pas leur place dans les institutions de santé au Québec, ni même nulle part », a expliqué Konrad Sioui à Espaces autochtones.

Une centaine de personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée nationale à Québec. (Camille Simard /Radio-Canada)

Son discours d’indignation a été soutenu par d’autres manifestants.

Toujours selon Espaces autochtones, des centaines d’Innus se sont rassemblés au Québec en mémoire de la défunte mère de famille.

Entre 300 et 400 personnes ont fait une marche dans la communauté de Uashat pour demander justice. Des veillées similaires ont aussi été organisées à Pessamit et sur toute la Côte-Nord, une région du nord-est du Québec.

Une collecte de dons a aussi été mise en place afin de soutenir les enfants de Mme Echaquan.

Réactions de la classe politique canadienne

Au lendemain de la mort de Joyce Echaquan, le premier ministre François Legault a présenté ses condoléances à la famille. Il a ajouté que les propos entendus dans la vidéo étaient « totalement inacceptables » et « racistes ».

M. Legault a aussi confirmé la tenue de deux enquêtes. L’une sera menée par les autorités sanitaires régionales et l’autre par un médecin légiste chargé d’enquêter sur les décès dans des circonstances suspectes ou dus à la négligence.

Toutefois, il a refusé de parler de racisme systémique dans les institutions de santé provinciales. Il a annoncé mercredi qu’il rencontrerait vendredi le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) Ghislain Picard.

« Je ne pense vraiment pas que nous nous occupions des Premières Nations de cette façon dans nos hôpitaux au Québec. »

François Legault (Photo : Jacques Boissinot/The Canadian Press)

Le gouvernement du Québec a publié un communiqué mercredi dans lequel il offre ses condoléances à la famille de Mme Joyce Echaquan ainsi qu’à la communauté atikamekw.

La ministre responsable des Affaires autochtones Sylvie D’Amours a qualifié la situation d’« alarmante », et les paroles des infirmières d’« inacceptables et d’intolérables ».

Vivement critiquée par l’opposition pour son communiqué, mais aussi pour son mandat à ce jour, Mme D’Amours a tenu à défendre le travail accompli avec son équipe pour suivre les recommandations de la commission Viens présentées il y a tout juste un an. La ministre indique être fière que sur 142 appels à l’action, 51 sont déjà terminés ou en voie de l’être.

« Bien sûr, nous aurions aimé agir plus rapidement pour les autres appels à l’action et nous étions bien partis, avec les rencontres d’octobre 2019 et de janvier 2020, mais la pandémie est venue bouleverser nos plans », écrit Mme D’Amours dans un communiqué.

Au niveau fédéral, le premier ministre Justin Trudeau a présenté ses condoléances à la famille tout en saluant la décision du Québec de lancer une enquête afin de s’assurer que Joyce Echaquan n’a pas été victime de plus que des propos dégradants.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jagmeet Singh a exigé des actions concrètes du gouvernement fédéral pour endiguer le racisme systémique.

Du soutien de toutes parts

Plusieurs associations et personnalités ont apporté leur soutien à la famille de Joyce Echaquan tout en dénonçant une problématique ancrée au Québec.

Le Conseil pour la protection des malades (NPD) ainsi que l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) se sont joints à d’autres associations et groupes militant pour soutenir la communauté atikamekw et dénoncer le racisme dont a été victime Mme Echaquan, mais aussi de nombreux autres Autochtones.

Le PDG du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière, Daniel Castonguay, est aussi intervenu pour assurer que la communauté soignante du Centre hospitalier de Lanaudière est « consternée » par les propos entendus dans la vidéo.

« La totalité des gens à qui je parle depuis les dernières 72 heures sont consternés, trouvent inacceptables les propos qu’ils ont entendus. Ils sont à la même place que la population. Tout le monde s’unit pour dire qu’on ne voit pas ça tous les jours. On interviendrait », dit M. Castonguay en entrevue mercredi à l’émission Tout un matin.

Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien, mais aussi d’indignations sont nombreux à apparaître sous le mot-clic #JusticePourJoyce. Certaines personnes comparent d’ailleurs cet incident avec la mort de l’Afro-Américain Georges Floyd.

L’auteure-compositrice-interprète inuk Elisapie Isaac s’est elle aussi exprimée sur Facebook dans une vidéo émouvante adressée au premier ministre Legault.

Avec les informations d’Espaces autochtones, La Presse canadienne et CBC.

Catégories : Autochtones, Société
Mots-clés : , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.