Nord québécois : le dernier navire de ravitaillement de l’année est arrivé à Kuujjuaq

Les navires de transport ont un grand tirant d’eau et doivent s’assurer que la rivière Koksoak est assez profonde pour les accueillir. (Gabriel Blanchet /NEAS)
C’est une véritable course contre la montre qui s’opère, ces jours-ci, sur la rivière Koksoak, à Kuujjuaq. Les navires déchargent leur cargaison pour la dernière fois cette année, avant que la glace prenne possession de la baie d’Ungava.

Les véhicules, les conteneurs, les matériaux et les denrées en tout genre doivent passer par ce lien maritime coûteux, mais essentiel pour les résidents des communautés inuit du Nunavik.

Dépendre des marées

À Kuujjuaq, la tâche est particulièrement plus complexe que dans les autres villages du territoire. La communauté est située à une cinquantaine de kilomètres de l’embouchure de la rivière Koksoak.

Contrairement aux autres villages du Nunavik, Kuujjuaq est loin de la baie d’Ungava et de ses eaux profondes. (Félix Lebel/Radio-Canada)

À cet endroit, le cours d’eau n’est pas assez profond pour que le navire-cargo puisse accoster près de la communauté. Il doit d’abord s’ancrer à plusieurs kilomètres du village.

Deux plateformes flottantes sont déposées sur la rivière, chargées de matériel, et ensuite transportées jusqu’au rivage par de petits bateaux-remorqueurs.

Les barges sont déplacées avec des remorqueurs. (Félix Lebel/Radio-Canada)

L’opération est répétée autant de fois qu’il le faut, jusqu’à ce que la marchandise soit complètement livrée.

Les débardeurs ont toutefois une contrainte de taille : la marée.

Ils ne peuvent circuler avec les plateformes flottantes près du rivage à marée basse en raison du risque d’échouage sur un banc de sable ou sur les hauts-fonds.

Avec un œil constant sur sa montre, la vérificatrice de marchandise chez le transporteur NEAS, Marie-lee Zia Albert, coordonne le déchargement.

Après Kuujjuaq, les équipes de NEAS doivent livrer de la marchandise dans les autres villages du Nunavik. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Tout est rodé au quart de tour. Il faut se dépêcher de vider la barge pendant que la suivante se fait charger au bateau. Si la marée baisse trop, la barge peut rester prise au fond et ça devient dangereux », dit-elle.

Au fil des années, les travailleurs ont recensé les zones à éviter dans la rivière, mais le risque nul n’existe pas.

« C’est déjà arrivé que la barge reste prise. On a dû partir en vitesse parce que la rivière commençait à glacer. L’idée de ne pas pouvoir décharger le matériel à la communauté, c’est impensable. Ils en ont besoin », ajoute Marie-lee Zia Albert.

Des biens attendus

Dans le village, la nouvelle de l’arrivée du bateau se propage rapidement. Plusieurs familles se rendent au site du déchargement, enthousiastes à l’idée de récupérer leur commande.

C’est le cas d’Attasie Saunders, qui a déboursé près de 5000 $ en transport pour recevoir sa nouvelle camionnette.

Malgré le prix élevé du transport, Attasie Saunders est heureuse de recevoir son véhicule avant l’hiver. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Ça fait plus de trois mois que j’attends pour l’avoir. Je suis vraiment contente », explique la résidente de Kuujjuaq.

Après une rapide vérification, Mme Saunders a remarqué quelques égratignures sur les jantes de sa voiture neuve.

« Elle pourra en faire la réclamation. Ça arrive, parfois, de petits accrochages. Ces voitures se font tellement déplacer durant le transport. C’est toute une épopée se rendre au Nunavik », ajoute la coordonnatrice du déchargement.

Après quelques déchargements, la marée a baissé. Il faudra attendre au prochain cycle avant de poursuivre.

La marée haute est prévue durant la nuit. Les équipes de débardeurs seront à l’œuvre, coûte que coûte.

Des rampes sont installées afin de permettre aux véhicules lourds de monter sur les barges. (Félix Lebel/Radio-Canada)

En attendant, pas le temps de se reposer. Les travailleurs chargent les conteneurs sur des camions et partent livrer la marchandise au village, à une dizaine de kilomètres au sud du lieu de déchargement.

Une rivière changeante

L’utilisation de barges liées aux marées est de plus en plus complexe selon George Peters, directeur de la corporation foncière de Kuujjuaq, Nayumivik Landholding.

Ce dernier remarque un changement dans le lit de la rivière, ces dernières années.

« Avant, on pouvait remonter la rivière Koksoak en bateau assez facilement. Maintenant, il y a tellement de sédiments dans le fond que nos chaloupes restent prises. Ça a des conséquences sur le déchargement du matériel, c’est certain », indique-t-il.

George Peters estime que les opérations de déchargement sont rendues trop complexes par manque d’infrastructures. (Félix Lebel/Radio-Canada)

George Peters montre du doigt Hydro-Québec, qui a dévié une partie du bassin versant de la rivière Koksoak vers le complexe hydroélectrique La Grande, dans les années 1970-1980.

Ces travaux ont, depuis, réduit le débit de la rivière d’au moins 35 %.

Un port attendu

Pour faire face à ce défi et faciliter la livraison de matériel, la corporation foncière souhaite construire un port en eau profonde à l’embouchure de la rivière, à environ 50 kilomètres au nord.

Une étude de faisabilité a été lancée au cours de l’été et les résultats sont attendus d’ici quatre ans.

En attendant d’éventuelles infrastructures, les navires devront s’amarrer à des dizaines de kilomètres du village. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Pour l’instant, la corporation poursuit le développement d’une route vers le nord, mais dit manquer de moyens.

« On y va un peu chaque année, on est bien triste de voir que le Plan Nord n’est pas là pour nous aider là-dedans », ajoute George Peters.

Il demande l’aide du gouvernement du Québec pour la construction d’une infrastructure portuaire efficace pour le développement de sa communauté.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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