Mamadi Fara Camara, 31 ans, avait été accusé d'avoir désarmé et blessé un agent de police lors d'un contrôle routier de routine le 28 janvier à Montréal. Camara a passé six nuits en détention avant sa libération soudaine mercredi après-midi. Il avait clamé son innocence dès le moment de son arrestation. (Photo : CBC News)

Faussement accusé, emprisonné pendant 6 jours et puis libéré, le cas d’un Montréalais noir suscite l’émoi

Le jeudi 28 janvier 2021, Mamadi III Fara Camara, doctorant et professeur, a été arrêté par la police de Montréal, accusé par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de tentative de meurtre sur un policier.

Après six jours de détention, M. Camara a été libéré. Cela a provoqué des réactions dans plusieurs cercles de la société. 

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) de la province francophone du Canada s’est dite « profondément troublée » par l’arrestation d’un homme noir. La Commission dit être en train d’analyser tous les moyens d’action dont elle dispose en vertu des pouvoirs que lui confère la Charte des droits et libertés de la personne.

« Nous devons faire la lumière sur cette situation et analyser les conséquences sur l’exercice et la protection des droits protégés par la Charte ainsi que les aspects potentiellement discriminatoires. » Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission, responsable du mandat Charte.

La Commission a également déclaré s’être sentie interpellée par cette situation dont les conséquences sur l’homme et sur ses proches sont « certainement dévastatrices ».

Pour sa part, le Centre de recherche-action sur les relations raciales de Montréal (CRARR) a signifié dans un communiqué que la gestion par le SPVM de cet incident soulève des questions.

« [Cette gestion], qui a pratiquement détruit la réputation d’un innocent et profondément affecté sa famille, soulève de graves questions qui devront faire l’objet d’une enquête indépendante. Quelques questions s’imposent : que savait la police? Quelle était la description du suspect? Sur quelle base les accusations ont-elles été autorisées?

Afin d’assurer à M. Camara l’accès à la justice, la protection pleine et entière de ses droits et la restauration de sa réputation et de son honneur, le CRARR considère qu’une enquête indépendante doit être mise sur pied de toute urgence par le gouvernement du Québec. Une telle enquête est essentielle pour éviter la déconsidération de l’administration de la justice. » Centre de recherche-action sur les relations raciales

Une telle enquête, dit le CRARR, ne doit pas empêcher que d’autres enquêtes soient lancées, notamment par le Commissaire à la déontologie policière et par la CDPDJ, considérant que « la race de M. Camara pourrait avoir été un facteur » dans la manière dont il a été traité.

Dans le milieu policier

« Je veux que les Montréalaises et les Montréalais sachent que l’événement survenu le 28 janvier dernier est d’une complexité exceptionnelle, souligne le directeur du SPVM, M. Sylvain Caron. Nos enquêteurs travaillent sans relâche depuis l’événement à élucider ce qui est arrivé. » (Photo : THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes)

Simonetta Barth, directrice adjointe du SPVM, et le chef Sylvain Caron insistent sur le fait que Mamadi III Fara Camara, un homme noir, a été arrêté sur la base des preuves dont disposaient les enquêteurs à l’époque.

 « Cela n’a rien à voir avec le profilage racial ou social ou quoi que ce soit de ce genre. Nous nous sommes basés sur les faits qui étaient sous nos yeux au moment où l’enquête a commencé. »Simonetta Barth

La police a fourni peu de détails sur ce qui s’est passé et qui est maintenant recherché après qu’un officier a été violemment attaqué à Parc-Extension le 28 janvier. L’incident s’est terminé par l’hospitalisation d’un officier et la mise en prison de M. Camara, futur père et étudiant au doctorat.

Dans le milieu politique

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a pour sa part souhaité une enquête indépendante, sans l’implication du SPVM ou de son directeur ou du DPCP.

« Ce qu’on souhaite, c’est qu’il y ait une enquête, une enquête qui va être neutre, et qui va se faire rapidement, maintenant, parce que ce qui s’est passé est grave […] Ce que je demande au SPVM, au DPCP également, c’est de faire preuve de transparence, d’ouverture, et de se commettre à cette enquête indépendante pour que l’on comprenne ce qui s’est passé. » Valérie Plante

Le caucus du Parti libéral du Québec s’est également dit « troublé » par l’histoire de M. Camara.

« Toute cette histoire est terrible. Pour M. Camara qui s’est vu incarcéré sans fondements pendant six jours, pour sa femme enceinte de jumeaux qui a vécu un stress important et pour tout son entourage. C’est aussi une histoire terrible pour le policier qui s’est fait attaquer et pour lequel il est nécessaire que justice soit faite. Le gouvernement caquiste doit faire toute la lumière sur l’ensemble des circonstances de ce cafouillage. »Jean Rousselle, Marc Tanguay, Jennifer Maccarone, porte-parole libéraux en sécurité publique, en justice et en matière de diversité et d'inclusion, respectivement

La Presse canadienne rapporte les réactions des autres partis politiques, dont celle de la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, qui a pour sa part rappelé que le profilage racial est une des caractéristiques du racisme systémique.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a pour sa part appelé à la prudence lorsque La Presse canadienne lui a demandé s’il avait l’impression qu’il y avait eu profilage dans cette affaire.

« Je ne peux pas donner une impression si je n’ai pas de faits […] Allons chercher tous les faits avec une enquête qui est rigoureuse, puis après, je pense qu’il va falloir commenter en effet. »Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon a toutefois qualifié l’affaire d’« ahurissante » et rappelé qu’on ne pouvait prendre une telle affaire à la légère « dans une société de règles de droit ».

Dans le milieu communautaire

La Table de quartier de Parc-Extension a invité la communauté et toutes « les personnes/groupes qui ont à cœur la justice sociale » à se joindre à eux pour manifester leur solidarité dans l’affaire Camara.
Pour cet organisme, ce qui est arrivé à M. Camara est un exemple clair de ce qu’est le racisme systémique.
« Il faut que la lumière soit faite sur cette histoire et pour toutes les autres victimes. Nous pensons qu’il est impératif de rendre imputables les autorités et de mettre en place des actions concrètes pour mettre fin au profilage racial.
Dans notre mission, nous nous engageons à améliorer les conditions et la qualité de vie des résidents et à promouvoir leurs droits et leurs intérêts collectifs. Dans ce contexte, nous apportons notre soutien à M. Camara et à sa famille. » Table de quartier de Parc-Extension
La manifestation aura lieu le vendredi 5 février de 16 h 30 à 17 h 30 à la place de la Gare du métro Parc à Montréal.
Dans le milieu des affaires

Le Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ) réclame pour sa part la mise sur pied d’une enquête indépendante élargie après l’arrêt des poursuites judiciaires contre M. Camara.

« Comment se fait-il que ni le sergent-détective, ni le lieutenant, ni le commandant et d’autres responsables de l’enquête n’aient pas décelé les failles évidentes du dossier? Comment se fait-il que le Directeur des poursuites criminelles et pénales ait procédé avec diligence à des mises en accusation sans exiger des compléments d’enquêtes? De toute évidence, les garde-fous de notre système n’ont pas fonctionné. Nous estimons qu’il est du devoir des autorités gouvernementales de fournir des réponses claires à la population québécoise choquée par un tel dérapage en 2021. »  Edouard Staco, président du SdesJ
Pour cet organisme de développement économique, seule une enquête indépendante élargie peut restaurer la confiance des Québécoises et des Québécois dans ses institutions, particulièrement envers la police de Montréal et le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
RCI avec des informations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, du Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes des communautés noires, du SPVM, du Parti libéral du Québec, de la Table de quartier de Parc-Extension, du Centre de recherche-action sur les relations raciales de Montréal et de la Presse canadienne.

Catégories : Politique, Société
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