Justice au Nunavik : Québec trouve «extrêmement important» de réparer le système

Le ministère de la Justice du Québec réagissait jeudi aux commentaires formulés la veille par la Société Makivik, l’organisme qui représente la communauté Inuit au Nunavik, la région Inuit du Québec située dans l’Arctique. Les représentants inuit estimaient que les systèmes de justice et de maintien de l’ordre ont besoin d’être réformés en profondeur.
Le Nunavik compte environ 13 000 habitants et 14 communautés inuit dans la région qui sont uniquement accessibles par avion. Le Nunavik ne possède pas de magistrats résidant sur place, la région étant seulement desservie par une ‘cour itinérante’ qui vient du sud de la province plusieurs fois par an.
Mercredi, le président de la Société Makivik, Charlie Watt, a dit qu’en dépit des nombreuses études rapportant au cours des 20 dernières années le besoin d’une réforme du système de justice au Nunavik, peu a été fait, une situation qu’il a décrite comme une « catastrophe à retardement des temps modernes. »
- Le rapport final du groupe de travail sur la justice inuit Aqqusiurniq Sivunitsasiaguniqsamut (1993)
- Le rapport de la consultation Parnasimautik (2014) préparé par les principaux organismes Inuit du Québec
- Le rapport de l’Association du Barreau du Québec (2015), a dénoncé les dysfonctionnements de la justice envers les Inuit au Nunavik
- Le rapport spécial de l’ombudsman du Québec (2016), a examiné les conditions de détention inadéquates, ainsi que l’administration de la justice et les mesures de prévention de crimes au Nunavik
- Le rapport de la Commission Viens (2019), a examiné les relations entre les peuples autochtones et les fonctionnaires québécois. De nombreux Inuit ont témoigné devant la commission, mentionnant les défis auxquels ils sont confrontés pour recevoir des services judiciaires au Québec
Le racisme systémique « sévit encore et toujours au Nunavik », selon Watt
Les manifestations mondiales causées par la mort de George Floyd, un afro-américain non armé tué par asphyxie lorsque qu’un policier s’est agenouillé sur son cou, a mis en lumière les conséquences des inégalités face à la justice et la nécessité de réformes, a dit Charlie Watt.
« Des manifestations ont lieu aux quatre coins du monde pour dénoncer le racisme systémique au sein des systèmes de justice, racisme qui sévit encore et toujours au Nunavik et que je trouve écœurant », a-t-il déclaré par voie de communiqué mercredi.

Dans une réaction transmise par courriel à Regard sur l’Arctique jeudi, une porte-parole du ministère de la Justice du Québec a indiqué que le gouvernement travaillait sur plusieurs fronts afin de répondre aux différentes questions soulevées par Watts et d’autres autochtones québécois.
« Ce sont des enjeux extrêmement importants », a concédé le ministère.
« La commission Viens avait le mandat d’enquêter sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec et des recommandations ont été faites. Nous sommes au travail avec la collaboration de d’autres ministères et des représentants des Premières nations et des Inuit, afin de prioriser les appels à l’action et pour déterminer la meilleure façon de leur donner suite. »
Un groupe de travail a été créé
Lundi, le premier ministre du Québec François Legault a annoncé la création d’un groupe de travail pour trouver des solutions face au racisme et au profilage racial dans les services publics. Il avait essuyé des critiques lorsqu’il avait dit en conférence de presse qu’il n’y avait pas de racisme systémique au Québec. Ils consulteront des groupes autochtones, entre autres, dans le cadre de leurs travaux, a précisé le gouvernement.
Le ministère de la Justice a indiqué jeudi que le Nord aurait une voix importante au chapitre durant le processus et que le député d’Ungava, la circonscription provinciale qui inclut l’Arctique québécois, ferait partie du groupe de travail.
« Nous sommes conscients des difficultés vécues. On ne doit plus tolérer les actes de racisme et passer à l’action. La ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie d’Amours, et son adjoint parlementaire, le député d’Ungava, Denis Lamothe, siègent sur le groupe. C’est donc un message clair de notre gouvernement que nous voulons travailler avec les communautés et les inclure dans notre réflexion afin de trouver des solutions adaptées à leurs réalités. »
Charlie Watt avait dit mercredi que la Société Makivik suivrait de près les travaux de ce groupe de travail, qu’il a jugé « boiteux » parce qu’il ne comporte aucun représentant Inuit en son sein.
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– Traduction par Julie Rémy, Regard sur l’Arctique