Nouvelle vague d’évictions de logements au Nunavik, dans le nord du Québec
Alors qu’une crise du logement sévit depuis plusieurs années au Nunavik, la région la plus septentrionale de la province du Québec, l’Office municipal d’habitation Kativik (OMHK) a entrepris une trentaine d’évictions au cours de la dernière semaine.
Entre le 24 et le 29 octobre, l’OMHK a procédé à 33 évictions dans 7 villages de la région nordique, ce qui représente la moitié des communautés inuites de la province. L’organisme régional, qui est chargé à la fois d’administrer et d’entretenir les logements sociaux de 90 % de la population du Nunavik, n’avait pas évincé de locataires depuis 2016.
« Je pense que ces évictions ont eu lieu au mauvais moment, surtout avec l’arrivée de la neige et du froid », déplore Shaomik Inukpuk, le gérant municipal du village d’Inukjuak qui a été touché par deux cas d’éviction depuis les derniers jours.
- Inukjuak : 2
- Kangiqsualujjuaq : 1
- Kuujjuaq : 9
- Kuujjuarapik : 8
- Puvirnituq : 6
- Quaqtaq : 2
- Salluit : 5
« On s’entend tous pour dire que ce n’est pas l’idéal », admet la directrice générale de l’Office municipal d’habitation Kativik, Marie-France Brisson, en entrevue téléphonique depuis Kuujjuaq.
Cette dernière précise que les personnes expulsées étaient généralement des personnes seules ou des couples. « On n’a pas mis d’enfants ou de vieillards à la rue », confirme pour sa part l’agente de liaison avec les communautés pour l’OMHK, Sonia Gosselin.
« Ce n’est plaisant pour personne, mais on considère que les devoirs ont été réellement faits et que l’information à la population a mené à un succès », croit Marie-France Brisson, en faisant référence à la dernière campagne de sensibilisation lancée par l’office municipal, aux équipes déployées sur le terrain ou encore à la diffusion d’information par le biais des radios communautaires.
« Par contre, le message demeure le même : l’importance de payer un loyer », insiste-t-elle.
Avant d’expulser de leur logement les non-payeurs, l’Office municipal d’habitation Kativik doit déployer des agents de liaison et transmettre des lettres aux locataires pour leur proposer une entente de paiement. Si les résidents ne concluent aucune entente, un avis de signification est envoyé au domicile par l’intermédiaire d’un huissier. Les locataires ont alors cinq jours pour quitter leur logement.
Les loyers résidentiels au Nunavik, dont les échelles de prix sont proportionnelles aux revenus annuels des locataires, varient entre environ 100 $ et 900 $.
Les évictions, un poids de plus pour les logements surpeuplés
Le gérant municipal du village d’Inukjuak, Shaomik Inukpuk, indique que les personnes évincées sont habituellement hébergées chez des membres de leur famille.
« On sait qu’en général, ça peut causer des surpeuplements dans les maisons à cause de la pression familiale », complète le secrétaire-trésorier de Kuujjuarapik, Pierre Roussel.
En 2016, un peu plus de la moitié des 11 795 Inuits du Nunavik vivaient dans un logement surpeuplé. Dans plusieurs communautés inuites, enfants, aînés et parents cohabitent parfois dans des maisons de deux à trois chambres à coucher. Le dernier recensement de Statistique Canada rapportait qu’ils étaient en moyenne 11 % à résider dans une maison où il manquait deux chambres à coucher.
Ces conditions de vie ont notamment des répercussions sur la santé des résidents, comme l’a démontré la résurgence de la tuberculose, une maladie infectieuse connue pour ses ravages jusqu’aux années 1950.
Selon la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, le taux d’incidence de la tuberculose chez les Inuits du Nunavik est de 100 à 300 fois plus élevé que celui du reste du Québec, et la quasi-totalité des 14 communautés nordiques ont recensé des cas dans les dernières années.
« C’est extrêmement difficile dans notre communauté »
En plus du surpeuplement des logements, Shaomik Inukpuk estime que le problème des non-paiements de loyers est aussi alimenté par le coût élevé de la vie au Nunavik et par le manque criant d’emplois dans plusieurs communautés.
« Les évictions sont les dernières ressources [dont dispose l’Office municipal d’habitation Kativik], mais ça ne nous aide en aucun cas, souligne-t-il. Ça ne fait qu’aggraver les problèmes que nous tentons de régler. »
Shaomik Inukpuk croit que l’une des solutions pour remédier au fléau des évictions serait de créer davantage d’emplois dans les communautés.
En 2011, le taux de chômage au Nunavik atteignait plus de 14 %, selon la Chaire de recherche du Canada sur la condition autochtone comparée.