Doutes et colère après la mort de deux jeunes Inuites à Montréal
Siasi Tullaugak et Sharon Barron avaient toutes les deux déménagé du Nunavik à Montréal dans l’espoir d’une vie meilleure.
Quelques jours après leur mort, des travailleurs communautaires s’insurgent contre une enquête policière qu’ils jugent bâclée.
Sharon était à Montréal depuis son adolescence, et avait récemment réussi à se sortir de la rue; elle était dans une relation stable et avait trouvé un logement à Dorval.
Siasi avait déménagé dans la métropole en avril, mais elle était tombée dans la prostitution et la drogue, et tentait de trouver les fonds pour retourner chez elle, à Puvirnituq.
Siasi et Sharon, toutes deux âgés de 27 ans, sont mortes la semaine dernière, à quelques jours d’intervalle. Siasi a été retrouvée pendue à son balcon de la rue Chomedey, près du métro Atwater. Sharon Barron a été retrouvée dans son appartement de Dorval.
Le Service de police de la Ville de Montréal estime que les deux morts ne sont pas liées à un acte criminel, et ne donne pas de précisions sur leurs causes.
Urgences-santé a pour sa part confirmé à CBC – sans donner de noms – que les morts de deux femmes de 27 ans à ces deux endroits sont traitées comme des suicides.
Des doutes
Le milieu communautaire soulève toutefois des doutes. « On sait que Siasi avait des ennemis, elle avait été battue quelques semaines avant sa mort. Elle avait des clients autour d’elle qui n’étaient pas les personnes les plus recommandables », mentionne David Chapman, le directeur du foyer Open Door. L’organisme se trouve près du square Cabot, que fréquentaient les deux jeunes femmes.
Siasi avait en outre dit à sa soeur, sans donner de nom, que quelqu’un tentait de la tuer. Elle avait également alerté les policiers, comme le confirme Vice, qui a obtenu le rapport de police sur la mort de Siasi Tullaugak.
David Chapman affirme qu’un ami de Siasi a vu celle-ci avec un homme à peine une heure avant sa mort, et qu’il a entendu un cri. Mais la police n’a pas voulu écouter le témoin, « probablement en raison de son passé criminel », affirme le directeur de l’organisme du boulevard Dorchester.
Jessica Quijano, coordonnatrice au Foyer pour femmes autochtones de Montréal, travaille également au Projet Iskweu, qui accompagne les familles lors d’assassinats ou de disparitions de femmes autochtones, et fait le suivi avec la police.
« Beaucoup de points d’interrogation »
Dans le cas de Siasi Tullaugak, la travailleuse sociale n’écarte pas la thèse du suicide, mais elle estime que le travail des enquêteurs a été bâclé. « Siasi est décédée dimanche ou lundi durant la nuit. Mercredi, j’ai parlé à l’enquêteur et l’investigation était presque terminée », souligne-t-elle.
Selon Jessica Quijano, la colère est grande parmi les Autochtones, où les femmes sont trois fois plus à risque de violence que les autres Canadiennes. « Historiquement, les femmes autochtones ne sont pas prises au sérieux par la police », dit-elle.
Paul Chapman croit pour sa part qu’il y a « beaucoup de points d’interrogation », particulièrement en ce qui concerne la mort de Siasi Tullaugak.
Une source policière qui n’a pas voulu s’identifier assure toutefois que « chaque décès est enquêté de la même façon ». « Ce n’est pas parce que la victime est autochtone qu’on fait moins bien notre travail », a affirmé le policier.
Une veillée en hommage aux deux femmes a eu lieu vendredi dernier au square Cabot.