Bruit sous-marin : des groupes environnementaux réclament des mesures énergiques

Les directives révisées seront soumises au Comité de la protection du milieu marin pour approbation en juillet prochain. (Ivanoh Demers/Radio-Canada)
De nouvelles directives de l’Organisation maritime internationale (OMI) reconnaissent les effets du bruit sous-marin produit par les navires sur la vie des Inuit, mais des groupes environnementaux demandent des mesures plus énergiques.

Le sous-comité de la conception et de la construction des navires de l’OMI a approuvé la semaine dernière des révisions aux directives à cet effet adoptées en 2014. Le rapport comprend des références aux connaissances autochtones ainsi qu’à l’Inuit Nunaat, qui regroupe les territoires des Inuit aux États-Unis, au Canada, au Groenland et en Russie.

Le Conseil circumpolaire inuit, une organisation non gouvernementale internationale qui représente 180 000 Inuit sur la planète, s’est dit très encouragé par ce rapport. « Nous sommes vraiment la première organisation autochtone à avoir une voix à l’OMI », souligne la vice-présidente Lisa Koperqualuk.

Pour ce sous-comité, les « incidences néfastes du bruit produit par les navires sur les espèces sauvages dans cette zone pourraient s’en trouver considérablement accrues ».

« Un certain nombre de caractéristiques de la région et des activités qui s’y déroulent pourraient accroître les incidences du rayonnement du bruit sous l’eau. Cela inclut des activités potentielles de brise-glaces, la présence d’espèces sensibles au bruit et l’interférence potentielle avec les droits de chasse des Autochtones », indique-t-il.

Par exemple, les chasseurs de Pond Inlet, au Nunavut (ou Mittimatalik en inuktitut), disent avoir constaté une diminution de la population de narvals dans la région et un changement dans le comportement des baleines.

Tout ça à cause du bruit des navires, selon Mme Koperqualuk. « Cela touche notre culture lorsque la faune marine est perturbée et s’éloigne de son habitat habituel », explique-t-elle.

Selon des recherches, le narval est sensible au bruit. Des études montrent que cette population est en déclin dans le Tasiujaq, au nord-est de l’île de Baffin, pendant la période estivale.

Un rapport publié en 2020 par le ministère fédéral des Pêches et des Océans laissait entendre que ce déclin était attribuable aux passages des paquebots et des brise-glaces, à l’exploitation minière, au développement ainsi qu’à la présence d’orques dans la région.

Le Conseil circumpolaire inuit avait défendu l’inclusion de recommandations distinctes pour les navires qui circulent dans les eaux de l’Arctique et de l’Inuit Nunaat. Par exemple, le bruit se propage à de plus grandes distances en eau froide. Le Conseil redoute des effets du bruit sur les espèces dont les Inuit dépendent pour la nourriture, leur culture et leur mode de vie.

Mme Koperqualuk dit que des recommandations spécifiques à la région avaient suscité de l’intérêt, mais cette idée a finalement été rejetée parce que ces recommandations ne pouvaient pas être universellement appliquées.

Mesures contraignantes demandées

Mme Koperqualuk fait remarquer que les armateurs pourront faire fi des recommandations puisque les mesures proposées ne seront pas contraignantes.

Andrew Dumbrille, de l’Alliance pour un Arctique propre, qui regroupe 20 organisations à but non lucratif, souhaite des mesures contraignantes. Il rappelle qu’une étude publiée en 2019 avait démontré que de telles mesures n’étaient pas une priorité pour de nombreuses entreprises si elles n’étaient pas imposées. On avait aussi dénoncé l’absence d’objectifs pour la réduction du bruit.

« Ces nouvelles directives sont plus détaillées. L’OMI s’est basée sur les recherches et sur les perspectives les plus récentes pour fonder son analyse des effets du bruit, pour choisir les mesures correctives et pour proposer des solutions, souligne M. Dumbrille. Malheureusement, la mise en œuvre de ces directives demeure volontaire. Et cela pose problème à maints égards. »

Le bruit qui rayonne sous l’Arctique est un des plus faibles sur Terre, mais des recherches indiquent que cela pourrait changer, notamment si les bateaux empruntent de nouveaux trajets en raison de la réduction de la banquise.

Une étude publiée en octobre dernier par la revue scientifique Environmental Pollution prédit que les émissions sonores pourraient doubler tous les 11 ans et demi si des mesures incitatives ou contraignantes ne sont pas adoptées. La pollution par le bruit des navires a doublé dans certains secteurs de l’Arctique de 2013 à 2019, selon un rapport du Conseil de l’Arctique.

Le ministère fédéral des Transports se dit heureux de la révision des directives, mais reconnaît qu’un immense travail est toujours nécessaire pour protéger l’habitat arctique.

En juin 2021, le ministère fédéral des Transports avait annoncé le lancement de l’Initiative pour des navires silencieux, dotée d’un financement de 26 millions de dollars et qui avait pour objectif de mettre à l’essai des technologies, de nouvelles conceptions de navires, des modernisations et des pratiques d’exploitation plus prometteuses pour rendre les navires plus silencieux. Le gouvernement fédéral est en train d’élaborer une stratégie sur le bruit dans les océans qui devrait être annoncée au cours de l’année 2023.

Avec les informations d’Emily Blake

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