Absence d’aide psychologique pour des enfants inuits du Nord québécois traumatisés par le meurtre de leur mère
Les trois enfants de Nellie Angutiguluk, une Inuite assassinée à Montréal (sud du Québec) en 2015, auraient un besoin criant d’aide psychologique, a soutenu une proche de la victime lors des représentations sur la peine de son meurtrier Kwasi Benjamin, mercredi. Lisa Koperqualuk, qui travaille entre autres à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), déplore de plus que ce service n’est pas accessible dans le Grand Nord québécois.
« Ils s’ennuient et s’ennuiront de pouvoir parler à leur mère de leurs expériences de vie, de ce qu’ils vivent, d’être capables de communiquer leurs émotions à celle qui les aime inconditionnellement », a déclaré madame Koperqualuk au juge Pierre Labrie, de la Cour supérieure du Québec.
En février, un jury avait déclaré Kwasi Benjamin, âgé de 32 ans, coupable du meurtre non prémédité de Nellie Angutiguluk.
La victime, originaire de Puvirnituq, au Nunavik, a été retrouvée morte le 18 mai 2015 dans l’appartament qu’elle partageait avec son meurtrier sur la rue de Nancy, dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal.
Nellie Angutiguluk, 29 ans, était venue s’établir à Montréal après le décès du père de ses enfants dans un accident. Ses enfants étaient restés dans sa communauté et ont depuis été adoptés par leurs grands-parents maternels.
C’est après avoir rencontré à Puvirnituq Maggie Nungaq Angutiguluk, la mère de la victime, que Lisa Koperqualuk a écrit sa déclaration qu’elle a lu dans la salle d’audience. « Mon coeur a été blessé », affirme Nungaq Angutiguluk dans le document.
Elle y confie aussi des souvenirs de transporter Nellie, sa plus jeune enfant, dans son amautiq, le manteau inuit conçu pour les mères et leur bébé. « Je lui parlais et elle me répondait, elle apprenait de cette façon à parler et je la trouvais toujours plus adorable chaque fois », a lu madame Koperqualuk. « Mon amour pour elle ne faisait que croître ».
Lisa Koperqualuk a raconté à la cour que la mère de la victime se trouvait à Montréal pour une visite médicale lors du meurtre. Elle était seule dans une chambre du YMCA lorsqu’on a cogné à sa porte tôt le matin pour qu’elle rencontre les officiers, qui lui ont transmis la nouvelle du décès de sa fille. « Depuis ce temps, je me réveille à cette heure chaque matin et je suis frappée par ce souvenir d’apprendre la mort de Nellie », affirme madame Angutiguluk, dans la déclaration.
Besoin d’aide pour guérir
Maggie Nungaq Angutiguluk affirme que le comportement de ses petits-enfants a changé depuis la perte de leur mère et à cause de la douleur qu’ils endurent en sachant qu’elle a été assassinée. L’aîné des enfants aurait des problèmes à l’école et aurait même violenté un enseignant. « Il a besoin de guérir et de surmonter son deuil », a raconté madame Koperqualuk, citant la grand-mère de celui-ci.
Lisa Koperqualuk a soutenu hors de la salle d’audiences que le manque de service va continuer d’avoir un impact sur les enfants. « Il n’y a pas beaucoup de services qui pourrait les aider à vivre leur deuil ».
Peu d’espoir de réadaptation
La cour a aussi entendu le Dr. Louis Morissette, un psychiatre de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal. Il a détaillé les traits de personnalité de Kwasi Benjamin et ses possibilités de réadaptation. Il a expliqué que le meurtrier de Nellie Angutiguluk a un problème d’alcoolisme et est violent avec les femmes. Il affirme aussi que Benjamin a tendance à minimiser la portée de ses actions, ce qui augure mal pour les résultats de possibles traitements.
« De ce que j’ai vu de M. Benjamin cet été, je doute qu’il bénéficierait des programmes [offerts en prison] », a-t-il poursuivi. « Il est important que ces programmes lui soient offerts, mais à cause de certains traits de personnalité… malheureusement, je doute qu’il en profiterait. »
Da sa recommandation de peine, le procureur de la Couronne Jean-Philippe MacKay a suggéré que Kwasi Benjamin serve une peine de 17 ans de prison avant d’être admissible à une libération conditionnelle, soulignant qu’il est responsable d’avoir rendu trois enfants orphelins.
Jean-Philippe MacKay a affirmé que Benjamin a assassiné une femme vulnérable et qu’il n’a montré ni empathie ni remords. Il a aussi dit que l’homme avait eu l’habitude de ne pas obéir aux ordres de la cour de ne pas consommer d’alcool et de ne pas approcher la victime.
L’avocat de la défense, Louis Miville-Dechênes, propose quant à lui une peine de 10 ans de prison avant d’être admissible à une demande de libération conditionnelle. « Une période de 10 ans pour apprendre à développer de l’empathie et a gérer des relations à long terme », a-t-il dit. « Il y a des programmes en prison. Il sera bien encadré et aura amplement de temps pour changer. »
Le juge Jean-Pierre Labrie livrera sa décision le 31 octobre prochain.