Quel bilan fait-on de la 19e Assemblée législative des T.N.-O.?

L’Assemblée législative des T.N.-O. (Radio-Canada)

Outre le temps consacré à la gestion de la COVID-19 et aux urgences liées aux feux de forêt cet été, quels sont les travaux réalisés par la 19e Assemblée législative? En ce début de campagne électorale, certains observateurs tracent un bilan mitigé de l’Assemblée sortante et des progrès accomplis.

Les T.N.-O. se retrouvent en campagne alors que la poussière des évacuations est à peine retombée et que le combat contre les brasiers se poursuit. Inévitablement, la question de la gestion des urgences liées aux feux de forêt et des changements climatiques est sur toutes les lèvres.

À Fort Smith, qui a échappé de peu aux flammes, l’ancien politicien territorial Michael Miltenberger croit que la gestion de cette crise démontre qu’un renouvellement de l’Assemblée est nécessaire. «Je pense que la plupart des gens sont contents que des élections s’en viennent, car on a besoin de renouveau.»

L’ex-ministre de l’Environnement des Territoires du Nord-Ouest Michael Miltenberger. (Photo d’archives/Radio-Canada)

On a survécu à cette saison des feux de forêt plus par chance que grâce à une bonne planification, parce que la préparation était minime comparativement à la magnitude de la saison des feux.

– Michael Miltenberger, ancien député territorial de Thebacha

Celui qui a été membre de l’Assemblée législative de 1995 à 2015 et qui a occupé de multiples rôles de ministre fait remarquer que plusieurs élus et hauts fonctionnaires ont quitté le navire pendant les évacuations. «Ils étaient invisibles […], alors que des gens sur le terrain s’arrachaient le cœur à combattre les feux et se mettaient en danger.»

«Nous avons été très, très chanceux à Fort Smith […] En interne, par contre, le gouvernement territorial était en proie à la confusion», dit Michael Miltenberger.

L’ancien député dit avoir une longue liste de priorités qui devraient faire partie des questions discutées lors de la campagne. «Les finances publiques, la santé, le logement, l’éducation, l’environnement, l’économie. Il est clair que ce que nous faisons, le statu quo, ne fonctionne pas», dit-il.

Ingénieur et conseiller en transition énergétique à Médecins sans frontières, William Gagnon dit aussi que la 19e Assemblée a manqué de leadership en matière d’environnement, dans un territoire fortement touché par les changements climatiques.

«On sait depuis 2009 que les changements climatiques, c’est la plus grande menace pour la santé […] Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n’a pas changé ses objectifs de réduction [des GES]», dit-il.

William Gagnon, ingénieur spécialisé dans les changements climatiques, se dit déçu du manque de leadership de la 19e législature des Territoires du Nord-Ouest pour atteindre des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieuses. (Photo : William Gagnon)

On ne peut pas juste s’asseoir, puis espérer que les choses changent. Il faut passer à l’action. Ce n’était pas proactif, on n’a pas vu de leadership de la part du gouvernement des T.N.-O.

-William Gagnon, ingénieur spécialisé dans les changements climatiques

William Gagnon espère que ce sujet sera au premier plan des discussions durant la campagne électorale. «C’est le problème le plus important de notre génération.»

Une pandémie qui a presque paralysé le gouvernement

La 19e Assemblée législative a eu environ six mois après son élection, en octobre 2019, pour établir ses priorités avant le début de la pandémie de COVID-19.

Les séances de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest se déroulent à Yellowknife. (Radio-Canada)

Dès mars 2020, les élus et bon nombre de Ténois ont dû apprendre à travailler à distance de façon virtuelle, ce qui n’a certainement pas contribué au bon fonctionnement de l’Assemblée, selon l’ancien député fédéral des T.N.-O. Dennis Bevington.

«Les politiciens n’ont pas pu travailler de façon normale», dit-il. «Si on dépend des communications par Zoom […], on ne peut pas obtenir vraiment toute l’information qu’on pourrait obtenir si on était en personne à l’Assemblée législative.»

Selon l’ancien politicien, cette crise, ajoutée au fait qu’il y avait beaucoup de nouveaux élus, a fait en sorte que l’Assemblée législative est partie du mauvais pied. Dans un gouvernement de consensus, le leadership choisi par les députés doit proposer une vision et une direction dès le départ.

Dennis Bevington, de Fort Smith, a siégé à titre de député fédéral pour les Territoires du Nord-Ouest pendant trois mandats, de 2006 à 2015. Il a également été maire de Fort Smith pendant neuf ans dans les années 1990. (Radio-Canada/Jacob Barker)

«Le leadership n’a pas eu la chance de développer, de façon cohérente, des politiques pour l’ensemble du territoire», explique Dennis Bevington.

Il croit toutefois que le gouvernement s’en est plutôt bien sorti avec la gestion de la pandémie. «Le confinement d’un an et demi était une grosse décision […] Que cette décision ait été la bonne ou non, elle a été prise et j’apprécie toujours ceux qui vont au bout de leurs idées.»

Crises internes

Durant son mandat, la 19e Assemblée a aussi perdu du temps à gérer des crises internes. À deux reprises, des membres ont dû être sanctionnés pour des manquements au code de conduite des députés.

En novembre 2021, le député de Tu Nedhé-Wiilideh, Steve Norn, a été contraint de démissionner à la suite d’une motion suggérant son expulsion de l’Assemblée législative. Un arbitre a conclu que le député avait violé le décret de santé publique en quittant son domicile avant la fin de sa quarantaine durant la pandémie de COVID-19.

Puis, plus récemment, la députée de Great Slave, Katrina Nokleby, a été réprimandée par l’Assemblée législative pour être revenue à Yellowknife avant la levée de l’ordre d’évacuation.

Dennis Bevington estime qu’un meilleur leadership aurait permis à l’Assemblée législative de perdre beaucoup moins de temps à gérer ces problèmes. «Durant la dernière semaine de l’Assemblée législative, on a débattu d’une amende de 4000 $ envers une membre. On a des choses beaucoup plus importantes à gérer que ça.»

Relations avec la francophonie

La 19e législature aura réussi quelques bons coups, comme celui d’améliorer les relations avec la communauté francophone, selon certains intervenants.

Dès le début de son mandat, le ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Formation, R.J. Simpson, a dû gérer les contrecoups des décisions de sa prédécesseure, Caroline Cochrane. Celle qui était ministre de l’Éducation durant la 18e législature avait refusé à deux reprises, en 2018 et en 2019, l’admission d’élèves non ayant droit à l’école francophone.

Lorsque Radio-Canada lui demande si elle regrette cette décision, Caroline Cochrane répond que non. «La décision devait être prise rapidement, et je n’avais pas beaucoup d’information comme nouvelle ministre de l’Éducation. L’école était sur le point de commencer.»

Ces refus ont déclenché un processus judiciaire qui a mené la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest à déposer un recours devant la Cour suprême du Canada.

Jean de Dieu Tuyishime, président de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (Radio-Canada/Claudiane Samson)

Son président, Jean de Dieu Tuyishime, dit que, dès son arrivée en poste, le ministre Simpson a communiqué davantage avec les intervenants francophones en éducation pour trouver une façon de rétablir les ponts. «On peut dire que nous avons eu une bonne collaboration parce que nous avons pu trouver des terrains d’entente», indique-t-il.

La directrice de la Fédération franco-ténoise, Audrey Fournier, reconnaît aussi qu’il y a eu des améliorations sur le plan de l’offre de services en français. Ainsi, sans être parfaite, la Loi modifiant la Loi sur les langues officielles a répondu à certaines demandes de la communauté, comme l’octroi de plus de pouvoirs à la commissaire aux langues officielles du territoire.

Audrey Fournier, directrice de la Fédération franco-ténoise. (Carole Musialek)

«Le comité qui a révisé la loi a laissé plein de belles recommandations. On se dit que c’est un legs de cette Assemblée et on espère que ce sera repris par le prochain gouvernement», dit Audrey Fournier.

Les dirigeants des organismes francophones comptent bien faire valoir leurs intérêts auprès des candidats aux élections pour les sensibiliser aux besoins de la communauté, comme l’explique Jean de Dieu Tuyishime. «Car sinon, ils arrivent à l’Assemblée sans connaître les problématiques, et ça nous oblige à faire beaucoup de ménage pour les mettre à jour dans les dossiers qui sont en cours», ajoute-t-il.

Le scrutin pour élire la prochaine Assemblée législative est prévu le 14 novembre.

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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