Le cinéma québécois se tourne de plus en plus vers le Nord

Un avion vole au-dessus de Frobisher Bay, Iqaluit. (Levon Sevunts/Radio Canada International)
La sortie de deux films québécois remarqués sur le Grand Nord — Iqaluit, de Benoît Pilon (10 mars), et Tuktuq, de Robin Aubert (24 mars) — illustre un intérêt grandissant pour cette région de la part des réalisateurs du « sud » de la province.

L’année 2017 marque ici une certaine continuité. Sortis à l’automne 2016, le documentaire Chez les géants, d’Aude Leroux-Lévesque, et le plus récent film de Kim Nguyen, Two Lovers and a Bear, s’inscrivaient aussi dans cette évolution.

« Les cinéastes sont le reflet de ce qu’on voit au Québec et au Canada. Il y a une volonté de refonder les rapports avec les nations originaires », explique André Dudemaine, interrogé par Radio-Canada sur les raisons de ce changement.

Le réalisateur innu et directeur des activités culturelles de Terres en vues voit dans les travaux de la Commission de vérité et réconciliation un moment important. Chargés de faire la lumière sur les sévices subis par les anciens élèves des pensionnats autochtones, ils ont aussi favorisé ce désir d’ouvrir les fenêtres sur la lumière polaire.

André Dudemaine. (Philippe Couture/Radio-Canada)

Bernard Pilon confirme ce souhait lorsqu’il évoque Iqaluit, capitale du Nunavut, qui a donné le titre à son long métrage. Lors de son passage à l’émission Médium Large, le 7 mars, il a indiqué avoir voulu filmer « une réalité qu’on connaît très peu », qu’il qualifie de « très étrange, avec des maisons construites sur pilotis […], des systèmes d’égouts à l’extérieur de la terre, des gros tuyaux partout et le terminal d’aéroport qui a l’air d’un module lunaire. »

Les relations entre Blancs et Inuits se trouvent également au cœur de son scénario. Iqaluit est axé sur l’arrivée d’une femme (Marie-Josée Croze), forcée de quitter Montréal et de se rendre dans le Grand Nord afin de rendre visite à son mari gravement blessé (François). Elle se lie alors d’amitié avec un Autochtone (Natar Ungalaaq) qui lui permet d’enquêter sur les circonstances de l’accident.

Robin Aubert aborde un angle bien plus politique dans Tuktuq. Le cinéaste se met en scène dans le rôle de Martin, un caméraman envoyé dans un village du Nunavik par le gouvernement libéral pour documenter le futur déplacement de la population locale, forcée de laisser sa place au nom d’intérêts économiques et politiques.

Robin Aubert dénonce ici la perception des Inuits de la part d’un certain nombre de Québécois. « Je crois qu’on ne les voit pas comme nos égaux, a-t-écrit lors d’une entrevue par courriel avec Radio-Canada. Si c’était le cas, ils auraient droit à leur indépendance. À tous les niveaux. Pour qu’un premier ministre établisse son grand rêve du Plan Nord en réalisant plus tard qu’il avait oublié de concerter le peuple qui y habite, ça en dit long sur notre perception. »

André Dudemaine voit justement dans ces films l’occasion de changer quelque peu les mentalités : « Ils peuvent faire du bien sur l’opinion publique en général, ébranler des préjugés. C’est positif. »

En attendant la réaction du public, les tournages des longs métrages ont déjà bouleversé les cinéastes eux-mêmes.

Quand je pense au Nunavik, le coeur me pince d’images fortes et de la générosité des gens.

Robin Aubert

Benoît Pilon, lui, dit être « fasciné » par Iqaluit. Il avait découvert la ville lors des auditions pour le film Ce qu’il faut pour vivre (2008), qui évoquait l’expérience d’un chasseur inuit dans un sanatorium de Québec, loin de son territoire et de ses proches.

André Dudemaine insiste sur la nécessité de faire de la place à la parole des Autochtones, y compris dans les films tournés par les Québécois du Sud, en les intégrant tant dans la distribution que dans les équipes. « Si on se dit proche des Premières Nations et des Inuits, il est important d’aider au développement de leurs capacités techniques et artistiques », souligne-t-il.

Entrevue avec Marie-Josée Croze et Benoît Pilon
Écoutez une entrevue avec la comédienne Marie-Josée Croze et le réalisateur Benoît Pilon à propos du film Iqaluit, à l’émission Médium large de Radio-Canada.

Antoine Aubert, Radio-Canada

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