La recherche acoustique fait partie des initiatives qui sont envisagées au Canada pour sauver les espèces aquatiques, notamment la baleine noire dont la population a fortement décliné au cours des 30 dernières années.
Dans le cadre d’un nouveau projet de recherche qui mobilise les experts pour mieux analyser, comprendre et réduire les impacts négatifs du bruit causé par les navires sur la biodiversité dans les eaux du Saint-Laurent et des Grands Lacs, les gouvernements du Québec et du Canada ont opté pour une approche concertée.
Ottawa accorde 2,5 millions de dollars par l’entremise de l’Initiative pour des navires silencieux. Québec apporte la moitié de cette somme. Les contributions vont aider à établir et à exploiter la station de recherche en acoustique marine dans l’estuaire du Saint-Laurent. Cette station de recherche sera basée près de Rimouski, au Québec.
Cette Initiative pour des navires silencieux est dotée d’un budget général de 26 millions sur cinq ans. Elle mettra à l’essai les technologies, les conceptions de navires, les modernisations et les pratiques qui rendent les navires silencieux, indiquent les chercheurs.
Les travaux seront menés dans un projet commun entre l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) de l’Université de Québec à Rimouski, Innovation maritime (IMAR, Institut maritime du Québec), Multi-Électronique (MTE) et OpDAQ Systèmes, ainsi que des propriétaires de navires au Canada.
« L’acquisition de nouvelles connaissances sur le bruit généré par le transport maritime est un enjeu important pour la protection des mammifères marins des eaux du Saint-Laurent. Les données issues de la nouvelle station de recherche en acoustique marine permettront de développer des solutions concrètes pour atténuer les impacts sonores et favoriser une cohabitation durable dans cet écosystème pourvu d’une biodiversité marine exceptionnelle, tout en permettant à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski de l’Université du Québec à Rimouski et à l’innovation maritime de développer une expertise et une relève de pointe uniques au Canada. » – Guillaume St-Onge, directeur de l’ISMER, et Sylvain Lafrance, directeur d’Innovation maritime
Les recherches atténueront les effets du bruit sous-marin sur l’environnement, protégeront le milieu marin et mettront au point de nouvelles technologies. Celles-ci vont favoriser la conception de navires plus silencieux (conception des hélices, nouvelles méthodes d’entretien des navires, nouveau type de revêtement de coques, etc.).
« Bien que les côtes et les espèces marines du Canada soient plus protégées que jamais, notre gouvernement reste déterminé à préserver et à protéger notre milieu marin vulnérable. L’Initiative pour des navires silencieux du gouvernement du Canada traite d’un aspect déterminant de la lutte contre les effets du bruit sous-marin causé par les navires. Nous sommes impatients de découvrir comment nous pouvons développer d’autres solutions pour rendre les navires silencieux au Canada à partir des résultats du projet de la station de recherche en acoustique marine », dit Marc Garneau, ministre canadien des Transports.
Source de stress et de détresse
Auparavant, plusieurs travaux de recherche ont permis de documenter les effets néfastes du bruit des engins sur la biodiversité marine. Ces bruits constituent une source importante de stress pour plusieurs espèces. Ils peuvent nuire à leur capacité à se déplacer, à trouver de la nourriture ou à communiquer entre elles.
Les résultats du projet de recherche et d’autres études qui sont menées dans le cadre de l’Initiative pour des navires silencieux vont contribuer à renforcer les efforts de Transport Canada en ce qui a trait à son Initiative de protection des baleines. Ils permettront aussi de faire face plus efficacement à la menace du bruit sous-marin sur tous les mammifères marins.
Des chercheurs se sont penchés sur la situation spécifique de la baleine noire en raison de la menace d’extinction qui plane sur elle.
Ils sont mobilisés au sein de plusieurs groupes et organismes, dont le Consortium de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Ce consortium comprend notamment des chercheurs, des organismes publics, des compagnies de pêches et de transports, ainsi que des groupes écologistes.
Au mois d’octobre, ils ont tenu une conférence virtuelle dans le but de produire un rapport qui va guider les orientations politiques. Elles vont assurer la survie de cette espèce. La baleine noire est vulnérable au bruit des navires, aux collisions et aux enchevêtrements dans les engins de pêche.
Sa population dans le monde a fortement décliné. Elle est aujourd’hui estimée à 400, avec seulement une centaine de femelles. Depuis 2017, 29 baleines noires sont mortes dans les eaux canadiennes.
En 2020, un premier décès de baleineau noir a été annoncé dans les eaux américaines au large de Monmouth Beach, au New Jersey, au sud de New York. Cette mort a été attribuée à une collision avec un bateau. Ce baleineau faisait partie d’une cohorte de 10 nouveau-nés découverts au début de 2019.
Bien que le bruit soit fortement perturbateur pour l’équilibre psychologique des mammifères marins, les chercheurs rapportent que les collisions avec les navires sont considérées comme les principales menaces à leur survie.
Selon un rapport des nécropsies de la Marine Animal Response Society (MARS) et du Réseau canadien pour la santé de la faune (RCSF), ces collisions sont responsables de la mort d’un bon nombre de baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent.
Sur la dizaine de décès rapportée en 2019, environ cinq étaient causés par une collision. D’autres constats d’experts montrent que l’enchevêtrement dans des engins de pêche constitue une autre cause importante de décès en raison des blessures graves.
En comparaison aux 27 dernières années, le nombre de décès de baleines noires a été multiplié par huit à l’échelle mondiale. Au cours des 16 dernières, ce sont 70 décès qui ont été rapportés dans le monde, dont près de la moitié attribuée à des causes humaines : filets de pêche ou collision avec des navires.
Seuls quelques maigres cas sont attribués à des causes naturelles. Un article du Diseases of Aquatic Organism a rapporté, en juin 2019, que la nécropsie de 43 des 70 cadavres rapportés dans le monde avait permis de constater que 38 étaient reliés à des causes humaines et seulement 5 à des causes naturelles. Aucun décès de baleine noire n’est lié à une cause naturelle dans l’Atlantique Nord. Le nombre de décès au sein de cette espèce est largement supérieur à celui des naissances. (Source : Radio-Canada)
Les experts ont ainsi fait de nombreuses recommandations aux pouvoirs publics pour qu’ils adoptent de nouvelles mesures pour inverser la tendance.
Les mesures fédérales incluent la mise en place d’un nouveau protocole de fermeture des zones de pêche dans le golfe du Saint-Laurent. Selon ce protocole, dès qu’une carcasse de baleine est découverte dans une zone, les pêcheurs ont l’obligation de cesser leurs activités. L’intention est d’éviter qu’il y ait des enchevêtrements dans des engins de pêche.
Les fermetures temporaires peuvent durer toute une saison. Le nouveau protocole prévoit également des exigences supplémentaires en ce qui a trait au marquage des équipements de pêche. Des modifications aux engins de pêche vont entrer en vigueur d’ici 2021.
Les autres mesures de protection incluent la limitation de vitesse obligatoire à 10 nœuds pour les navires d’au moins 20 mètres dans l’ouest du golfe du Saint-Laurent.
Source : Transport Canada, Rapport sur les incidents ayant causé la mort de baleines noires dans les eaux de l’Atlantique Nord (Réseau canadien pour la santé de la faune et Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins), Radio-Canada.
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