Visite royale dans le Nord canadien : pas d’excuses, mais une reconnaissance de la souffrance autochtone

Le prince Charles et sa femme, Camilla Parker Bowles, ont quitté Yellowknife à la fin de la dernière étape de leur visite au Canada, jeudi, après avoir reconnu la souffrance vécue par les Autochtones du pays, mais sans présenter d’excuses au nom de la Couronne.
« Cela a été particulièrement touchant de rencontrer des survivants des pensionnats pour Autochtones qui nous ont raconté ce qu’ils ont vécu avec courage », a confié le prince Charles dans son allocution de clôture.
« Au nom de ma femme et de moi-même, je tiens à reconnaître leurs souffrances et leur dire à quel point nos coeurs les accompagnent, eux et leurs familles. »
Il a ensuite noté l’importance de la réconciliation pour tous les leaders autochtones rencontrés durant la visite.
Rencontrer la communauté
La dernière des rencontres avec les chefs autochtones de ce séjour a commencé à Dettah, au sud-ouest de Yellowknife, où le prince Charles s’est entretenu avec des membres de la Première Nation dénée, dont le chef de Dettah, Edward Sangris, et le chef de Ndilo, Fred Sangris.

De son côté, la duchesse de Cornouailles a visité l’école Kaw Tay Whee, où elle a eu droit à une leçon de langue dénée.
Après la visite à Dettah, le prince Charles a participé à une célébration du 75e anniversaire des Rangers canadiens.
Pendant ce temps, la duchesse de Cornouailles a visité un centre d’hébergement pour femmes, avant de se rendre aux abords de la route de glace de Dettah pour discuter des effets des changements climatiques et de la réponse que les Autochtones peuvent y apporter.

Le couple s’est finalement rendu au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles pour assister notamment à une rencontre sur les défis de l’agriculture nordique, à une discussion sur le Traité no 11 et à une célébration du jubilé de platine de la reine Élisabeth II.
Reconnaissance et réconciliation
Sur ce parcours marqué par la réconciliation et l’expérience autochtone, le prince de Galles et la duchesse de Cornouailles ont été appelés à découvrir la culture des Dénés, notamment lors d’une présentation des élèves de l’École Kaw Tay Whee.
« J’espère que nos élèves seront fiers de leur culture et de leur héritage » à la suite de la visite, explique la directrice de l’école, Lea Lamoureux.

Selon Rebecca Plotner, qui a grandi à Dettah, « une visite royale est une partie importante de la réconciliation ». Elle trouve qu’il est important que des membres de la famille royale « soient sur place et voient la communauté et ce que signifie vivre dans une petite communauté autochtone », mais aussi qu’ils voient à quel point la communauté est « forte et résiliente ».
Reconnaître le passé, le grand souhait des Autochtones
Au coeur des rencontres de Dettah et de Yellowknife se trouve le désir des Premières Nations d’être entendues par la Couronne.
« Nous avons signé un traité avec la Couronne. [Donc, la famille royale] doit vivre avec l’accord et en respecter les termes », dit le chef déné retraité Paul Andrew.

Vivre avec les termes de l’accord passe d’abord par la reconnaissance des Autochtones et de leurs droits, précise l’avocat métis spécialisé dans les causes autochtones Garth Wallbridge.
Selon lui, reconnaître ce que les Autochtones ont vécu est une première étape essentielle à la réconciliation. La deuxième, prévient-il, ce sont les excuses.
Si la monarchie peut paraître symbolique pour la plupart des Canadiens, ceux dont les ancêtres étaient déjà présents à l’arrivée des premiers colons européens considèrent la reine Élisabeth II et ses successeurs comme la Couronne étrangère avec laquelle ils ont signé un traité de nation à nation.
« Nous croyons que notre entente avec la monarchie est une entente internationale », ajoute Paul Andrew.
C’est ce statut d’égalité qui conduit les Premières Nations à faire appel à la Couronne lorsqu’elles ont l’impression que les gouvernements canadiens font la sourde oreille, note le professeur Ken Coates, de l’École de politiques publiques Johnson Shoyama, à l’Université de la Saskatchewan.
Les Premières Nations « ont toujours considéré leur relation [avec la monarchie] comme étant une relation entre elles, les premiers peuples, et le gouvernement britannique. Selon elles, le Canada est une sorte d’intermédiaire qui a récupéré certaines responsabilités », explique-t-il.
Des mots aux gestes
Les leaders autochtones ténois croient cependant que cette reconnaissance de leur existence et les excuses potentielles doivent être accompagnées de gestes de réconciliation concrets.
« Les excuses sont importantes, mais ce qui suit l’est encore plus », rappelle l’ancien chef déné Paul Andrew.
« Il y a certains projets destinés aux Autochtones et à leurs enfants. [La famille royale] devrait les soutenir [afin de les] aider à éviter [ce qui conduit en] prison ou en famille d’accueil », ajoute-t-il.
Avant tout « ils doivent écouter », dit-il. « La réconciliation est un bien grand mot, aujourd’hui, mais elle nécessite la volonté d’avoir l’esprit ouvert. »

Le chef de Dettah, Edward Sangris, estime que l’heure passée par le prince Charles dans sa communauté est un bon point de départ pour cette écoute.
« Cela montre qu’il s’intéresse à ce dont on veut lui parler, qu’il veut nous écouter », soutient-il.
Avec les informations de Matisse Harvey, Kate Kyle, Juanita Taylor et Olivia Stefanovich
Je trouve cela intéressant que le prince et son épouse se soient rendus dans les communautés autochtones du Nord cent ans après la signature du traité entre la Couronne et les nations dénées. Après tout, les traités de 1899, 1921 et les traité modernes concernant les territoires dénés du Nord-Ouest ont été faits entre la Couronne et ces Nations.
Puisque cela concerne de grands territoires, les engagements qui ont été pris il y a 100 ans ont encore leur importance et ceux des 20 dernières années le sont sûrement aussi.