Changement de noms d’équipes : l’opinion de six Autochtones canadiens

« Pour une équipe, afficher une tête de guerrier sur un maillot, c’est une source de courage. Ça représente la force, la résistance face à l’adversité, la volonté de défendre, de gagner », dit le grand chef et président de la Nation Atikamekw, Constant Awashish.
Depuis des décennies, les noms des équipes sportives faisant référence aux nations autochtones sont contestés. En 2019, mise sous pression par un grand nombre de ses étudiants, l’Université McGill a décidé que ses équipes ne porteraient plus le nom de Redmen. Ces derniers jours, les Redskins de Washington, de la NFL, et les Eskimos d’Edmonton, de la LCF, ont aussi annoncé qu’ils porteraient dorénavant un autre nom. Toutefois, tous ne voient pas les choses du même oeil, même parmi les Autochtones.

Constant Awashish, grand chef du Conseil de la Nation Atikamekw

« Ça fait longtemps que le sujet des noms et des logos d’équipes sportives est à l’origine d’un débat. J’avais justement été interpellé là-dessus il y a quelques années, plus précisément au sujet d’une controverse entourant le logo et la campagne publicitaire des Cataractes de Shawinigan, de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

J’avais, en quelque sorte, défendu les intentions de l’équipe parce qu’à mon avis, cette campagne avait été faite de façon un peu maladroite, mais sans arrière-pensée. Certains vont me critiquer là-dessus ou ne partageront pas mon avis, et c’est leur droit.

Soyons clairs : il y a une tendance à l’appropriation culturelle que je trouve encore bien trop à l’aise et qui pénalise l’affirmation des peuples autochtones. Mais selon moi, tout est dans la nuance.

Pourquoi est-ce si offensant? Parce qu’on instrumentalise l’identité de tout un peuple, alors que ce même peuple a souffert d’une oppression identitaire.

À l’époque, pour ridiculiser la culture autochtone, des noms inacceptables ont été donnés aux Premières Nations: « gros ventre », « pieds noirs », « peau rouge ». Ils le faisaient pour ridiculiser nos peuples et pour forcer dans l’imaginaire collectif l’idée de l’infériorité des Autochtones.

Le grand chef et président de la Nation Atikamekw, Constant Awashish. (Jean-François Villeneuve/Radio-Canada)

Il y a toutefois une grosse différence entre un nom d’équipe qui est blasphématoire, d’un autre qui ne l’est pas. Redskins, Indians, ce sont des termes réducteurs.

À mon avis, pour la majorité des équipes sportives, c’est différent. Quand tu pratiques un sport d’adversité, tu veux gagner, tu veux être fort. Tu ne veux pas porter un chandail avec un logo ridicule. Je me mets à la place d’un non-Autochtone qui porte un gilet arborant l’image d’un guerrier et je me dis que, pour lui, le logo placé sur son chandail représente quelque chose de positif.

Pour une équipe, afficher une tête de guerrier sur un maillot, c’est une source de courage. Ça représente la force, la résistance face à l’adversité, la volonté de défendre, de gagner.

Les athlètes se nourrissent d’un sentiment de fierté, d’invincibilité. Si les Autochtones leur inspirent ce sentiment, j’y vois aussi quelque chose de positif.

Prenons les Cataractes de Shawinigan. Le nom de l’équipe n’est pas du tout péjoratif à notre endroit. Il fait référence aux digues sur le bord des barrages. Par contre, le logo peut clairement offusquer.

Il y a aussi des emprunts à nos symboles qui révèlent un manque de connaissances. Par exemple, on voit des plumes jaunes, rouges, vertes, bleues. Ça n’existe pas dans la réalité. On ne porte pas de plumes dans la vraie vie. Il y a des coiffes de chef, des plumes de guerriers, mais pas des plumes multicolores partout. Pour un Autochtone, voir ces décalages sur sa propre culture, c’est frustrant.

Pour ce qui est des Blackhawks, leur nom n’est pas péjoratif et leur logo représente un Autochtone très sérieux. Je ne vois aucun problème avec ça. Beaucoup d’Autochtones sont d’ailleurs partisans de l’équipe. On voit plein de gilets des Blackhawks dans les communautés, dans les tournois de hockey autochtones. En plus, ils ont gagné la Coupe Stanley!

Le logo des Indians, pour sa part, est un peu ridiculisant. Je comprends qu’il peut être dérangeant. Personnellement, ça ne m’offusque pas trop. Je le prends avec un grain de sel. Je dois avouer que j’ai une casquette de l’équipe que je porte les week-ends.

À mon avis, il faut toujours aller chercher un peu plus profondément, pour trouver l’intention. Dans certains cas, il y a de la maladresse, mais le but n’était pas explicitement de frustrer les Premières Nations.

Chaque cas est différent et il faut essayer de faire la part des choses. Tant mieux si les équipes qui portent des noms péjoratifs font des changements. C’est que le débat avance et qu’ils ont compris.

Et à l’avenir, si d’autres clubs veulent utiliser des éléments ou des mots autochtones, il faudrait qu’ils prennent du recul et qu’ils nous consultent, afin que tout le monde se sente bien avec ça. »

Tomas Jirousek, étudiant en droit à l’Université de Toronto, figure de proue du mouvement qui a mené l’Université McGill à abandonner en 2019 le nom Redmen pour ses équipes sportives, nommé major de sa promotion au sein de la Faculté des arts, membre de la nation Kainai, l’une des trois communautés de la confédération des Blackfoot, en Alberta.

« Je pense que le monde se réveille. Que le Canada, que les États-Unis et que le reste de la planète prennent conscience de la réalité des Autochtones. Qu’ils commencent à nous écouter.

Ce qui est aussi réconfortant qu’important.

Il semble que nous pourrons enfin exprimer ce que nous ressentons face aux noms de certaines équipes sportives, face à certaines statues, à certains monuments. Et, de manière plus générale, discuter de notre place dans ce pays.

Personnellement, je me sens offensé par des noms d’équipes comme Redmen, comme Redskins. Et je ne suis pas le seul. Je m’en suis rendu compte à mon arrivée à l’Université McGill il y a quelques années, dans des conversations ordinaires dans la classe ou à l’heure du lunch, avec des amis autochtones. Ces mêmes mots, on les avait souvent entendus, mais sous forme d’insultes.

Tomas Jirousek (Alain Décarie/Radio-Canada)

Je ne suis pas étonné que les noms d’équipes sportives faisant référence aux Autochtones ne soient pas interprétés de la même manière par toutes les nations autochtones, tout simplement parce que ces mots ne sont pas utilisés de la même façon, avec le même sens, partout sur le continent nord-américain. Mais cela ne change pas le fait que certaines nations les trouvent offensants.

Prenez le nom que portaient jusqu’à tout récemment les équipes sportives de l’Université McGill : Redmen. Au fil des ans, plusieurs d’entre nous avons été la cible d’insultes précisément avec ce mot. Ce mot a été utilisé pour marginaliser des gens très longtemps, et très souvent.

Un joueur des Redmen de l’Université McGill dans les années 80. Sur son casque, le logo de l’équipe à l’époque : un individu portant une coiffe autochtone. (Courtoisie USports)

On peut dire la même chose du mot Redskins. Différentes nations auront assurément des réactions différentes face à ce mot, mais le problème demeure. Pour un grand nombre, il ramènera à la surface des souvenirs aussi poignants que pénibles.

Peu importe ce que ces noms provoquent en chacun de nous, personnes autochtones, peu importe ce que nous ressentions en entendant Redmen, Redskins ou Indians, nous nous respectons les uns les autres, alors nous nous tenons. Nous comprenons. Et nous sommes solidaires.

Je ne suis pas un Inuk. Le nom des Eskimos d’Edmonton ne me heurte donc pas aussi directement que le faisait le mot Redmen. Cela ne m’empêche pas d’appuyer mes amis inuit et de dire que les Eskimos doivent changer de nom.

Oui, il est décevant de constater que ce sujet soit encore sur la table aujourd’hui. Mais à mon avis, cela illustre la valeur que nous accordons aux expériences vécues par les Autochtones.

Une communauté entière, une nation entière peut exprimer le fait qu’elle est offensée par un nom d’équipe, mais souvent, ces organisations réagissent davantage aux commentaires venant de leurs commanditaires, de leurs donateurs. Elles réagissent à l’argent, à des intérêts qui ont plus de valeur, à leurs yeux, que les expériences des Autochtones.

Est-il possible d’utiliser une référence aux Autochtones pour nommer une équipe sportive, pour honorer leur force et leur ténacité? Oui, mais cela demande un processus long et compliqué. C’est ce qu’a fait l’Université de Colombie-Britannique, dont les équipes répondent au nom de Thunderbirds. Cela a été fait avec la permission et l’appui de cette nation autochtone. Une cérémonie a été tenue, et le chef de la nation a approuvé le tout.

N’empêche que certains noms, certains mots, comme Redmen, Redskins et Indians, ne seront jamais acceptables.

Heureusement, je pense que ces noms sont sur leur déclin. Je crois que les Américains et les Canadiens en ont assez de ce genre de langage. Je m’attends à ce qu’au cours des prochaines années, chacun de ces noms soit retiré. Et cela m’apporte un grand apaisement. »

Nahka Bertrand, conteuse, chanteuse et journaliste engagée de la Nation dénée, a passé son enfance dans une petite ville au sud des Territoires du Nord-Ouest.

« Je suis contente parce qu’on voit vraiment une résurgence de la percée culturelle chez la jeunesse autochtone. Je crois que la majorité des gens étaient déjà conscientisés aux enjeux liés au racisme envers les communautés, mais c’est bien de voir que des actions concrètes sont prises.

Il faut s’affirmer, mettre des mots sur ces problèmes, et je crois que notre génération arrive à bien présenter les enjeux pour défendre nos idées. Je ne pourrais pas expliquer exactement pourquoi. Pour ma part, cette volonté de m’exprimer vient probablement d’aussi loin que quand j’étais jeune, à l’école. J’étais différente et il fallait souvent que j’explique à mes amis que je suis Autochtone. Il fallait que je les éduque sur les enjeux de ma communauté parce que c’était difficile pour eux de bien comprendre.

Nahka Bertrand, artiste et journaliste engagée de la Nation dénée, a passé son enfance dans une petite ville au sud des Territoires du Nord-Ouest. (Photo : D. R.)

Je dirais aussi que ça me vient beaucoup de ma mère. Elle n’est pas Autochtone, mais elle est une bonne alliée pour la cause.

Même si le changement de noms des équipes sportives n’est qu’une petite bataille, c’est avant tout un pas dans la bonne direction.

Je pense que l’entourage de ces équipes aux noms problématiques a eu une prise de conscience et des discussions sur le fait que leur nom est (ou était) offensant pour les communautés autochtones. Ce qui est bien, c’est que cette prise de conscience ait mené à des actions concrètes dans certaines organisations, notamment les Redskins de Washington et les Indians de Cleveland.

Pour moi, c’est un pas dans la bonne direction. C’est surtout positif pour nous et pour les générations futures. Je pense aussi que ça l’est pour ces équipes qui portaient un nom raciste ou affichaient un logo inapproprié. C’est sûr que ça peut être embarrassant pour une organisation de changer complètement son image, mais cette évolution dans la culture sportive aura probablement un impact positif sur les partisans.

Par exemple, moi, le fait qu’une équipe s’appelait Redskins m’a complètement éloignée du football américain. Je n’ai pas eu envie de m’intéresser à ce sport, à cette culture, en sachant qu’une formation s’appelait comme ça. Je suis pas mal certaine que je ne suis pas la seule.

Pour moi, ces logos ou ces noms donnaient une image très caricaturale des personnes autochtones, qui sont avant tout des humains. Avoir un logo avec la tête d’un Autochtone utilisée de façon comique, c’est comme nous déshumaniser. C’est de l’appropriation coloniale de l’image d’un peuple pour vendre une notion de supériorité.

Je comprends qu’il y a l’humour, mais il faut réaliser que pour nous, ces gestes constituent un manque de respect. »

Manon Jeannotte, consultante en développement des affaires et gouvernance des Premières Nations, responsable du développement des stratégies d’affaires pour le Conseil Mohawk de Kanesatake, ex-chef de la Nation Micmac de Gespeg.

« En 2009, alors que je suis à Genève, en Suisse, lors d’un séjour au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, je me retrouve en conversation avec une personne qui voulait émigrer au Canada. Cette personne me dit : « Je dois étudier les documents d’Immigration Canada. J’ai débuté la lecture et on fait référence au terme « peaux rouges », qu’est-ce que ça veut dire? »

Je suis sans mot. Immigration Canada. En 2009.

Je lui réponds alors : « Eh bien, c’est nous! C’est un vieux terme employé pour désigner les Autochtones, les Premières Nations. »

Manon Jeannotte, consultante en développement des affaires et gouvernance des Premières Nations. (Radio-Canada)

Je ne crois plus que ces mots se trouvent dans la documentation officielle aujourd’hui… Enfin, je l’espère!

On en a fait, du chemin, au fil du temps, dans l’histoire qui est enseignée aux jeunes dans les écoles, entre autres. Mais quand je vois ces noms d’équipes sportives péjoratifs en référence aux peuples autochtones, je trouve qu’on en a encore, du chemin à faire.

Je me pose alors toujours la même question : c’est parti d’où? Et comment c’est arrivé là? Au départ, ceux qui ont choisi le nom des Redskins de Washington, des Indians de Cleveland, des Redmen de McGill ou des Eskimos d’Edmonton, pourquoi l’ont-ils fait? Car derrière chaque nom, il y a une histoire, mais dans la plupart des cas, elle est floue.

Certaines personnes sont parfois très offensées par ces noms, et je pense que quand c’est le cas, il y a un exercice qui doit être fait. Ça fait partie de ce qu’on appelle la réconciliation, l’inclusion. Il faut que les responsables aillent voir les communautés autochtones, les organisations locales et nationales, et discutent avec elles. C’est souvent le bout qui manque, selon moi.

Ce qu’on voit ces jours-ci, ce sont des équipes qui changent de nom après que des commanditaires aient menacé de leur couper leur aide financière. C’est plus une question d’argent qu’autre chose. Ils ne font pas l’exercice correctement, et rendu là, je trouve ça un peu aberrant.

Cesar Hernandez et Francisco Lindor, des Indians de Cleveland. (Jason Miller/Getty Images)

Parce qu’au fond, à mes yeux, arborer l’image d’un visage d’Autochtone, ou encore un tomahawk, comme les Braves d’Atlanta au baseball, ce n’est pas grave en soi. Mais rendez hommage au peuple en question, au moins. Faites un travail d’inclusion auprès des communautés autochtones environnantes ou des organisations nationales qui les représentent.

Par exemple, les Redskins vont changer de nom. Personnellement, je ne souhaiterais pas qu’ils prennent un nom commun. Ils pourraient, au contraire, choisir un nom qui a encore un lien avec la culture autochtone. Oui, il faut absolument retirer le mot Redskins, mais le logo pourrait simplement être modifié. Ils pourraient tout simplement rendre le tout respectueux.

Je pense qu’il faut s’intéresser à ce genre de sujet si l’on veut que les choses changent et avancent. Il faut se donner la peine, c’est-à-dire prendre le temps de se poser des questions, de réfléchir et de voir comment on peut faire évoluer la situation.

C’est sûr que pour d’autres Autochtones, ce sujet ne les intéressera pas du tout. Et je le comprends. Je dis souvent : comment voulez-vous qu’une communauté parle de développement et de toutes sortes d’autres enjeux quand elle n’a même pas d’eau potable?

Alors, selon la réalité de chaque communauté, selon les problèmes et les défis auxquels elle doit faire face chaque jour, la question du nom des équipes sportives lui importera ou non.

En soi, je trouve que donner un nom autochtone à une équipe sportive, ça peut même être un bon forum, une bonne visibilité, une bonne manière de mieux faire connaître notre culture et enrayer certains préjugés.

Cependant, il faut que ce soit fait de la bonne façon : dans le respect. »

Florent Vollant, auteur, compositeur et interprète d’origine innue, ayant commencé sa carrière au milieu des années 80 au sein du groupe Kashtin. Il a obtenu de nombreuses distinctions, notamment un prix Juno pour un album de Noël enregistré en langue innue avec plusieurs collaborateurs (1999), le prix du jury européen SODEC-Bourse Rideau et la médaille d’or du lieutenant-gouverneur du Québec. Il a aussi contribué à la création du Festival Innu Nikamu, qui regroupe chaque année des musiciens et chanteurs autochtones.

« Que les Blackhawks de Chicago ou les Eskimos d’Edmonton changent leur nom ou pas, c’est le dernier de mes soucis », dit le chanteur innu Florent Vollant. (Photo fournie par Éli Laliberté)

« Moi, très honnêtement, ça ne me dérange pas que des équipes professionnelles portent des noms autochtones. Dans notre histoire, il y a des choses qui sont tellement plus négatives que ça et qui valent la peine de se battre.

C’est mon opinion. Il y en a qui ne sont pas d’accord et je comprends très bien.

Vous savez, je suis originaire de très loin, du Labrador. Mes parents étaient des chasseurs, des trappeurs. Quand j’étais jeune, j’ai été déporté dans la réserve de Mani-Utenam, à Sept-Îles, parce qu’il y avait un pensionnat juste à côté. J’ai passé des années dans ce pensionnat, j’ai vécu un génocide.

Alors que les Blackhawks de Chicago ou les Eskimos d’Edmonton changent leur nom ou pas, c’est le dernier de mes soucis.

Dans ma vie, j’ai vu des événements bien plus dommageables qu’une équipe de hockey qui gagne la Coupe Stanley en s’appelant les Blackhawks de Chicago.

Si j’avais une bataille à mener, ce ne serait pas celle-là.

Je me souviens d’avoir déjà vu une cérémonie d’avant-match des Blackhawks à laquelle des Autochtones avaient été invités. Le logo avec la tête d’Autochtone n’est pas toujours utilisé à des fins négatives. Plutôt que de le voir comme ça, on peut imaginer qu’il est utilisé comme hommage à notre bravoure.

Je suis certain qu’aujourd’hui, en me promenant chez moi à Mani-Utenam, je vais voir au moins une personne porter un vêtement à l’effigie d’une équipe ou d’une compagnie avec un logo qui a une tête d’Autochtone. Pourquoi? Parce qu’on les trouve beaux, ces logos.

Vous savez, dans la réserve, il y avait même une cantine qui avait comme enseigne l’ancien logo des chips Yum Yum. J’ai trouvé ça extraordinaire. Au lieu de s’en offusquer, ils en ont ri.

Des Autochtones qui ont joué dans les ligues sportives professionnelles, il y en a beaucoup plus qu’on le croit. Regardez Jordin Tootoo, Reggie Leach, Carey Price. On n’entend pas souvent parler du fait qu’ils sont Autochtones, mais les logos à têtes d’Autochtones, ça, on en parle.

À mon avis, le moindrement qu’on fait attention à tous les Autochtones qui ont fait et qui feront partie du sport professionnel, c’est l’important.

Il faut être fiers d’être représentés.

Je suis toujours content de voir le logo des Canucks de Vancouver, parce qu’il découle de l’art autochtone. C’est magnifique.

Je suis aussi certain que la majorité des équipes qui arborent des noms ou des logos jugés offensants par certains n’ont pas fait ça avec une intention négative. C’est mon avis et, oui, je suis contre le racisme dans le monde. Pour moi, c’est juste une bataille complètement différente.

Il y a des choses vraiment bien plus graves que ça. Des génocides, des situations comme celle qui a mené à la crise d’Oka et qui n’ont toujours pas changé. Pour ça, ça vaut la peine de se battre. »

Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo, artiste, cinéaste et militante autochtone. Née à Val-d’Or, elle vit à Montréal depuis une dizaine d’années. Elle est de la nation anichinabée.

« Les Autochtones ont beaucoup d’autres causes pour lesquelles militer en ce moment, mais je pense qu’il est important aussi de commencer à décoloniser nos pensées, pour que puisse s’amorcer la guérison », dit la cinéaste Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo. (Photo courtoisie de l’artiste)

« On ne peut pas changer le passé. Changer la manière par laquelle on nous désignait, nous, les Autochtones. Mais on peut changer ce que nous faisons en ce moment, et ce que feront les futures générations.

Alors oui, selon moi, il est important de changer au moins certains noms d’équipes sportives.

Pendant de nombreuses années, j’étais désensibilisée à ce phénomène. Je pense à quand j’étais enfant. Il y avait tellement de ce type de noms – Amérindiens , Indiens , j’en passe – que je trouvais ça normal.

Puis, un jour, j’ai réalisé que non, ça ne l’était pas.

Prenons le mot Redskins. C’est un terme qui porte une charge importante dans notre histoire. On nous a longtemps appelés peaux rouges , et il y a aussi cette référence au scalp, comme dans « je vous donne 250 dollars pour un red skin ».

C’est quand même très violent comme image, non? 

Alors quand je voyais des mots qui exprimaient ce type d’image là dans les médias, pour faire référence à une équipe sportive qu’on voulait célébrer, oui, pour être honnête, ça faisait un pincement au coeur. Je ressentais la même chose en voyant la façon avec laquelle on était effacé de l’histoire pour être remplacés par des personnages folkloriques.

L’équipe de football d’Edmonton a abandonné son nom le 21 juillet sous la pression des communautés autochtones pour qui il peut être blessant. (Darryl Dyck/La Presse Canadienne)

Bien sûr, les Autochtones ont beaucoup d’autres causes pour lesquelles militer en ce moment, mais je pense qu’il est important aussi de commencer à décoloniser nos pensées, pour que puisse s’amorcer la guérison. Et changer ce genre de noms d’équipes sportives contribue à ce changement de pensées.

Je ne suis pas vraiment surprise qu’on soit encore dans cette pensée-là aujourd’hui, en 2020. Par contre, j’ai beaucoup d’espoir pour l’avenir.

Je pense notamment à ce qu’a fait récemment le Collège Ahuntsic, en délaissant le nom Indiens et en le remplaçant par Aigles pour ses équipes sportives. D’autant plus que c’est un processus qu’ils ont fait en collaborant avec les Autochtones, notamment avec l’organisme Mikana, qui crée des ponts entre Autochtones et non-Autochtones.

L’aigle, dans plusieurs cultures autochtones, c’est le roi des oiseaux. C’est donc une appellation qui fait encore référence aux Autochtones, mais pas de manière péjorative. Les Aigles, c’est un beau nom, je trouve. Il célèbre la culture autochtone et rend les fans fiers, tous les deux à la fois.

On utilise beaucoup le mot réconciliation par les temps qui courent, et pour moi c’est un grand mot, alors je parle davantage de guérison. Eh bien cette guérison, elle commence par le genre de travail qu’a fait le Collège.

Les Redskins de Washington changeront de nom, les Eskimos d’Edmonton aussi, a-t-on confirmé hier. Lorsque je regarde en arrière, je constate qu’on a fait beaucoup de chemin. Et je pense qu’en ce moment, on est sur la bonne voie. »

Propos recueillis par Alexandra Piché et François Foisy, avec la collaboration d’Anne-Marie Yvon d’Espaces autochtones

Anne-Marie Yvon, Espaces autochtones

Pour d’autres nouvelles sur les Autochtones au Canada, visitez le site d’Espaces autochtones.

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