La fonte des glaces en Arctique accélérée par des courants atlantiques chauds
Chaque année, l’étendue de glace marine de l’Arctique s’agrandit durant l’hiver et rétrécit en été.
En 2012, un important cyclone a frappé l’océan Arctique durant la période estivale, affectant une grande partie de cette surface glacée. Suite à cet incident exceptionnel, l’année 2012 détient le triste record d’étendue minimale annuelle de glace marine.
Durant les quinze dernières années, cette étendue minimale n’a cessé de diminuer malgré qu’il n’y ait pas eu de nouvel incident naturel.
Ainsi, 2019 était l’année avec la seconde étendue la plus faible en 42 ans d’observations satellites.
Le calcul d’étendue minimale annuelle de glace marine se fait à la fin de l’été arctique, lorsque la glace marine commence à se reconstituer.
Pour l’année 2020, ce moment est imminent et déjà les données satellites montrent une étendue moindre que celle de l’année passée.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La réponse la plus simple est de parler du réchauffement climatique.
Mais si on se penche plus en détail sur ce phénomène, certains scientifiques se sont rendus compte que ce n’était pas seulement la chaleur atmosphérique qui faisait fondre la glace, mais aussi des courants chauds qui venaient la faire fondre par-dessous.
Des courants chauds venus de l’Atlantique viennent faire fondre la glace arctique
C’est en 1896 que l’explorateur norvégien, Fridtjof Nansen, a mis en lumière un courant marin dérivé du Gulf Stream qui se rendait en Arctique.
Depuis cette découverte, les scientifiques ont observé que ce courant amenait des eaux chaudes de l’Atlantique vers l’Arctique.
Entre 2017 et 2018, Tom Rippeth, professeur d’océanographie physique à l’Université de Bangor au Pays de Galles, et son équipe ont cherché à comprendre pourquoi la glace marine fondait à l’est de l’océan Arctique et ont trouvé un lien entre cette fonte des glaces et les courants chauds de l’Atlantique.
Plus encore, ils ont découvert que la chaleur de ces courants avait une plus forte influence sur les glaces que la chaleur atmosphérique.
En effet, alors que la chaleur atmosphérique est particulièrement importante durant l’été, elle l’est beaucoup moins durant les sombres hivers polaires. À l’inverse, les courants chauds, eux, fluctuent sous la glace tout au long de l’année.
Les données récoltées (article en anglais) par Tom Rippeth et son équipe parlent d’elles-mêmes.
Selon des études réalisées trois à quatre ans avant l’expédition du professeur gallois, les courants chauds réduisaient la formation de glace d’environ 30 à 40 cm. Les résultats du professeur Rippeth démontrent quant à eux, que cette formation diminuait d’un mètre.
En guise de comparaison, au pôle Nord, l’océan n’est généralement recouvert que de quelques mètres de glace. Ces quelques mètres de glace constituent d’ailleurs la « vieille glace », une glace qui s’est formée il y a plusieurs années.
« L’une des choses que nous constatons, c’est que la glace fond si loin en été qu’il y a beaucoup moins de vieille glace, donc vous avez tendance à avoir plus de glace plus mince — de la nouvelle glace qui se forme en hiver, explique Tom Rippeth. Cette nouvelle glace atteint à peine un mètre, un mètre et demi d’épaisseur, ce qui signifie qu’elle fond plus facilement l’été suivant. »
Il se crée alors une sorte de cercle vicieux qui accélère la fonte des glaces.
Un phénomène différencié à travers l’Arctique
Les conséquences de cette fonte accélérée sont déjà visibles aujourd’hui dans la mer de Barents.
Dans cette zone entre la côte nord de la Norvège et le nord-ouest de la Russie, des chercheurs ont constaté que ce phénomène lié aux courants chauds avait causé une disparition totale de la glace marine en hiver.
L’étude du professeur Tom Rippeth se base sur une zone plus à l’est, au nord de la mer de Sibérie. Les courants chauds mettent environ deux ans à se rendre du Svalbard à cette zone.
Malgré que les effets des courants chauds soient devenus évidents il y a cinq ans, les résultats de l’étude galloise démontrent la présence de plus en plus élevée de ces eaux dans cette zone reculée.
Toutefois, ces courants d’eau chaude ne touchent pas tout l’océan Arctique.
Au nord de l’archipel canadien par exemple, le scénario est complètement différent. Les eaux arctiques y sont plus profondes et les effets des courants atlantiques chauds y sont très peu présents.
Cela est dû à une plus grande stratification des couches d’eau qui empêche l’eau chaude de remonter vers la surface, mais aussi au fait que les courants chauds de l’Atlantique sont moins importants dans cette zone géographique et que les courants du Pacifique qui s’y rendent sont moins chauds.
Un avenir inquiétant pour l’Arctique
Au vu de la vague de chaleur qui a parcouru la Sibérie cet été cumulée à cette fonte accélérée des glaces, les changements climatiques risquent d’être de plus en plus extrêmes en Arctique.
Habituellement, la glace marine renvoie une grande partie des rayons du soleil dans l’espace alors que les eaux découvertes sont sombres et absorbent la chaleur du soleil.
Ainsi, lorsque la glace marine se retire, l’eau de surface se réchauffe, ce qui à son tour réchauffe l’atmosphère au-dessus et accélère la fonte des glaces. Et cela est sans compter sur l’influence de l’augmentation des gaz à effet de serre.
Afin de mieux comprendre ces changements à venir, le professeur Rippeth veut réaliser une nouvelle étude en se spécialisant sur le mélange entre les eaux chaudes de l’Atlantique et les eaux de surface de l’Arctique.
Ce phénomène n’est toujours pas pris en compte par les divers modèles météorologiques mondiaux utilisés pour prédire les fontes des glaces et les éléments qui en découleront.
Tom Rippeth espère donc pouvoir inclure ces recherches dans ces modèles.