Des enquêtes en arrivent à des conclusions diamétralement opposées sur le niveau de confiance des Canadiens envers la science et les scientifiques qui a soit augmenté ou au contraire diminué durant la pandémie.
Examinons d’abord le coup de sonde mondial que vient d’effectuer pour la troisième année de suite la compagnie 3M. On y révèle que le scepticisme des Canadiens à l’égard des scientifiques suit la tendance mondiale et qu’il est passé de 35 % en 2019 à 21 % aujourd’hui.
Dans cette enquête où plus de 1000 Canadiens ont été interrogés, la marge d’erreur est de plus ou moins 3,1 points de pourcentage, 19 fois sur 20. Au Total, 14 000 citoyens ont été sondés dans 14 pays : États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, Pologne, Espagne, Brésil, Mexique, Japon, Singapour, Corée du Sud, Chine, Inde, et Afrique du Sud.
Les pays où la baisse du scepticisme par rapport à la science est la plus importante est au Royaume-Uni et au Japon à -11 points, suivis du Brésil à -9 points et des États-Unis et du Canada à -8 points.
Cette enquête nous apprend aussi que les Canadiens sont plus ouverts aux arguments des scientifiques. La moitié d’entre eux a déclaré qu’ils sont aujourd’hui plus disposés qu’ils ne l’étaient à appuyer des arguments scientifiques en raison de la pandémie. Avant la COVID-19, ce chiffre était de 25 %.
La promesse de Joe Biden de baser ses décisions dans le combat contre la pandémie sur une approche scientifique et les avis de son conseil consultatif récemment formé ne tomberait peut-être pas dans l’oreille de sourds. Ces données suggèrent que la pandémie nous aurait donné à tous, Américains ou Canadiens, l’occasion de nous arrêter un instant, de réfléchir et de nous demander : « Qui va résoudre la pandémie? »
Il y a aussi des raisons de croire que la confiance des Canadiens dans la science est de plus en plus ébranlée par la pandémie.
Nouveau rapport pessimiste de la Société royale du Canada
Quelques jours avant la publication des conclusions du coup de sonde mondial de la compagnie 3M, la Société royale du Canada publiait une analyse où elle soulevait beaucoup d’inquiétudes concernant les effets sur les citoyens de la publication de recherches faibles, négligentes et parfois carrément fausses sur le nouveau coronavirus.
La Société, qui regroupe plus de 2000 universitaires, artistes et scientifiques au pays, affirmait que beaucoup de résultats pseudo-scientifiques érodent en ce moment la confiance dans la science, ce qui conduit les gens à ignorer les conseils de santé publique.
Le rapport ratisse large et affirme que les scientifiques, les responsables de la santé publique, les gouvernements et les journalistes doivent tous faire mieux, et ne pas laisser le sentiment d’urgence créé par la pandémie saper les normes et l’éthique de longue date dans leurs professions respectées.
« L’un des moyens les plus rapides de créer la confusion et de perdre la confiance du public est de publier et de faire connaître les résultats de recherches faibles, négligentes ou, pire, frauduleuses », indique le rapport. Et cela se produirait plus fréquemment dans le cadre de la pandémie. Un relevé de la Société royale du Canada indique que la diffusion des recherches liées à la COVID-19 avant que l’examen par les pairs ne soit terminé – ce qu’on appelle les prépublications – est 15 fois plus fréquente que pour les recherches non liées à la pandémie.
Toujours selon les données de la Société royale, avant la pandémie, le délai moyen entre la soumission d’un travail par un chercheur et sa publication était de plus de 100 jours, mais depuis le début de la crise, ce délai a été ramené à seulement six jours.
Or, ces rapports sont souvent utilisés par les organismes de santé publique et par les politiciens pour orienter leurs conseils au public, ce qui incite les médias à les couvrir largement. Il en résulte des messages confus lorsque les rapports se contredisent ou sont ensuite démentis. Le cas bien connu de l’hydroxychloroquine vantée par un certain Donald Trump est l’un des exemples les plus flagrants, estime le rapport.
Dans un sondage réalisé en 2017 par la firme Léger, 59 % des Canadiens interrogés estimaient que les nouvelles scientifiques sont présentées de manière sélective, pour soutenir des objectifs politiques et 68 % des objectifs médiatiques.
La confiance des Canadiens dans la science serait fragile et en diminution
La confiance des Canadiens dans le gouvernement, les médecins et les scientifiques s’est peut-être accrue comme le suggère l’enquête de 3M au cours des premiers mois de la pandémie. Cependant, la confiance se serait effritée au fur et à mesure que la pandémie s’intensifiait.
Un article du journal de l’Association médicale canadienne (AMC) rapporte que près de 1 Canadien sur 10 pensait en juillet dernier que Bill Gates utilisait la pandémie pour promouvoir un vaccin avec une micropuce capable de suivre les personnes.
L’article cite Alison Thompson, professeure de bioéthique à l’Université de Toronto, selon qui il sera difficile de surmonter le scepticisme quant à l’innocuité d’un vaccin contre la pandémie. « Nous avons beaucoup de travail à faire pour démontrer que nous avons pris toutes les précautions nécessaires et qu’un vaccin n’est pas mis sur le marché prématurément », a dit Mme Thompson.
L’Impact du manque de confiance sur les futures campagnes de vaccination
Une enquête récente a montré qu’un tiers des Canadiens ne choisiraient pas de se faire vacciner si un vaccin contre la COVIOD-19 leur était offert, en grande partie par crainte d’éventuels effets indésirables.
Ce manque de confiance ne date pas d’hier. En 2015, un sondage Angus Reid révélait que 9 Canadiens sur 10 estimaient que les vaccins sont efficaces, mais 4 sur 10 disaient que la science qui les met au monde n’est pas « claire ». Autrement dit, les Canadiens font confiance aux vaccins, mais ils doutent de leur science.
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RCI avec La Presse canadienne, 3M, l’Association médicale canadienne et la Société royale du Canada
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