« The Fruit Man » : Livraison de fruits et légumes frais dans le Grand Nord
Pour bien des gens, sillonner les routes du Grand Nord et traverser rivières et lacs gelés au volant d’un train routier rempli de fruits et de légumes frais est tout le contraire d’une partie de plaisir. Mais pour « The Fruit Man » (l’homme aux fruits), alias Bill Rutherford, impossible d’imaginer la vie autrement.
Ce n’est un secret pour personne : les fruits et légumes frais de qualité sont rares dans le Nord canadien. Le peu de routes desservant de nombreuses communautés nordiques fait en sorte que lorsque ces produits arrivent, ils sont très endommagés par les changements de température drastiques qu’ils ont subis depuis leur départ.
C’est là où Bill Rutherford, qui a commencé en exploitant un verger en Colombie-Britannique, dans l’ouest du pays, entre en scène. Depuis 27 ans, il apporte des fruits et légumes frais aux municipalités nordiques les plus éloignées, comme Inuvik, Aklavik et Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Saison après saison, il brave des conditions extrêmes, règle les problèmes mécaniques qui surviennent et tente de protéger ses fruits et légumes des températures polaires du Grand Nord.
L’hiver dernier, Eilís Quinn, journaliste à Radio Canada International, l’a rejoint à Inuvik, une collectivité d’environ 3 500 âmes située 200 km au nord du cercle arctique. Il devait y garer sa remorque pleine de fruits et de légumes dans un stationnement du centre-ville.
Entouré d’un flot constant de clients issus de tous les milieux, des familles aux chauffeurs de taxi, Bill Rutherford lui a parlé de son entreprise tout à fait unique et des raisons qui le poussent à faire ce qu’il fait.
Questions:
Comment vous est venue l’idée de transporter des fruits et des légumes le long de la route de Dempster?
Tout a commencé avec un verger en Colombie-Britannique. À l’époque, j’expédiais mes produits à l’usine de conditionnement, jusqu’à ce que je me rende compte que je pourrais mieux les vendre moi-même. J’ai donc acheté un camion et pris la route.
Connaissiez-vous le Grand Nord?
Non. Je n’étais jamais venu ici.
Alors comment en êtes-vous arrivé à conduire un train routier chargé de fruits jusqu’ici?
Au début du mois d’août 1985, je me suis dit que je pourrais aussi bien aller jusqu’à Inuvik. J’étais déjà presque rendu.
Je suis arrivé à la mi-août, et je suis resté. J’ai une autre adresse à Kamloops, en Colombie-Britannique : c’est mon chez-moi. Ici, je ne fais que travailler, mais j’ai un endroit où habiter quand je suis en ville.
La municipalité compte trois épiceries. Qu’avez-vous de plus à offrir?
Ma priorité est la fraîcheur de mes produits. C’est en m’assurant de la préserver que j’ai gagné tous mes cheveux blancs! À chaque voyage, il y a toujours un produit qui n’est pas à la hauteur à l’arrivée, mais il faut quand même essayer. Je n’aurais aucun avantage si je transportais des produits qu’on trouve dans les épiceries.
Vos clients semblent très fidèles. Comment expliquez-vous cela?
Probablement mes prix et la qualité de mes fruits et légumes. Et aussi le fait que je suis un très bon gars!
Depuis combien d’années faites-vous cela?
Depuis environ 26 ans et demi. En août prochain (2012), ça fera 27 ans.
Dites-nous combien de mois ou de semaines vous passez sur la route par année?
Neuf mois par année. La période de la débâcle devrait débuter très bientôt. Toute la neige disparaîtra. Nous avons des traverses de glace. Lors du dégel, nous ne pouvons plus les emprunter, alors nous devons attendre. Parfois, les routes sont fermées parce qu’elles ramollissent, de même que les traverses. Impossible de passer de l’autre côté avant la reprise des traversiers. Cette période dure habituellement environ un mois. Nous pouvons généralement repartir dans la première semaine de juin.
Après 27 ans, que trouvez-vous le plus gratifiant dans votre travail?
Ce sont les gens. Ils vous disent merci de venir et de faire ce que vous faites. Leurs sourires et leurs commentaires sur mes fruits et légumes me réchauffent le cœur.