Les États-Unis vilipendent la Chine et la Russie à la veille de la rencontre des ministres du Conseil de l’Arctique
ROVANIEMI, Finlande – Le Secrétaire d’État américain Mike Pompeo a laissé son auditoire stupéfait, lundi, en fustigeant la Chine et la Russie durant un discours portant sur la politique en Arctique, à la veille de la réunion des ministres du Conseil de l’Arctique.
« Par ses paroles et ses gestes, la Chine sème le doute quant à ses intentions », a déclaré Pompeo devant une salle comble composée principalement de délégués du Conseil de l’Arctique, à l’Aréna Lappi de Rovaniemi.
« Pékin prétend être un État quasi arctique », a affirmé Pompeo, faisant référence au livre blanc de la Chine sur l’Arctique, en 2018. « Pourtant, la distance la plus courte séparant la Chine de l’Arctique est de 900 miles [1450 kilomètres]. Il y a des États arctiques, et des États non arctiques. Il n’existe pas de troisième catégorie. La Chine peut prétendre le contraire, mais cela ne leur donne droit à rien. »
La Chine détient depuis 2013 le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique. Mais la Chine attire l’attention du monde entier par ses ambitions dans l’Arctique, explicitées l’an dernier dans un document politique énonçant ses plans pour des investissements majeurs et de vastes projets d’infrastructures dans le Nord, le tout visant à créer une « route de la soie de l’Arctique ».
Pompeo affirme que les États-Unis accueillent favorablement les investissements chinois dans l’Arctique. Le secrétaire d’État insiste toutefois que les Américains se doivent de surveiller de près les activités de la Chine, citant un rapport du département américain de la Défense daté du 2 mai indiquant que « la recherche civile pourrait servir à soutenir la présence militaire chinoise dans l’océan Arctique, incluant l’envoi de sous-marins visant à exercer un effet dissuasif sur le recours à l’arme nucléaire. »
La Russie et le Canada également visés
Pompeo et les membres de sept autres pays arctiques (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède et Russie) sont réunis à Rovaniemi cette semaine pour la 11e rencontre des ministres du Conseil de l’Arctique.
Le forum intergouvernemental est constitué de huit pays nordiques et six groupes autochtones de l’Arctique. L’organisation a pour mandat de discuter de développement durable et de protection de l’environnement dans le Nord. Les pays se rencontrent à tous les deux ans pour transférer la présidence et pour signer une déclaration définissant leurs priorités pour les deux prochaines années.
Mardi, la Finlande cède la présidence à l’Islande.
Bien que les questions militaires et sécuritaires sont spécifiquement exclues du Conseil de l’Arctique depuis sa fondation, Pompeo s’est également attaqué à la Russie en citant la crise en Ukraine et la réouverture de bases militaires dans le Nord de la Russie à titre d’exemples de l’augmentation de l’activité le long du Passage du Nord-Est.
« Nous sommes préoccupés par les revendications de la Russie sur les eaux internationales du Passage du Nord-Est, incluant son plan, récemment dévoilé, de la lier à la Route maritime de la soie de la Chine », a-t-il affirmé.
Pompeo a également décoché une flèche en direction d’Ottawa durant son discours, en abordant le sujet du Passage du Nord-Ouest, un corridor maritime considéré par le Canada comme des eaux nationales, mais comme des eaux internationales par les États-Unis.
« Nous reconnaissons que la Russie n’est pas seul pays ayant des revendications illégitimes », a-t-il dit, faisant allusion au Canada.
Dans un communiqué transmis par courriel à Regard sur l’Arctique, Affaires mondiales Canada a rappelé l’engagement du Canada à « exercer pleinement ses droits et sa souveraineté sur son territoire et sur ses eaux de l’Arctique, incluant le Passage du Nord-Ouest. »
« Ces cours d’eau font partie des eaux nationales canadiennes », a affirmé le porte-parole Guillaume Bérubé. « Le Canada et les États-Unis sont depuis longtemps en désaccord sur le statut du Passage du Nord-Ouest, mais nous travaillons en collaboration afin de gérer nos divergences, notamment en vertu de l’Accord de coopération dans l’Arctique de 1988. Nous nous attendons à ce que cette coopération se poursuive. »
L’esprit d’équipe des États-Unis?
Pompeo prononçait ces mots tout en cherchant à mettre l’accent sur l’esprit d’équipe des États-Unis dans les affaires du monde circumpolaire. Cela, en dépit des nombreuses critiques de la part de représentants de l’Arctique concernant l’obstruction américaine sur l’adoption du langage climatique qui figurera dans la Déclaration de Rovaniemi du Conseil de l’Arctique.
Dans les semaines précédant la rencontre ministérielle de Rovaniemi, le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov, ainsi que des représentants d’autres pays arctiques, ont critiqué de plus en plus ouvertement les tentatives américaines de retirer les termes liés aux changements climatiques et à l’Accord de Paris de la déclaration finale, qui doit être signée mardi.
Le président Trump a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris en 2017, un geste dénoncé par les autres pays membres du Conseil de l’Arctique qui demeure un point de discorde lors de discussions bilatérales entre les États-Unis et les autres pays membres.
Pompeo n’a fait aucune mention des changements climatiques durant son discours, mais a vanté le bilan environnemental des États-Unis dans l’Arctique, citant entre autres leur adhésion au moratoire sur la pêche dans l’océan Arctique central en 2018 ou encore la réduction de 16 pourcent de leurs émissions de carbone noir depuis 2013. Un résultat, dans le cas du carbone noir, que Pompeo a décrit comme étant « le meilleur parmi tous les pays de l’Arctique » alors « qu’on ne peut dire si la Russie réduit ses émissions » et que « les émissions de CO2 de la Chine ont triplé entre 2000 et 2016. »
Des délégués estomaqués
Gao Feng, représentant spécial de la Chine pour l’Arctique et chef de la délégation chinoise à la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique, a dit être bouleversé par le discours de Pompeo.
« Tout cela n’avait rien à avoir avec le but du Conseil de l’Arctique, qui est d’assurer la coopération, la protection de l’environnement, la consultation sur un ton amical et l’échange de points de vue », a-t-il dit en se secouant la tête alors qu’il s’adressait aux journalistes. « S’adresser de la sorte à la Russie, le plus gros pays du Conseil de l’Arctique? Je manque de mots pour décrire ce que je ressens. »
Lassi Heininen, directeur de recherche à l’Université de Finlande à Helsinki, affirme qu’un tel discours, tant par son contenu que par le moment choisi, est du jamais-vu pour une rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique, où la tradition veut qu’aucun État ou ministre ne tente de voler la vedette.
« Que s’est-il passé pour qu’il se comporte avec tant d’agressivité à l’égard de la Chine et de la Russie? », se demande Heininen. « Le Conseil de l’Arctique s’efforce de faire fi des tensions et des incertitudes au nom de l’intérêt commun, afin de travailler sur des bases solides. Le jour précédant la rencontre ministérielle, tous les partis respectent habituellement cet esprit de bonne entente et de bonne humeur, conscients de cet intérêt commun. »
« Peut-être que c’est la façon de l’administration Trump de mettre en oeuvre sa politique étrangère? Est-ce vraiment nécessaire? Quel était le but? Que tentez-vous d’obtenir?
« J’espère que cela ne va pas ouvrir la porte à une instrumentalisation du Conseil de l’Arctique à d’autres fins. »
Mise à jour : Cet article a été mis à jour pour inclure une réaction d’Affaires mondiales Canada transmise par communiqué.
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