Pourquoi la pensée suicidaire est si populaire au pays des ours polaires
Au Nunavut, les citoyens se suicident 10 fois plus souvent que les autres Canadiens
La plus vaste étude jamais réalisée sur les facteurs de risque se cachant derrière le taux très élevé de suicides au Nunavut dans le Grand Nord canadien révèle que le suicide d’une personne un jour donnée se prépare très souvent dans les faits depuis plusieurs années.
Cette enquête révèle aussi l’ampleur des problèmes de santé mentale qui sévissent dans ce grand territoire nordique du Canada qui couvre plus du cinquième de toute la superficie du pays, mais qui ne compte que 32 000 habitants.
Une population jeune, isolée et troublée
Environ 40 % des Nunavummiuts ont moins de 15 ans. La population du Nunavut est touchée par des problèmes sociaux importants : chômage, pénurie de logements, délinquance, alcoolisme, suicides.
Selon la grande enquête sur le suicide publiée mercredi, les taux relevés pour les principales maladies mentales, incluant les troubles de dépression majeure, s’avèrent plus élevés au Nunavut qu’au sein de la population canadienne dans son ensemble.
L’étude a scruté l’histoire personnelle de 120 Inuits qui se sont enlevé la vie entre 2003 et 2006. Les chercheurs ont mené près de 500 entrevues avec des proches et des membres de la famille. Ces « autopsies psychologiques » ont ensuite été comparées avec les profils de 120 autres Inuits d’un groupe témoin.
Aucune raison unique ne peut expliquer à elle seule généralement la cause d’un suicide. Mais ce que démontre l’enquête, c’est que le suicide est le résultat d’un long processus qui s’enclenche beaucoup plus tôt.
Selon l’auteur principal de l’étude, Eduardo Chachamovich : « Les données recueillies ne permettent pas de préciser les causes exactes des suicides. Mais il y a définitivement un modèle qui se répète dans les cas étudiés ».
Un des principaux problèmes des services de santé dans la région
- Le taux de suicide au Nunavut est 10 fois plus élevé que la moyenne canadienne.
- Presque tous les résidants du Nunavut connaissent au moins une personne qui s’est enlevé la vie.
- Selon ce qu’indique l’étude, les suicides semblent plus fréquents chez les jeunes hommes d’environ 24 ans, célibataires, sans emploi et relativement moins éduqués.
- Le taux de consommation d’alcool et de marijuana de ces jeunes était le double pratiquement par rapport à celui des Inuits d’un groupe témoin.
Les dommages et dégâts des agressions sexuelles
Les résultats de cette vaste étude permettent de déterminer que les sévices sexuels constituent un important facteur de risque. Près de la moitié des victimes ont été agressées sexuellement ou physiquement pendant leur enfance, contre un quart seulement des Inuits du groupe témoin.
L’étude a notamment conclu que près des deux tiers des 120 Inuits qui se sont donné la mort souffraient d’une grave dépression. Elle a aussi permis de découvrir que près du quart des Inuits du groupe témoin étaient aux prises avec une sévère dépression, soit trois fois plus que la moyenne canadienne.
Le gouvernement territorial, de même que la Gendarmerie royale du Canada et l’université McGill ont également contribué à cette recherche.