Il faut soutenir davantage les LGBTQ2S, disent des experts de l’enquête sur les violences contre les femmes autochtones, dans le Nord canadien

Accompagnés des avocates de la Commission Christa Big Canoe et Shelby Thomas, Jeffrey McNeil-Seymour (à gauche), TJ Lightfoot (à droite) et Jasmine Redfern (deuxième à partir de la droite) ont témoigné pour deux journées consécutives aux audiences publiques d’Iqaluit de l’enquête canadienne sur les violences contre les femmes autochtones. (Garrett Hinchey/CBC)
Des experts demandent au gouvernement canadien d’offrir un meilleur soutien aux Autochtones LGBTQ et bispirituels. La commission chargée de l’enquête nationale sur les violences contre les femmes autochtones a recueilli ces témoignages lors de la dernière journée d’audiences publiques à Iqaluit, au Nunavut.

Au terme de quatre jours d’audiences, les témoins Jasmine Redfern, TJ Lightfoot et Jeffrey McNeil-Seymour ont formulé leurs recommandations aux commissaires sur la situation des personnes LGBTQ2S dans le processus national de décolonisation.

LGBTQ2S

La désignation «2S», dans l’appellation LGBTQ2S, fait référence à la bispiritualité. Le terme, qui est issu d’un concept anichinabé appelé « niizh manidoowag », fait référence aux personnes possédant un esprit à la fois masculin et féminin. L’appellation est employée par certaines personnes autochtones pour désigner leur identité sexuelle, spirituelle et de genre. Le militant canadien Albert McLeod a popularisé le terme il y a plus de 25 ans pour désigner la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre et allosexuelle (LGBTQ) autochtone.

« Nous devons commencer à étudier les choses d’un point de vue féministe, mais dans une perspective autochtone », a insisté TJ Lightfoot, une Micmaque bispirituelle originaire du Nouveau-Brunswick.

« Il faut insister pour une représentation égale [des sexes] dans toutes les structures. »

TJ Lightfoot, témoin

« Souvent, lorsque l’on parle de violences envers les femmes autochtones, on fait référence à la violence perpétrée par des hommes », a ajouté Jasmine Redfern, qui a travaillé au sein d’organismes offrant des ateliers de prévention du suicide et d’éducation sexuelle à des jeunes Autochtones. Cette dernière a déploré l’inexistence de mesures d’intervention dans les refuges d’Iqaluit pour faire face aux cas de violence entre deux femmes.

Mieux s’outiller pour répondre aux besoins des LGBTQ2S

Certains Autochtones souffrent de la méconnaissance de leur identité sexuelle, spirituelle et de genre dont font preuve plusieurs professionnels de la santé. « Souvent, on doit expliquer notre réalité et on doit décider de taire notre personnalité pour avoir accès de manière sécuritaire aux services dont on a besoin », a soulevé TJ Lightfoot lors des audiences de mercredi. « Ça peut être émotionnellement et spirituellement épuisant », a poursuivi Jasmine Redfern.

Selon elle, la difficulté est d’autant plus grande lorsqu’une personne se trouve en situation de crise. Elle doit alors se détacher de ses besoins immédiats puisque la personne censée l’aider est peu renseignée sur les enjeux des personnes bispirituelles et LGBTQ.

Selon l’activiste et professeur bispirituel à l’Université Thompson Rivers, en Colombie-Britannique, Jeffrey McNeil-Seymour, il incombe aux non-Autochtones de se renseigner avant de se rendre dans une communauté. Ce dernier a notamment fait remarquer aux commissaires que certains travailleurs sociaux n’étaient de passage dans une communauté que pour une année ou deux, ce qui leur laissait peu de temps pour comprendre les enjeux locaux.

« Les [Autochtones LGBTQ2S] veulent seulement être entendus », a fait valoir l’activiste bispirituel et professeur universitaire Jeffrey McNeil-Seymour. (Garrett Hinchey/CBC)
Même son de cloche du côté de la police fédérale. « Il y a des agents de la [Gendarmerie royale du Canada] qui sont envoyés très peu de temps dans une communauté avant de s’en aller ailleurs », a expliqué TJ Lightfoot.

Perdre ses repères  en quittant sa communauté

Contrairement aux idées reçues, l’intégration sociale des jeunes Autochtones n’est pas toujours plus simple en dehors de leur communautés, dans les villes du sud du pays.

Selon Jeffrey McNeil-Seymour, les jeunes Autochtones bispirituels et LGBTQ croient souvent qu’ils seront mieux acceptés en milieux urbains. « Mais une fois arrivés au sud, ils font face à d’autres réalités », a fait savoir le témoin, qui a rappelé que plusieurs jeunes étaient victimes de discrimination parce qu’ils étaient Autochtones.

« C’est difficile d’avoir un point d’ancrage quand on se retrouve en milieu urbain. »

Jeffrey McNeil-Seymour, activiste et professeur bispirituel
Prévention du suicide

Les trois témoins ont par ailleurs fait part aux commissaires d’initiatives pour lutter contre le suicide, dont le taux au Nunavut est dix fois supérieur à la moyenne canadienne.

« Avoir une rotation dans les possibilités de logements », a pour sa part proposé TJ Lightfoot, en faisant référence à la pénurie de logements qui sévit au Nunavut depuis les dernières années.

Jasmine Redfern trouverait bénéfique d’offrir un accès de jour comme de nuit à des centres jeunesse. « Il faut soutenir les gens avant qu’ils ne se retrouvent en situation de crise », a affirmé la témoin.

Dernières audiences avant le dépôt du rapport final

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) a été lancée en 2016 afin d’identifier les causes systémiques de la violence envers les femmes autochtones. La Commission tient jusqu’au mois d’octobre ses dernières audiences publiques.

D’ici le mois d’octobre, les commissaires Michèle Audette, Marion Buller, Qajaq Robinson et Brian Eyolfson se rendront dans les capitales du Québec, du Manitoba et de Terre-Neuve-et-Labrador pour recueillir les derniers témoignages.

Ils ont jusqu’au 31 décembre pour entendre les témoignages d’autres familles et survivantes et jusqu’au 30 avril 2019 pour déposer leur rapport final au gouvernement canadien.

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