Les Forces canadiennes dans un Arctique en plein changement

Un peu plus d’un an après le dépôt de la Politique de défense du Canada, le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, est venu en faire la promotion dans l’Arctique. Mais, avec les changements climatiques, l’intérêt accru de la communauté internationale pour la région et un climat géopolitique complexe, l’avenir militaire de l’Arctique peut être difficile à cerner.
Les conditions sont extrêmes, les distances sont immenses, et les installations dans l’Arctique canadien restent limitées. C’est le défi constant des Forces armées canadiennes présentes au nord du 60e parallèle.
Depuis quelques années, la grande quantité de ressources naturelles et des passages maritimes de plus en plus accessibles avec la fonte des glaces suscitent également l’envie à travers le monde.

Pour le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, la politique canadienne dans l’Arctique permet avant tout de mieux offrir des services aux communautés éparpillées dans le Nord du pays.
« La souveraineté, c’est une question de soutenir les communautés qui vivent ici dans le Nord », explique le ministre. « C’est pour ça que la recherche et le sauvetage jouent un rôle si important [dans la politique de défense]. »

Une menace russe?
Pour le professeur associé de sciences politiques à l’Université de Calgary Rob Huebert, le gouvernement met surtout de l’avant cette approche pour la souveraineté par bonne rhétorique. Il dit pour sa part voir une politique misée sur la sécurité qui répond aux problèmes causés par une Russie de plus en plus agressive.
« Ce que tous les gouvernements préfèrent dire, c’est qu’il n’y a pas de menace militaire dans l’Arctique et que, même si les Russes minent la démocratie de tous les pays de l’Ouest, pour une raison ou une autre, l’utilisation de la force militaire dans l’Arctique sera différente », croit Rob Huebert.
« Cependant, si vous regardez ce que nous nous préparons à faire, avec la modernisation du NORAD et l’acceptation d’une politique de l’OTAN sur l’Arctique, vous verrez que le but est de se préparer pour un avenir plus sombre. »

Le professeur de sciences politiques et de relations internationales à l’École nationale d’administration publique de Québec Stéphane Roussel minimise pour sa part le risque de conflit avec la Russie.
Les distances restent immenses, selon lui, et il n’existe aucun réel conflit direct avec la Russie en Arctique ni d’intérêt stratégique ou d’éléments qui justifieraient un conflit.
« Oui, la Russie, d’un certain point de vue, peut constituer une menace pour l’Occident, mais ce qui pourrait se produire dans l’Arctique ne serait qu’une conséquence de ce qui se passe ailleurs », explique le professeur. « Mais, somme toute, il n’y a pas grand-chose qui pourrait se produire. »
Sans cette menace, mais avec une hausse des activités dans l’Arctique, Stéphane Roussel y voit les mêmes priorités que celles définies dans la politique, soit d’assurer la sécurité maritime et les efforts en recherche et sauvetage, ainsi que d’offrir les services nécessaires aux communautés isolées.

Protection de la souveraineté
À cette question d’une possible menace russe dans l’Arctique, le ministre Harjit Sajjan répond d’abord que la souveraineté du Canada passe par de bons services pour ses communautés, mais ajoute que la politique vise aussi la défense de cette souveraineté.
« N’ayez crainte, nous allons nous assurer que nous avons les ressources nécessaires et que nos Forces armées sont équipées pour assurer la protection de notre souveraineté », explique le ministre, en résumant des projets énumérés dans la politique de défense.
Selon lui, la construction des navires de patrouille extracôtiers de l’Arctique, le remplacement du système RADARSAT et des programmes de recherches et de développement sur la surveillance assureront que « l’ensemble de notre souveraineté dans l’Arctique est couvert et surveillé ».

Priorité à la surveillance
Que ce soit pour la sécurité ou les missions de recherche et de sauvetage, la politique de défense met beaucoup d’accent sur la création d’un meilleur système de surveillance des eaux et des côtes.
Les navires commerciaux et les navires étrangers sont de plus en plus nombreux à emprunter le passage du Nord-Ouest, que ce soit pour le tourisme, le transport de biens ou la recherche.
Les nouveaux patrouilleurs, le nouveau système de satellites et les efforts actuels pour améliorer la surveillance sont nécessaires, selon le professeur Rob Huebert. Cependant, il croit que même si tous ces projets se concrétisent, ce ne sera pas suffisant.
« Les gouvernements ont tendance à déposer une politique de défense et à dire qu’ils ont trouvé la solution aux problèmes de l’Arctique », explique-t-il. « La réalité, c’est que l’Arctique est tellement dynamique et changeant. Nous devons nous assurer que nos politiques peuvent s’ajuster. »

Stéphane Roussel croit pour sa part que les efforts du gouvernement sont adéquats parce que les besoins ne sont pas encore pressants. Mais, avec un Arctique en changement, il espère que les efforts du gouvernement vont se poursuivre.
« C’est sûr qu’avec un territoire aussi vaste que le Nord, on n’a jamais assez de ressources », explique le commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), le brigadier général Patrick Carpentier. « Mais, en regardant la part des choses, pour le trafic qu’il y a dans le Nord, pour l’activité qu’on y voit, on a les forces nécessaires pour faire ce qu’on a à faire. »
Selon le brigadier général, des procédures sont en place pour que ces navires s’annoncent auprès de la garde côtière.

L’important, selon Harjit Sajjan, est donc de travailler avec les différents ministères pour s’assurer que les ressources seront mises au bon endroit.