Voter à l’élection présidentielle française : un casse-tête pour les Français du Nord-Ouest canadien

Les électeurs français au Yukon font face à une situation complexe pour exercer leur droit de vote à l’élection présidentielle qui se tiendra les 10 et 24 avril. Vu les fuseaux horaires, le vote a lieu la veille sur le continent américain.
« J’ai l’impression qu’on me retire mon droit de vote. Ce n’est pas un sentiment très agréable », avoue Coralie Langevin, qui habite au Yukon depuis 2012. « Je sais que chaque vote compte. Pour moi, ça a toujours été important de voter, donc là, je suis très frustrée de ne pas pouvoir le faire. »
Pour pouvoir voter, les Français doivent s’être inscrits sur la liste consulaire. Ensuite, deux choix s’offrent à eux.
Ils pourraient venir voter « à l’urne », dans un bureau de vote, munis d’une pièce d’identité, mais aucun bureau de vote ne sera organisé au Yukon pour l’occasion. Le bureau le plus proche se trouve à Vancouver, donc à plus de 2000 kilomètres par la route ou à quelques heures par les airs, ce qui nécessite de débourser des centaines de dollars.
L’autre choix : le vote par procuration, qui n’est pas plus simple. La demande de procuration se fait en remplissant un formulaire et en le présentant en personne au consulat. Pour les Français de l’Ouest, il s’agit donc de se rendre, là encore, à Vancouver.
Une solution de remplacement à ce déplacement est de faire valider cette demande de procuration auprès des consuls honoraires, des bénévoles qui représentent le consul général de France et donc l’État français dans différentes régions.
Ils sont situés à Calgary, à Edmonton, à Saskatoon (en cours de nomination), à Victoria et à Whitehorse. Tous sont en mesure de recevoir les procurations de vote, sauf Erik Hougen, consul honoraire du Yukon, car, contrairement à ses homologues, il n’a pas la nationalité française.
La nationalité française n’est pas un prérequis pour la fonction de consul honoraire, mais un citoyen étranger ne peut pas disposer des mêmes pouvoirs qu’un citoyen français.
« Le Français est râleur, mais là… il a raison », conclut avec humour Coralie Langevin.
Sa compatriote Amélie Druillet, installée au Yukon depuis février 2016, sera ainsi exclue du vote pour une deuxième fois.
« Je ne peux pas aller à Vancouver juste pour aller voter. C’est quand même beaucoup d’argent même si c’est un devoir civique, dit-elle en plaisantant. C’est dommage. On reste des citoyens français et on ne sait pas ce que demain nous réserve, alors ça serait bien de pouvoir donner notre avis aussi. »
La Française aimerait voir le vote par Internet être instauré, mais il lui faudra attendre; en ce qui concerne l’élection présidentielle, du moins.
« Les Françaises et les Français pourront voter en ligne pour les législatives dès juin 2022 », a répondu par courriel le député des Français de l’étranger, Roland Lescure, qui dit s’être « fortement mobilisé pour rendre effectif le vote électronique ».
« Les élections présidentielles impliquent d’autres enjeux, notamment en termes de sécurité du vote. Le moindre problème entraînerait l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, ce qui aurait des conséquences trop importantes », explique le député.
Après vérification auprès du ministère de l’Intérieur, l’argument avancé par le député ne semble pas exact, puisqu’un problème n’entraînerait pas obligatoirement une nouvelle élection. Selon l’article 58 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du Président de la République » et a donc la responsabilité « d’examiner les réclamations et de proclamer les résultats du scrutin ».
Le ministère de l’Intérieur précise que le Conseil constitutionnel peut donc « décider d’annuler les opérations électorales dans un ou plusieurs bureaux de vote, ou l’élection, dès lors qu’il considère qu’il a été porté atteinte à la sincérité du scrutin ».

Le consul général de France à Vancouver, Nicolas Baudouin, explique que seulement « une petite centaine d’électeurs » ont fait les démarches pour s’inscrire sur la liste électorale consulaire au Yukon, alors qu’ils sont 10 300 à l’avoir fait dans l’Ouest canadien.
Une tournée consulaire a été organisée à l’automne au Yukon pour assurer la promotion de ces démarches.
Il concède qu’il ne dispose pas des « ressources humaines et budgétaires » nécessaires pour qu’il y ait un bureau de vote au Yukon.
Un bureau de vote nécessite la présence de bénévoles ainsi que la présence d’un agent du consulat pour s’assurer du bon déroulement des opérations et pour transmettre les procès-verbaux « essentiels pour la validation des scrutins ».
« J’entends cette frustration, je la comprends », affirme Nicolas Baudouin. Le consul se dit au fait de la situation et réaffirme qu’il « entend cet appel à ce qu’on en fasse davantage », mais il invite aussi ses compatriotes à réaliser les contraintes auxquelles son équipe fait face.