Le système de santé du Nord canadien est à la traîne pour les personnes LGBTQ+, conclut une étude

Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université de Toronto et le programme Fostering Open Expression among Youth (FOXY), qui fait la promotion de la santé sexuelle chez les jeunes du Nord canadien, conclut que les personnes LGBTQ+ des Territoires du Nord-Ouest font face à des préjugés sur leur identité sexuelle et de genre lors de leurs consultations médicales. (David Silverman/Getty Images)
Les personnes LGBTQ+ reçoivent des soins de santé mentale et sexuelle inférieurs à ceux prodigués aux hétérosexuels, mais cet écart est encore plus prononcé dans l’Arctique canadien, conclut une récente étude canadienne.

« Il y a cette idée reçue selon laquelle tout le monde est hétérosexuel et cisgenre [et] ces préjugés font que de nombreuses personnes ont de la difficulté à se confier sur leur identité de genre et leurs pratiques sexuelles », mentionne la professeure adjointe au département Factor-Inwentash de travail social à l’Université de Toronto et coauteure de l’étude, Carmen Logie, en entrevue avec Regard sur l’Arctique.

La professeure adjointe au département Factor-Inwentash de travail social à l’Université de Toronto et coauteure de l’étude, Carmen Logie (Nancy Kim/Courtoisie de Carmen Logie)

Ces préjugés, comme l’indique la chercheuse, figurent parmi les causes principales d’un problème qu’elle qualifie de « structurel ». Dans le secteur de la santé, les personnes LGBTQ+ des Territoires du Nord-Ouest sont régulièrement victimes de stigmatisation liée à leur sexualité et à leur genre, et cela entretient un sentiment de honte et de peur, en plus d’altérer la qualité des soins qui leur sont prodigués, rapporte l’étude. « C’est extrêmement difficile, explique Carmen Logie. Tout cela crée une dynamique très inconfortable où le patient doit être assez courageux pour corriger son médecin. »

L’étude, publiée le 15 avril dans la revue médicale Health and Social Care in the Community, a été menée par des chercheurs de l’Université de Toronto en partenariat avec le programme Fostering Open Expression among Youth (FOXY), qui fait la promotion de la santé sexuelle chez les jeunes du Nord canadien. Les chercheurs ont reçu une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le principal organisme fédéral de financement de la recherche en santé du pays.

Confidentialité altérée

En plus de faire face à de la stigmatisation, les patients LGBTQ+ se heurtent à un manque de soins médicaux spécialisés, conclut l’étude. « Aux Territoires du Nord-Ouest, il n’y a pas de cliniques qui permettent aux personnes qui souhaitent changer de sexe de recourir à une opération chirurgicale, rapporte Carmen Logie. Ces personnes sont souvent contraintes de se rendre jusqu’à Edmonton [en Alberta]. »

Et même lorsque le patient dispose d’un centre de santé près de son lieu de résidence, de nombreuses cliniques du territoire sont formées d’équipes médicales réduites, ce qui soulève plusieurs préoccupations liées à la confidentialité. « Que se passe-t-il si un membre de leur famille ou un ami y travaille? », se questionne-t-elle.

« Certaines personnes nous ont expliqué que les listes d’attente étaient longues et qu’ils ne disposaient parfois que d’un seul centre de santé dans leur communauté, ce qui limite leurs options », mentionne la chercheuse Carmen Logie. Sur cette photo : le Centre régional de santé de Hay River, dans le sud des Territoires du Nord-Ouest. (Kirsten Murphy/CBC)

Pour parvenir à ces différentes conclusions, les chercheurs se sont penchés sur ce qu’ont expérimenté des personnes LGBTQ+ dans le système de santé. Carmen Logie et ses collègues ont entrepris une série d’entrevues avec 51 personnes LGBTQ+ réparties dans cinq villes des Territoires du Nord-Ouest, dont Yellowknife, Fort Smith et Hay River.

Entre les mois de mai et d’octobre 2015, les chercheurs ont interrogé 16 jeunes de 16 à 24 ans, 21 adultes de plus de 25 ans et 14 travailleurs de la santé, dont des infirmiers et des travailleurs sociaux.

Faire tomber les tabous

Au terme des entretiens, les participants interrogés par les chercheurs ont formulé plusieurs recommandations visant à lever les tabous sur la sexualité et l’identité de genre des personnes LGBTQ+, dont le développement d’approches inclusives et sans jugements.

« On ne peut pas simplement présumer le genre d’une personne en se fiant sur son apparence physique », estime Carmen Logie, qui croit que les médecins devraient demander d’emblée à leur patient par quel genre ils souhaitent être désignés.

L’essence même du problème est structurelle, ajoute aussi la chercheuse. « Nous argumentons encore sur la pertinence de donner des cours sur la diversité sexuelle et de genre aux jeunes », déplore-t-elle, en faisant référence au tollé qu’a récemment suscité la révision du programme d’éducation sexuelle dans les écoles primaires en Ontario (Sud canadien), qui prévoyait rétablir la version du curriculum de 1998.

Une analyse en deux temps

Ce n’est pas la première fois que l’équipe de chercheurs centre son analyse sur les personnes LGBTQ+ des Territoires du Nord-Ouest. Dans une première étude (en anglais) publiée en 2018 dans la revue médicale Global Public Health, les chercheurs de l’Université de Toronto et du programme FOXY ont voulu comprendre « quelles étaient les pratiques sexuelles [des personnes LGBTQ+] dans un contexte plus large de stigmatisation et d’exclusion sociale », explique Carmen Logie.

L’étude a conclu qu’un manque de soutien et de ressources en santé mentale et sexuelle offert aux personnes LGBTQ+ avait une incidence directe sur leurs pratiques sexuelles. « C’est une sorte d’effet ricochet, parce que, quand une personne ne reçoit pas suffisamment d’informations liées à la sexualité, elle est plus portée à avoir des relations sexuelles non protégées », affirme-t-elle.

« Les pratiques sexuelles sont façonnées par l’environnement dans lequel une personne se trouve », mentionne la professeure adjointe au département Factor-Inwentash de travail social à l’Université de Toronto, Carmen Logie. (Aaron Favila/Associated Press/La Presse canadienne)

Dans une prochaine étude, la chercheuse souhaiterait élargir son cadre d’analyse en incluant davantage de participants autochtones, qui constituent 51,7 % de la population des Territoires du Nord-Ouest, selon le Recensement de 2016.

« Nous aurions aimé que la proportion de candidats autochtones soit équivalente à celle qu’ils occupent au sein de la population des Territoires du Nord-Ouest », admet-elle. Au total, 8 des 51 participants interrogés dans le cadre de l’étude étaient autochtones. « Je pense que cela témoigne de la marginalisation à laquelle les Autochtones LGBTQ+ font face », croit la chercheuse.

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