Violences contre les femmes inuit : les policiers doivent se rapprocher des communautés
Afin de lutter contre la violence faite aux femmes inuit, il est nécessaire que les agents de police de la région de l’Inuit Nunangat se rapprochent de ces communautés autochtones, soutient un rapport (en anglais) publié jeudi par l’organisation nationale Pauktuutit Inuit Women of Canada.
Pour en arriver à cette conclusion, l’organisme a mené une étude avec l’Université du Manitoba dans les quatre secteurs de la région de l’Inuit Nunangat : la région désignée des Inuvialuit, le Nunavut, le Nunatsiavut et le Nunavik.
Au total, 45 femmes inuit et 40 fournisseurs de services, dont des policiers, ont été interrogés. L’étude portait sur les violences subies par les femmes dans cette région et sur les défis rencontrés lors des interventions policières.
Résultat : des barrières systémiques séparent les forces de l’ordre des femmes inuit, ce qui complique notamment le processus de plainte lorsqu’il y a des agressions.
« Les policiers sont des forces [qui arrivent de] l’extérieur, mais il faut qu’ils changent de pratique et prennent part à la communauté », lance Elizabeth Comack, professeure en sociologie et en criminologie à l’Université du Manitoba, une des chercheuses responsables de l’étude.
À l’écart des communautés
« La plupart des policiers admettent leur manque de connaissance des populations inuit », affirme Rebecca Kudloo, la présidente de l’organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada.
Elle dit avoir été agréablement surprise de l’ouverture et de l’aide des agents, qu’il s’agisse des chefs de polices ou de membres réguliers.
Les ressources humaines et les formations manquent également à l’appel, selon les policiers.
Parmi les 150 agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Nunavut, 3 % sont Inuit, une situation problématique, selon l’organisme Pauktuutit.
Elizabeth Comack ajoute que la langue est une barrière très importante. Elle prend l’exemple du Nunavik, où les policiers parlent le français et où les femmes inuit ont l’inuktitut comme première langue. La communication entre les deux groupes se fait en anglais.
Les femmes inuit, particulièrement sujettes aux violences
Elizabeth Comack étudie depuis près d’une décennie les problématiques liées aux populations autochtones. Selon elle, les femmes inuit sont sous-représentées dans les recherches.
Au Nunavut, une femme court pourtant 13 fois plus de risques de subir des violences que la moyenne des Canadiennes, souligne l’étude.
« C’est choquant », affirme la chercheuse en sociologie, qui dit avoir beaucoup appris en collaborant à cette étude. Elle espère que les recommandations qui ont été faites pourront améliorer le sort de ces femmes.
Des recommandations
L’étude, financée par un programme de Sécurité publique Canada, avait pour but d’élaborer des recommandations pour mettre en place un plan d’action.
Quinze recommandations ont été publiées dans le rapport pour aider les policiers à prendre part à la communauté, « en position de collaborateurs alliés ».
Parmi ces recommandations figurent une meilleure formation sur l’histoire et la culture inuit, ainsi que sur les dialectes locaux, la présence de femmes policières lors du processus de collecte des déclarations d’agressions et une ouverture des postes civils aux Inuit.
« On encourage les forces de police à travers le pays à intégrer des formations culturelles, élaborées et données par des Inuit », précise Rebecca Kudloo.
Dans la foulée de la publication du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Elizabeth Comack a bon espoir que ces recommandations seront entendues et aideront à améliorer la situation.
C’est tout le système judiciaire au Nunavut et dans le Nunangat qui a échoué en matière de justice, surtout pour les femmes inuites. Effectivement, les policiers ne parlent pas la langue des victimes et quand vient le procès, il est facile pour un avocat de soulever des contradictions entre la déposition de la victime et son témoignage. C’est la même chose pour les accusés qui font des déclarations dans une langue qui n’est pas la leur. Ce qui est pire c’est que le système judiciaire a toléré cette situation pendant des décennies !
Dans le fond, le système en entier, de la police jusqu’aux prisons en passant par le tribunal, est colonialiste et ne respecte pas les Inuits et leur culture. Dans mon livre « Une justice coloniale » aux PUL, j’explique en long et en large pourquoi ce système est tellement colonialiste et pourquoi c’est un échec flagrant pour les peuples autochtones.
Les solutions existent mais les gouvernements persistent à faire l’autruche et à refuser de les mettre en œuvre. La tragédie dans tout ça c’est que ce sont surtout les femmes inuites et toutes les femmes autochtones qui en paient le plus gros prix. Faut arrêter de mettre des diachylons sur des blessures graves et prendre le taureau par les cornes et accepter le pluralisme juridique; en d’autres mots, les Inuits ont parfaitement le droit d’avoir leur propre système juridique basé sur leurs traditions et leur culture.