Le budget de la reconnaissance : 5 milliards pour les Autochtones au Canada

Cape Dorset, petit village inuit de 1200 âmes dans l'est du Nunavut. (Eilís Quinn/Regard sur l'Arctique)
Le fédéral prend acte que les enfants autochtones de moins de 14 ans représentent 7,7 % de la population canadienne, mais constituent plus de 52 % des enfants en foyer d’accueil. Ottawa propose donc de fournir plus de 1,4 milliard de dollars en nouveau financement sur six ans à compter de cette année pour les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Le but est de garder autant que possible les enfants au sein des communautés. (Eilís Quinn/Regard sur l’Arctique)
Après la réconciliation, place maintenant au budget de la reconnaissance. Le budget du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, prévoit des investissements supplémentaires de 5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années afin d’améliorer la situation des enfants, la santé et la qualité des logements, et de favoriser l’autonomie gouvernementale des Nations autochtones.

D’abord les enfants. Par trois fois, le Tribunal canadien des droits de la personne a décrété que le Canada faisait preuve de discrimination à l’endroit des enfants autochtones en investissant moins pour eux que pour les autres enfants canadiens. Par trois fois, le Tribunal a ordonné à Ottawa une mise à niveau.

Le fédéral prend acte que les enfants autochtones de moins de 14 ans représentent 7,7 % de la population canadienne, mais constituent plus de 52 % des enfants en foyer d’accueil. Ottawa propose donc de fournir plus de 1,4 milliard de dollars en nouveau financement sur six ans à compter de cette année pour les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Le but est de garder autant que possible les enfants au sein des communautés.

La santé des Autochtones

La semaine dernière, le journal britannique The Lancet soutenait que le Canada entretenait un véritable tiers-monde en son sein en ce qui concerne la santé des Autochtones.

Vrai. Les taux de mortalité infantile chez les enfants des Premières Nations et des Inuits sont jusqu’à trois fois plus élevés, les taux de diabète jusqu’à quatre fois plus élevés et les taux de suicide chez les jeunes des Premières Nations de cinq à sept fois plus élevés que chez les autres Canadiens.

Le fédéral promet d’investir 1,5 milliard supplémentaire pour les cinq prochaines années en santé à compter de maintenant. Une approche qui vise aussi à favoriser une forme d’autodétermination afin que les « programmes et services de santé soient élaborés, assurés et contrôlés par et pour les Premières Nations », peut-on lire dans le document du budget.

Une approche spécifique pour le logement
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Ottawa promet d’investir 600 millions de dollars dans le logement dans les réserves au cours des trois prochaines années pour faire face à la croissance de 13 % de la population qu’on observe depuis 2006. Non seulement les logements sont surpeuplés, mais 20 % d’entre eux nécessitent des rénovations majeures. (Radio-Canada)

Le gouvernement Trudeau prend acte également que, loin de constituer un bloc monolithique, les Nations autochtones se caractérisent par leur diversité en matière culturelle, linguistique, économique, qui s’illustre par des besoins différents.

Cette reconnaissance de la diversité se traduit par une approche spécifique pour la question du logement, en tenant compte des caractéristiques particulières des Premières Nations par rapport à celles des Inuits ou des Métis, dont la majorité se retrouve en ville.

Ottawa promet d’investir 600 millions de dollars dans le logement au sein des réserves au cours des trois prochaines années pour faire face à la croissance de 13 % de la population qu’on observe depuis 2006. Non seulement les logements sont surpeuplés, mais 20 % d’entre eux ont besoin de rénovations majeures.

Quant aux Inuits et aux Métis, ils recevront respectivement 400 et 500 millions supplémentaires dans les 10 prochaines années pour améliorer leurs conditions de logement.

Le fédéral s’attaque aussi à la crise du logement urbain pour les Autochtones, dont plus de 50 % vivent maintenant en ville. Il investira 213 millions sur cinq ans dans les logements urbains.

L’eau potable dans les réserves demeure un enjeu

Avoir de meilleurs logements, c’est bien. Il reste maintenant à les alimenter en eau potable. Il y a des enfants de 10 ans dans les réserves du Nord de l’Ontario qui ont bu pour la première fois de l’eau du robinet l’an passé.

Le gouvernement avait promis dans le budget précédent 1,8 milliard sur cinq ans. Il ajoute à cette somme 172 millions pour les trois prochaines années. Ce sont 275 communautés autochtones qui ont profité de ce programme, avance Ottawa.

L’autonomie gouvernementale

Le fédéral comme les premiers habitants de ce pays sont d’accord sur une chose : il faut en finir avec les politiques colonialistes et la dépendance qui viennent avec le saupoudrage de fonds, aussi inefficace que malsain.

Toute la question est dans le « comment ». Comment établir une relation de nation à nation avec les autres Canadiens? Comment faire pour que cette autonomie gouvernementale depuis longtemps promise puisse couper plus de 150 ans de liens coloniaux?

Les Premières Nations vous le diront, la première étape consiste d’abord à éviter que le moindre droit ne s’obtienne à l’arraché, c’est-à-dire après un processus judiciaire long et coûteux qui se termine très souvent devant la Cour suprême.

À ce sujet, le budget propose « que les droits autochtones soient reconnus dès le départ » comme l’a déclaré le 14 février le premier ministre Trudeau à la Chambre des communes. C’est là l’essence même de cette politique de reconnaissance calquée sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Le budget chiffre ce principe. Ottawa met 51 millions sur la table dès cette année. Il s’agit, peut-on lire, de favoriser « la participation des peuples autochtones à des négociations de traités modernes […] au moyen de contributions non remboursables ». En d’autres mots, les Nations autochtones auront moins besoin de s’endetter pour négocier avec le fédéral.

Être maître chez soi passe également par le renforcement des capacités à mieux se gérer. Le budget Morneau propose à ce chapitre, de concert avec l’Assemblée des Premières Nations du Canada, de « soutenir [les Autochtones] dans le renforcement de leurs capacités internes, financières et administratives ». Coût de l’opération : 188 millions sur 5 ans.

Enfin, pour que l’autonomie politique soit durable, les Autochtones ont besoin comme toute nation de se doter d’emplois de qualité, particulièrement quand on possède une population qui se caractérise par la jeunesse. Le nouveau Programme de formation pour les compétences dévoilé dans ce budget mettra « davantage l’accent sur la formation liée à des emplois de plus grande qualité et mieux rémunérés plutôt qu’au réemploi rapide ». Il s’agit d’un investissement supplémentaire de 447 millions sur 5 ans.

Les mesures annoncées dans le budget Morneau intitulé « Égalité et croissance » représentent à partir d’une perspective autochtone des mesures de rattrapage. Elles visent tout juste une mise à niveau des programmes pour sortir tant bien que mal les Autochtones de leur condition de citoyens de seconde zone, condition mesurable par des indices socioéconomiques qui se situent bien en deçà de ceux des autres Canadiens. L’argent risque donc d’être insuffisant si ce mouvement de reconnaissance n’est pas accompagné de part et d’autre d’une forte volonté politique de changer radicalement cette situation intenable. Un budget ne peut effacer à lui seul 150 ans d’histoire.

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