Protection des mammifères marins au Canada : « trop peu, trop tard »?
Alors que bélugas, épaulards et baleines noires sont menacés ou en voie de disparition au pays, le gouvernement canadien ne réussit pas à les protéger contre les risques inhérents à la navigation maritime et la pêche commerciale, indique la commissaire à l’environnement.
« Le gouvernement ne s’est pas montré proactif [pour que ces animaux] puissent survivre », affirme la commissaire à l’environnement et au développement durable Julie Gelfand.
Les ministères de Pêches et Océans Canada, d’Environnement et Changement climatique Canada, de Parcs Canada et de Transports Canada, poursuit la commissaire, n’ont « pas appliqué pleinement les politiques et les mécanismes existants [pour gérer ces menaces] ».
Chaque année depuis 2008, environ 889 incidents concernant des mammifères marins en détresse sont signalés au Canada.
La commissaire prévoit que les dangers auxquels ces animaux font face, comme l’empêtrement, le bruit, les déversements d’hydrocarbures et les collisions avec les navires, augmenteront proportionnellement à la croissance économique.
Elle déplore que le gouvernement ait attendu la mort, à l’été 2017, de « 12 des 450 dernières baleines de l’Atlantique Nord [et] la quasi-extinction de la population d’épaulards » sur la côte ouest pour mettre en place quelques mesures pour protéger trois espèces, comme la réduction de la vitesse des navires et l’interdiction de certaines pêches.
Or, le gouvernement n’a toujours pas « instauré de politiques, de mesures, ni de mécanismes durables pour […] réduire les menaces qui pèsent sur l’ensemble des mammifères marins », souligne Mme Gelfand.
Des mammifères en détresse laissés à eux-mêmes
La commissaire constate que Pêches et Océans Canada n’a d’ailleurs pas « les ressources ni les directives nationales nécessaires » pour aider « efficacement » les organisations qui interviennent auprès des mammifères marins en détresse.
Les agents du ministère n’ont « souvent pas la formation nécessaire », précise-t-elle.
En 2018, le Canada comptait seulement cinq experts pour mener une intervention auprès d’une baleine empêtrée, dont un seul travaillant pour Pêches et Océans Canada.
La commissaire estime que le « manque d’uniformité dans les interventions ainsi que la capacité limitée d’intervention [posent] des risques pour les mammifères marins en détresse ainsi que pour les partenaires appelés à intervenir ».
La commissaire presse Pêches et Océans Canada de développer une approche nationale d’intervention, sans quoi la réputation du Canada en matière de protection de la faune pourrait être ternie.
Réponse du gouvernement
Le ministre des Transports souligne que le gouvernement a mis en place de nombreuses mesures pour assurer la protection des mammifères marins, dont la commissaire ne tient pas entièrement compte dans son rapport. Marc Garneau ajoute qu’une partie de l’analyse de Julie Gelfand porte sur des mesures introduites par le précédent gouvernement conservateur, qui n’en a pas fait assez pour protéger les mammifères marins.
M. Garneau souligne par ailleurs que les mesures introduites à l’été 2017 visant trois espèces aideront aussi les onze autres populations de mammifères marins menacés ou en voie de disparition.
« Ce sont des mesures qui vont s’adresser à toutes les espèces marines parce que ce sont des mesures qui touchent plusieurs différents domaines, non seulement la réduction du bruit sous-marin, mais aussi les questions environnementales et les contaminants qui sont dans l’eau et aussi l’accès à la nourriture », a dit M. Garneau.
Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’Environnement, Alexandre Boulerice, croit néanmoins que le gouvernement libéral fait fausse route. « Il y a un problème de plan de prévention et un problème d’application de la Loi [sur les espèces en péril] », lance M. Boulerice.
Répercussions économiques
En n’assumant pas ses responsabilités, le Canada pourrait certes devoir faire face à des répercussions environnementales, mais aussi économiques, prévient la commissaire.
La commissaire explique qu’en vertu de la loi américaine sur la protection des mammifères marins, le Canada devra adopter d’ici 2020 des mesures prévenant les prises accessoires et l’empêtrement.
Julie Gelfand ajoute que les mammifères marins contribuent également à l’essor du secteur touristique.