Le gouvernement fédéral poursuivi par 22 corps de police autochtones du Québec

L’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec poursuit le gouvernement fédéral pour le sous-financement de leurs services de police. (Radio-Canada/Pascal Robidas)

L’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec poursuit le gouvernement fédéral devant le Tribunal canadien des droits de la personne pour le sous-financement de leurs services de police.

Cette décision d’affronter Ottawa devant les tribunaux a été prise à l’unanimité, selon les 22 chefs de corps policiers autochtones, après le constat d’une impasse qui persiste depuis plusieurs années dans le règlement de la situation.

«Selon nos ententes avec Sécurité publique Canada, nous sommes censés offrir des services de base équivalents à ceux offerts à toute la population à travers le Québec et le Canada. Malheureusement, le financement et les conditions actuelles ne nous permettent pas d’atteindre ce niveau», a déclaré Shawn Dulude, président de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec.

Cette décision d’affronter Ottawa devant les tribunaux a été prise à l’unanimité, selon les 22 chefs de corps policiers autochtones. (Radio-Canada/Pascal Robidas)

Résultats : des policiers doivent patrouiller et intervenir en solo la nuit, alors qu’ils devraient être en duo. L’équipement policier utilisé est désuet, notamment des vestes pare-balles disponibles dans certaines communautés. Et la question des salaires est soulignée, parce qu’ils ne permettent pas de retenir les meilleures recrues.

«Il n’y a aucun syndicat policier qui tolérerait que leurs agents portent des vestes pare-balles périmées en patrouille. Il y aurait des moyens de contestation assurément. C’est pourtant le cas dans certaines communautés. C’est cette option ou tu ne portes rien pour ta protection. Pourquoi devons-nous avoir à accepter ça», lance le chef Dulude, en guise d’exemple.

Dans un contexte où les corps policiers sont dans une course pour attirer les meilleures recrues afin de combler les départs à la retraite dans leurs rangs, nous n’avons aucun moyen financier pour offrir des salaires compétitifs face à des organisations policières qui ont beaucoup d’argent pour augmenter la diversité dans leurs rangs.

– Shawn Dulude, président de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec

Le manque d’effectifs policiers dans les communautés autochtones du Québec oblige les policiers des Premières Nations à patrouiller en solo la nuit, alors que la norme est d’intervenir en duo pour leur sécurité. (PC)

Selon les 22 chefs des corps policiers autochtones du Québec, le manque de service adéquat en sécurité publique a aussi des conséquences dévastatrices sur le développement et la santé publique des Premières Nations au Québec, et au Canada. Il suffit d’aborder les enjeux de violence conjugale ou d’alcoolisme dans certaines communautés.

Le Tribunal vise à garantir que les droits de toutes les communautés autochtones soient respectés conformément aux obligations du gouvernement fédéral de fournir des services appropriés et adéquats pour répondre aux besoins des communautés autochtones.

– Shawn Dulude, président de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec.

Shawn Dulude est le chef de la police mohawk d’Akwesasne et le président de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec. (Radio-Canada/Pascal Robidas)

Manque d’effectifs policiers

L’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec estime qu’il manque plus de 200 policiers dans tout le Québec pour assurer un service de sécurité publique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

On compte environ 400 agents de la paix, reconnus par la Loi sur la police, dans l’ensemble des 22 communautés des Premières Nations. Seize des 22 communautés financent elles-mêmes les ressources policières sans l’appui gouvernemental.

Visiblement, les chefs de police sont à bout de patience devant ce qu’ils jugent comme une inaction du fédéral.

«À ce propos, comme l’a rapporté le Protecteur du citoyen le 4 octobre dernier, il y a encore énormément de chemin à faire. Sur 13 recommandations énoncées en 2019 pour le secteur policier, seulement une seule a été complétée avec succès : la production d’un état de la situation. Un autre rapport!», lance M. Dulude.

 

L’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec appuie ses demandes sur les rapports suivants :

2000 – Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones;

2007 – Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash;

2014 – Rapport du vérificateur général du Canada;

2016 – Rapport de recherche commandé par Sécurité publique Canada;

2019 – Rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA);

2019 – Rapport de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (commission Viens).

Source : ADPPNIQ  

 

Les services de police autochtones sont souvent critiqués et sous le feu des projecteurs en raison de la contrebande d’armes à feu et de stupéfiants du crime organisé dans plusieurs de leurs territoires.

«La charge de travail élevée est traitée à vitesse réduite, ce qui offre aux criminels une longueur d’avance qu’on peine à rattraper. Sans surprise, leurs activités ne se limitent pas à nos communautés. Mes collègues, Raynald à Uashat ici présent, comme tous nos membres, ne demandent que ça, faire grandir leur équipe d’enquête pour enrayer les problèmes de stupéfiants», affirme Shawn Dulude.

L’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec affirme que les enjeux soulevés ne concernent pas seulement le Québec, mais l’ensemble des territoires autochtones au Canada.

«Certaines communautés sont limitrophes avec les États-Unis et les provinces avoisinantes. On retrouve dans certaines autres d’importantes infrastructures comme des corridors aériens, des cours d’eau navigables et des voies ferrées dont elles sont responsables. Que se passe-t-il en cas de crise ici à Kahnawake, à Mashteuiatsh ou à Wemotaci, pour ne nommer que celles-ci? On attend la SQ? Combien pensez-vous que ça va coûter? Est-ce que la SQ est prête et, surtout, a la capacité pour nous supporter si on lance un signal d’alarme?» conclut Shawn Dulude.

Une promesse du gouvernement libéral

Durant la campagne électorale de 2019, le gouvernement libéral de Justin Trudeau avait promis d’encadrer le financement des corps policiers autochtones au pays. Il n’est pas uniforme, selon la région et la province.

En 2020, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, avait affirmé que l’adoption d’une loi visant à faire de la police autochtone un service essentiel serait la marche à suivre pour en venir à la mise en place d’un cadre financier. Mais force est d’admettre que la promesse se fait toujours attendre pour les chefs de police autochtones du Québec.

Rappelons que le programme de services de police des Premières Nations a été créé en 1991 pour financer des accords entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ou territoriaux pour fournir des services de police à près de 60 % des communautés des Premières Nations et Inuit au pays.

Le gouvernement fédéral contribue à 52 % du financement du programme de services de police des Premières Nations. Les gouvernements provinciaux et territoriaux apportent le reste.

Le ministère québécois de la Sécurité publique n’a pas souhaité commenter le recours judiciaire de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec, parce que la cause est portée devant les tribunaux.

Le gouvernement fédéral n’avait toujours pas réagi au moment d’écrire ces lignes.

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