Le Canada mal outillé pour affronter l’explosion du transport maritime dans l’Arctique, selon une experte
Le Canada souffre d’un manque criant de préparation pour s’adapter aux changements mondiaux qui découleront de l’expansion du transport maritime dans l’Arctique, a-t-on entendu au Sommet sur la durabilité de l’Arctique du G7 à Montréal, la semaine dernière.
« Le transport maritime n’est pas traditionnellement une industrie qui profite aux communautés locales sauf si les bateaux s’y arrêtent, si l’infrastructure pour desservir cette industrie est disponible, et nous ne sommes tout simplement pas rendus là au Canada, » a affirmé Jackie Dawson, professeure de géographie à l’Université d’Ottawa à l’occasion du panel L’Arctique en mutation – implications biophysiques et socio-économiques (The Changing Arctic – biophysical and socio-economic implications).
« Si nous voulons tirer profit de ce qui viendra – et cela viendra – nous devons devenir des leaders mondiaux dans ce domaine, » a dit Dawson, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’environnement, la société et les politiques.
Besoin urgent d’une stratégie
Le trafic maritime dans l’Arctique canadien est toujours éclipsé par celui de l’Arctique européen, mais les chiffres ont augmenté de façon significative au cours des 10 dernières années. En effet, le trafic maritime a triplé en termes de kilomètres parcourus par bateau, et les voyages en bateaux de plaisance ont augmenté de 400 pourcent, a dit Dawson.
Malgré tout, le Canada accuse un retard alors même que des pays non-Arctique se mobilisent pour profiter des opportunités économiques qu’offriront les nouvelles voies maritimes.
Dans son Livre blanc de l’Arctique, publié en janvier, la Chine a explicité son ambition de créer une ‘route polaire de la soie’, un réseau de voies de transport maritime dans l’Arctique qui lierait la Chine au reste du monde en passant par le Nord. Le Canada a désespérément besoin d’une stratégie et d’infrastructure en place pour que cela puisse être bénéfique aux Canadiens, a expliqué Dawson.
« Le transport dans le Passage du Nord-Ouest, actuellement, ne bénéficie pas aux populations qui y vivent », a affirmé Dawson. « Le Canada doit trouver comment cela se fait. »
Un déficit de brise-glace
De plus, malgré une vaste bande côtière dans l’Arctique, la capacité de brise-glace du Canada est déficiente, a dit Dawson.
Le Canada accuse un retard car il souffre à la fois d’une flotte de brise-glace vieillissante et d’un long processus d’acquisition. Le Canada est certes en train de construire un brise-glace ainsi que de plus petits vaisseaux de patrouille pour l’Arctique et les côtes, mais ces projets ont subi des délais.
L’incertitude plane également sur la disponibilité de ces vaisseaux pour des besoins scientifiques, a affirmé Dawson.
Pendant ce temps, la Russie et la Chine continuent de développer des brise-glace capables de percer un chemin à travers deux mètres de glace vieille de plusieurs années. D’autres pays développent quant à eux des bateaux alimentés par l’énergie solaire.
Si le Canada ne réfléchit rapidement pas à sa place sur l’échiquier mondial, il pourrait ne jamais combler le retard et ainsi se priver des bénéfices de l’industrie du transport maritime, évaluée à 500 milliards de dollars et permettant le transport d’environ 12 billions de dollars de marchandises, a dit Dawson.
« Nous parlons d’une industrie gigantesque qui changera le visage du monde. Elle changera le visage du Canada. Les dynamiques du pouvoir mondial changeront lorsque le Passage du Nord-Ouest deviendra une voie pour le commerce maritime. Le Canada doit être prêt. »
Le Sommet sur la durabilité de l’Arctique du G7, qui se tenait les 23 et 24 mai, faisait partie de la série de Sommets sur la recherche du G7 et visait à rassembler des universitaires et des personnalités politiques du monde entier autour du thème de la durabilité dans le Nord.
– Traduit par Gabriel Séguin, Regard sur l’Arctique