Au tour des Afro-Néo-Écossais d’exiger une compensation

L’esclavage a été aboli dans les colonies britanniques dans les années 1830, mais son héritage a ouvert la voie à d’autres injustices envers les Canadiens noirs. AFP

RADIO CANADA INTERNATIONAL, | Stéphane Parent |

Des militants afro-néo-écossais estiment qu’il est temps que le Canada amorce une discussion au sujet des séquelles de l’esclavage, dont les effets se feraient encore sentir aujourd’hui au sein de la communauté noire, et d’éventuelles formes de compensation.

La présidente de la section néo-écossaise du Global Afrikan Congress, Lynn Jones, considère que le Canada est à la traîne par rapport à de nombreux autres pays au sujet des mesures d’indemnisation.

En l’absence d’un engagement clair du Canada pour aborder le rôle du pays dans le commerce transatlantique d’esclaves, Lynn Jones se dit encouragée par un rapport récent des Nations unies qui recommande des excuses du gouvernement fédéral pour la période d’esclavage et que celui-ci envisage des compensations.

Lynn Jones - Global Afrikan Congress - CBC
Lynn Jones – Global Afrikan Congress – CBC

Les racines de l’esclavage : le racisme

Isaac Saney - Dalhousie University - CBC
Isaac Saney – Dalhousie University – CBC

Pour l’historien Isaac Saney, qui enseigne l’histoire des Noirs à l’Université Dalhousie dans la province de la Nouvelle-Écosse, tout dialogue sérieux au sujet d’indemnisations doit commencer par la reconnaissance de ce qu’il appelle le « péché originel » du racisme contre les Noirs au Canada, soit l’esclavage de milliers de personnes de descendance africaine durant plusieurs siècles.

Isaac Saney rappelle que l’esclavage est l’emprise qui a bâti une société.

Il ajoute que l’esclavage n’existe plus, mais que les processus qui l’ont mis en place ont continué sous une forme ou une autre jusqu’à aujourd’hui.

L’esclavage a été aboli dans les colonies britanniques dans les années 1830, mais le professeur Saney considère que son héritage a ouvert la voie aux injustices qui ont suivi envers les Canadiens noirs, comme la ségrégation, les politiques d’immigration antinoire et les iniquités sociales d’aujourd’hui. Tout ça parce que l’esclavage a établi un précédent sur la manière de traiter les personnes de descendance africaine, soit comme des « non-citoyens ».

Les premiers colons noirs au Canada étaient des esclaves loyalistes américains

Entre 1840 et 1860, plus de 30 000 esclaves afro-américains désireux de s’affranchir de leur condition ont emprunté un réseau secret d’évasion construit par l’Angleterre entre les deux nations : le chemin de fer clandestin. Il s’agissait essentiellement de sentiers secrets menant à des maisons d’accueils secrètes et temporaires.

Au moment où les Américains en rébellion contre les militaires anglais prenaient les armes et réclamaient leur indépendance, les Britanniques promettaient des terres et des provisions gratuites à tout Américain (blanc ou noir) qui viendrait se réfugier au Canada pour y élire domicile dans leur colonie anglaise.

Mais les loyalistes blancs au Canada vont finir par recevoir les terres les plus fertiles, tandis que les réfugiés noirs vont être confinés aux abords des villes et des villages blancs.

En route vers une Nouvelle-Écosse pas toujours accueillante

Des Afro-néo-écossais au début du 20ème sièclePhoto Credit: Les archives de la Nouvelle-Écosse
Des Afro-néo-écossais au début du 20ème siècle. © Photo Credit: Les archives de la Nouvelle-Écosse

Une bonne partie des anciens esclaves noirs américains qui ont emprunté le « chemin de fer clandestin » et qui se sont réfugiés au Canada sont allés s’établir dans ce qui est devenu aujourd’hui la Nouvelle-Écosse.

Cette province canadienne représente le domicile de personnes d’ascendance africaine depuis plus de 300 ans. Beaucoup sont arrivés en tant qu’immigrants libres qui recherchaient une nouvelle patrie.

On estime que de 1200 à 2000 esclaves noirs sont aussi arrivés en Nouvelle-Écosse après la révolution américaine en compagnie de leurs maîtres loyalistes et qu’avec ces derniers, ils se sont établis un peu partout dans la province.

La communauté blanche avait de la difficulté à accepter les nouveaux immigrants en tant que colons libres puisque les Noirs étaient souvent perçus comme esclaves. Les réfugiés noirs étaient par conséquent en grande partie exclus de la société néo-écossaise.

Une colonie de peuplement noire installée par exemple au nord de la ville d’Halifax, Africville, est progressivement devenue un bidonville notoire avant de disparaître définitivement. Aujourd’hui, le parc qui occupe le site est le point de ralliement de la collectivité noire de la Nouvelle-Écosse.

Aide-mémoire…
Des excuses formelles pour des orphelins noirs de la Nouvelle-Écosse
En 2014, le premier ministre provincial, Stephen McNeil, avait qualifié les mauvais traitements subis par plusieurs enfants noirs alors qu’ils vivaient à l’orphelinat Nova Scotia Home for Coloured Children, à Dartmouth comme étant « l’une des grandes tragédies de la province ».
D’anciens résidents avaient été victimes d’agressions sexuelles, physiques et psychologiques lorsqu’ils avaient vécu dans cet orphelinat, qui a été ouvert de 1921 à 1989.
Le premier ministre leur a présenté ses excuses officielles et a déclaré qu’aucun enfant ne devrait connaître la douleur que certains d’entre eux ont endurée.
Les excuses du premier ministre McNeil coïncidaient avec le début d’un versement d’un dédommagement aux plaignants. La somme totale s’élevait à 34 millions de dollars.

En 2014, le premier ministre Stephen McNeil discute avec Harriet Johnson, une ancienne résidente de l’orphelinat. © Jean Laroche/CBC RCI avec La Presse canadienne
En 2014, le premier ministre Stephen McNeil discute avec Harriet Johnson, une ancienne résidente de l’orphelinat. © Jean Laroche/CBC RCI avec La Presse canadienne

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Luc Simard
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