La fonte des glaces en Arctique accélérée par des courants atlantiques chauds

La banquise de l’Arctique se forme de glaces marines plus ou moins épaisses selon leur âge. De la glace marine observée depuis l’avion de recherche Operation IceBridge de la NASA au large de la côte nord-ouest, le 30 mars 2017, au-dessus du Groenland. (Photo : Mario Tama/Getty Images)
Chaque année, l’étendue de glace marine de l’Arctique s’agrandit durant l’hiver et rétrécit en été. 

En 2012, un important cyclone a frappé l’océan Arctique durant la période estivale, affectant une grande partie de cette surface glacée. Suite à cet incident exceptionnel, l’année 2012 détient le triste record d’étendue minimale annuelle de glace marine.

Durant les quinze dernières années, cette étendue minimale n’a cessé de diminuer malgré qu’il n’y ait pas eu de nouvel incident naturel. 

Ainsi, 2019 était l’année avec la seconde étendue la plus faible en 42 ans d’observations satellites.

La glace marine de l’Arctique couvre aujourd’hui (en blanc) une superficie beaucoup plus petite qu’en 1980-2010 (ligne orange). (Centre national de données sur la neige et la glace, Université du Colorado)

Le calcul d’étendue minimale annuelle de glace marine se fait à la fin de l’été arctique, lorsque la glace marine commence à se reconstituer.

Pour l’année 2020, ce moment est imminent et déjà les données satellites montrent une étendue moindre que celle de l’année passée. 

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La réponse la plus simple est de parler du réchauffement climatique. 

Mais si on se penche plus en détail sur ce phénomène, certains scientifiques se sont rendus compte que ce n’était pas seulement la chaleur atmosphérique qui faisait fondre la glace, mais aussi des courants chauds qui venaient la faire fondre par-dessous. 

L’année 2020 sera celle où il y aura le moins de glace marine arctique, à l’exception de 2012. (Photo : Centre national de données sur la neige et la glace, Université du Colorado)
Des courants chauds venus de l’Atlantique viennent faire fondre la glace arctique

C’est en 1896 que l’explorateur norvégien, Fridtjof Nansen, a mis en lumière un courant marin dérivé du Gulf Stream qui se rendait en Arctique. 

Depuis cette découverte, les scientifiques ont observé que ce courant amenait des eaux chaudes de l’Atlantique vers l’Arctique.

Entre 1893 et 1896, le navire de Fridtjof Nansen, le Fram, a mis près de trois ans à traverser l’océan Arctique à la dérive. Nansen et ses hommes ont prouvé la théorie d’un courant transpolaire qui transporte la glace de mer et les débris de Sibérie jusqu’à l’Atlantique Nord. Photo de Fridtjof Nansen prise en novembre 1911. (Photo : Hulton Archive/Getty Images)

Entre 2017 et 2018, Tom Rippeth, professeur d’océanographie physique à l’Université de Bangor au Pays de Galles, et son équipe ont cherché à comprendre pourquoi la glace marine fondait à l’est de l’océan Arctique et ont trouvé un lien entre cette fonte des glaces et les courants chauds de l’Atlantique. 

Plus encore, ils ont découvert que la chaleur de ces courants avait une plus forte influence sur les glaces que la chaleur atmosphérique. 

En effet, alors que la chaleur atmosphérique est particulièrement importante durant l’été, elle l’est beaucoup moins durant les sombres hivers polaires. À l’inverse, les courants chauds, eux, fluctuent sous la glace tout au long de l’année. 

« Ce que notre étude montre, c’est que dans l’Arctique de l’Est, la chaleur de l’eau de l’Atlantique qui afflue au nord du Svalbard a de plus en plus d’influence, car cette chaleur se retrouve sous la glace même en hiver, ce qui empêche la glace de s’épaissir en hiver et facilite la fonte dès le début de la saison de fonte estivale. »Tom Rippeth, professeur d’océanographie physique, Université de Bangor

Les données récoltées (article en anglais) par Tom Rippeth et son équipe parlent d’elles-mêmes. 

Selon des études réalisées trois à quatre ans avant l’expédition du professeur gallois, les courants chauds réduisaient la formation de glace d’environ 30 à 40 cm. Les résultats du professeur Rippeth démontrent quant à eux, que cette formation diminuait d’un mètre.   

En guise de comparaison, au pôle Nord, l’océan n’est généralement recouvert que de quelques mètres de glace. Ces quelques mètres de glace constituent d’ailleurs la « vieille glace », une glace qui s’est formée il y a plusieurs années. 

« L’une des choses que nous constatons, c’est que la glace fond si loin en été qu’il y a beaucoup moins de vieille glace, donc vous avez tendance à avoir plus de glace plus mince — de la nouvelle glace qui se forme en hiver, explique Tom Rippeth. Cette nouvelle glace atteint à peine un mètre, un mètre et demi d’épaisseur, ce qui signifie qu’elle fond plus facilement l’été suivant. »

Il se crée alors une sorte de cercle vicieux qui accélère la fonte des glaces. 

«  [Les phénomènes] se nourrissent tous les uns des autres pour en quelque sorte réduire la glace dans cette zone. »Tom Rippeth
Les courants chauds de l’Atlantique entrent dans l’océan Arctique en passant l’archipel du Svalbard. Ce dernier a connu une vague de chaleur durant l’été 2020. Dans cette photo prise depuis un avion de ligne, les glaciers rencontrent la mer lors d’une vague de chaleur estivale sur l’archipel du Svalbard le 28 juillet 2020 près de Longyearbyen, en Norvège. (Photo : Sean Gallup/Getty Images)
Un phénomène différencié à travers l’Arctique

Les conséquences de cette fonte accélérée sont déjà visibles aujourd’hui dans la mer de Barents. 

Dans cette zone entre la côte nord de la Norvège et le nord-ouest de la Russie, des chercheurs ont constaté que ce phénomène lié aux courants chauds avait causé une disparition totale de la glace marine en hiver. 

L’étude du professeur Tom Rippeth se base sur une zone plus à l’est, au nord de la mer de Sibérie. Les courants chauds mettent environ deux ans à se rendre du Svalbard à cette zone. 

Malgré que les effets des courants chauds soient devenus évidents il y a cinq ans, les résultats de l’étude galloise démontrent la présence de plus en plus élevée de ces eaux dans cette zone reculée. 

Toutefois, ces courants d’eau chaude ne touchent pas tout l’océan Arctique. 

Il existe un important contraste entre la fonte des glaces à l’est et à l’ouest de l’océan Arctique. (Photo : Domaine public)

Au nord de l’archipel canadien par exemple, le scénario est complètement différent. Les eaux arctiques y sont plus profondes et les effets des courants atlantiques chauds y sont très peu présents. 

Cela est dû à une plus grande stratification des couches d’eau qui empêche l’eau chaude de remonter vers la surface, mais aussi au fait que les courants chauds de l’Atlantique sont moins importants dans cette zone géographique et que les courants du Pacifique qui s’y rendent sont moins chauds. 

Un avenir inquiétant pour l’Arctique

Au vu de la vague de chaleur qui a parcouru la Sibérie cet été cumulée à cette fonte accélérée des glaces, les changements climatiques risquent d’être de plus en plus extrêmes en Arctique. 

Habituellement, la glace marine renvoie une grande partie des rayons du soleil dans l’espace alors que les eaux découvertes sont sombres et absorbent la chaleur du soleil. 

La fumée des feux de forêt recouvre le ciel de la Sibérie, le 23 juin 2020. (Photo : EPA-EFE/NASA)

Ainsi, lorsque la glace marine se retire, l’eau de surface se réchauffe, ce qui à son tour réchauffe l’atmosphère au-dessus et accélère la fonte des glaces. Et cela est sans compter sur l’influence de l’augmentation des gaz à effet de serre.

Afin de mieux comprendre ces changements à venir, le professeur Rippeth veut réaliser une nouvelle étude en se spécialisant sur le mélange entre les eaux chaudes de l’Atlantique et les eaux de surface de l’Arctique. 

Ce phénomène n’est toujours pas pris en compte par les divers modèles météorologiques mondiaux utilisés pour prédire les fontes des glaces et les éléments qui en découleront. 

Tom Rippeth espère donc pouvoir inclure ces recherches dans ces modèles. 

Mathiew Leiser, Regard sur l'Arctique

Né dans le sud de la France d'une mère anglaise et d'un père français, Mathiew Leiser a parcouru le monde dès son plus jeune âge. Après des études de journalisme international à Londres, il a rapidement acquis différentes compétences journalistiques en travaillant comme journaliste indépendant dans divers médias. De la BBC à l'Agence France Presse en passant par l'agence d'UGC Newsflare, Mathiew a acquis de l'expérience dans différents domaines du journalisme. En 2019, il décide de s'installer à Montréal pour affronter les hivers rigoureux et profiter des beaux étés mais surtout développer son journalisme. Il a rapidement intégré Radio Canada International où il s'efforce de donner le meilleur de lui-même au sein des différentes équipes.

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