Fortes concentrations en substances chimiques retrouvées dans les glaces de l’Arctique

Les scientifiques ont étudié des échantillons venus du champ de glace du mont Oxford, sur l’île d’Ellesmere (vu sur cette photo), et de la calotte glaciaire de l’île Devon, plus au sud.
PHOTO : HTTP://WWW.ROBERTABONDAR.COM/
Des composés chimiques utilisés en remplacement des chlorofluorocarbures (CFC), des substances appauvrissant la couche d’ozone, se retrouvent dans les glaces de régions isolées du Nunavut, selon une nouvelle étude.

Ces substances se révèlent aujourd’hui tout aussi problématiques pour l’environnement, selon les scientifiques qui ont publié l’étude. Le produit de dégradation issu de ces substances est peut-être aussi dangereux que les produits chimiques originels qu’ils sont censés remplacer, affirme la directrice du laboratoire canadien Ice Core de la Faculté des sciences de l’Université de l’Alberta, la docteure Alison Criscitiello.

À la fin des années 1980, le Canada a été signataire du protocole de Montréal, un accord international qui visait à protéger la couche d’ozone de l’atmosphère en éliminant graduellement l’utilisation de substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO). Mais pour éliminer ces substances que l’on retrouve à la fois dans les procédés industriels et les produits de tous les jours destinés au grand public, il a fallu les remplacer par d’autres composants chimiques, dont on ne connaissait pas les effets à l’époque.

Il y a 3 ans, la Dre Criscitiello est allée récupérer des échantillons de glace pris dans deux endroits distincts du Nunavut : la calotte glaciaire Devon et le champ de glace du mont Oxford. Elle explique que les dépôts présents dans l’atmosphère ont atterri dans l’Arctique canadien, transportés par la neige.

Après avoir étudié cette glace, son équipe, composée de quatre scientifiques, conclut que le dépôt de ces substances chimiques dites persistantes s’accroît sur la période allant de 1986 à 2014. Une période qui correspond, selon Heidi Pickard, doctorante à l’Université Harvard et participante à cette étude, à la période à laquelle les « produits censés remplacer les CFC ont été utilisés ».

On doit être très attentif aux composants chimiques que l’on utilise en remplacement de ceux que l’on bannit.

Alison Criscitiello, directrice du Laboratoire canadien Ice Core de la faculté des Sciences de l’Université de l’Alberta

Pourtant, la Dre Criscitiello est encore aujourd’hui étonnée par ces données. On aurait très bien pu ne rien trouver, avance-t-elle, puisque le sujet de l’étude ne concernait pas ces composants chimiques en particulier. C’est en étudiant des échantillons restants que les scientifiques ont fait leur découverte.

Déclencher des changements de comportement

L’un de nos espoirs avec cette étude est qu’en montrant qu’il y a une forte concentration de ces composants chimiques dans l’environnement, notamment dans les zones nordiques isolées, qui ne sont pas proches des sources de rejet de ces produits, les scientifiques vont s’intéresser aux niveaux de toxicité, explique Heidi Pickard. Car les scientifiques l’avouent, même si leurs résultats sont préoccupants, il reste de nombreuses études à conduire pour comprendre le niveau de toxicité de ces composants et leurs possibles effets sur les humains et leur environnement. Leur travail n’est que la partie immergée de l’iceberg.

Les scientifiques s’inquiètent aussi de voir de nouveaux produits chimiques succéder à ceux déjà existants et polluants, puisque de nouveaux produits sont sans arrêt en train d’être créés par les industriels. Heidi Pickard espère que ses travaux puissent mener à resserrer la réglementation des produits chimiques, ce qui selon elle, ferait une grosse différence dans le futur. Même si elle sait que c’est un cercle vicieux. Les régulations sur ces produits chimiques sont encore peu nombreuses, car il faut collecter de nombreuses données et cela prend des années aux scientifiques, avance Heidi Pickard.

Ces produits chimiques sont si tenaces qu’ils peuvent être transportés dans l’atmosphère et se déposer absolument partout.

Heidi Pickard, participante à l’étude et étudiante en doctorat à l’Université Harvard

Selon les deux scientifiques, il n’est néanmoins pas trop tard pour faire des changements. Même si ces composants chimiques ne vont pas disparaître du jour au lendemain, puisqu’ils sont très tenaces, on peut éviter de continuer à les utiliser, soutient Heidi Pickard.

Heidi Pickard et la Dre Criscitiello espèrent aussi que leur étude aura des répercussions politiques, tout en étant conscientes des limites de leur influence. C’est une étude scientifique, mais elle a des aspects politiques indéniables, affirme la Dre Alison Criscitiello.

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