Droits des autochtones et gouvernance : le Canada ne va pas assez loin, selon des expertes

Deux universitaires critiquent le Cadre de reconnaissance des droits autochtones, que le gouvernement fédéral veut mettre en place avant octobre 2019, parce qu’il perpétue la subordination de la juridiction des peuples autochtones, selon elles.

En février, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé sa volonté de mettre au point, en collaboration avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, un Cadre de reconnaissance et de mise en oeuvre des droits des peuples autochtones, qui comprendrait de nouvelles lois et de nouvelles politiques.

Depuis cette annonce, le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord du Canada a tenu ce qu’il décrit comme étant des séances de mobilisation avec les dirigeants et les communautés des Premières Nations, inuits et métis de partout au pays pour réfléchir au cadre.

Or, dans une lettre ouverte, publiée mardi, Joyce Green, professeure au département de politique et d’études internationales de l’Université de Regina, et Gina Starblanket, professeure associée en sciences politiques à l’Université de Calgary, s’interrogent sur la portée d’un tel cadre de reconnaissance.

Un cadre voué à l’échec

Selon les sujets abordés lors de ces consultations et publiés sur le site du ministère, Gina Starblanket, professeure adjointe en sciences politiques à l’Université de Calgary, estime que le cadre est voué à l’échec. « Il n’apporte aucun changement important au statu quo en ce qui concerne la façon dont le Canada compte s’engager avec les peuples autochtones en tant qu’entités politiques », estime-t-elle.

« Ce cadre utilise le langage de nation à nation et parle du respect de l’autonomie gouvernementale autochtone, mais, en réalité, il conçoit cette autonomie gouvernementale comme un gouvernement subalterne subordonné aux juridictions des gouvernements fédéral et provinciaux », déplore-t-elle.

Selon elle, le cadre n’implique pas de changements structurels ou fondamentaux de l’État canadien qui sont pour elle nécessaires pour respecter et honorer les droits des peuples autochtones.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde. (Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne)

Gina Starblanket explique que le gouvernement fédéral doit collaborer avec les peuples autochtones sur la base d’une relation de gouvernement à gouvernement, c’est-à-dire « une relation de non-subordination politique ».

Selon elle, cela nécessite une refonte de la structure fédérale. « Cette restructuration implique que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent renoncer à certaines de leurs compétences, ce qui nécessitera une transformation réelle de la structure existante », explique-t-elle.

Cela impliquerait la reconnaissance des nations autochtones en tant que troisième ordre de gouvernement.

– Gina Starblanket, professeure adjointe en sciences politiques à l’Université de Calgary

Mme Starblanket déplore que les intérêts autochtones soient seulement respectés lorsqu’ils correspondent aux intérêts économiques du pays, comme c’est le cas pour la construction de pipeline, selon elle.

« Le Canada continue de parler de la manière dont il doit créer un cadre pour reconnaître les droits des Autochtones, alors qu’en réalité, ces cadres sont en partie déjà en place, avec les traités négociés. Ces traités donnent un cadre de relations destiné à assurer leur juridiction et à affirmer la continuité des droits des peuples autochtones sur leurs territoires. Ils ne sont en réalité pas honorés et ils ne sont pas respectés comme ils devraient l’être », poursuit-elle.

Le gouvernement ouvert aux critiques

De son côté, le gouvernement fédéral n’a pas commenté directement ces critiques, mais a souligné qu’il souhaite continuer à recueillir des commentaires sur l’approche proposée. Il affirme que, jusqu’à présent, plus de 90 séances de mobilisation ont été organisées et que plus de 1400 personnes ont apporté leurs commentaires.

Ces sessions ont lieu dans différentes communautés depuis le mois de février et permettent au Ministère de consulter les Autochtones.

Le gouvernement fédéral a précisé que le Cadre de reconnaissance permettra de garantir sa responsabilité vis-à-vis des droits autochtones et de s’assurer qu’il fasse preuve de transparence. Le Cadre ne sortira toutefois pas des limites de la Constitution canadienne, a-t-il tenu à souligner.

Il compte présenter une série complète de changements cet automne.

Lise Ouangari, Radio-Canada

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