Nord canadien : un programme fédéral de police autochtone étendu au Nunavut

La GRC fournit des services de police dans une grande partie des communautés du Nord. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Le gouvernement fédéral canadien et le gouvernement du Nunavut ont signé une entente de principe pour étendre le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit au territoire du Nunavut, ce qui augmentera les effectifs de la Gendarmerie royale du Canada dans le Nord.

L’annonce a été faite la semaine dernière par les deux gouvernements. Au cours des trois prochaines années, de nouveaux agents de la GRC seront engagés pour les collectivités de tout le territoire et de façon continue, précisent le ministère canadien de la Sécurité publique et le ministère de la Justice du Nunavut.

Quarante-huit pour cent du financement de ce programme sera assumé par le gouvernement du territoire et 52 %, par le gouvernement fédéral.

Les deux ordres de gouvernement mentionnent aussi dans un communiqué que les résidents du Nunavut « interviendront davantage dans le mode de prestation des services policiers dans leurs collectivités ».

Joint par courriel, un porte-parole du ministère de la Justice du Nunavut explique que les détails du programme seront établis une fois l’entente de principe entérinée.

« Une fois l’entente signée, des consultations auront lieu avec les communautés identifiées. Ces consultations donneront lieu à des mandats dirigés par la communauté qui seront mis en œuvre par le membre du [programme] affecté à sa communauté. La mise en œuvre de l’entente sera surveillée par le gouvernement du Nunavut, la Division V de la GRC au Nunavut et les communautés », explique Peter Varga, par courriel.

Actuellement, 147 agents de la GRC travaillent au Nunavut. Le ministère de la Justice n’est pas en mesure de chiffrer pour l’instant l’effectif prévu, qui sera appelé à augmenter avec ce programme.

Agrandir les équipes au niveau local

Lors d’une intervention à l’Assemblé législative du Nunavut la semaine dernière, le ministre de la Justice Craig Simaliak saluait l’initiative, obtenue après « des années de lobbying » auprès du fédéral, et jugeait qu’il s’agit d’une « évolution très positive de notre travail de réconciliation entre les communautés inuit et la Gendarmerie royale du Canada ».

Il affirmait dans la foulée que le programme permettrait de mettre fin aux détachements de la GRC formés de seulement deux personnes. 

Il s’agit d’un problème soulevé par la GRC ces dernières années : beaucoup de détachements de la GRC dans le Grand Nord n’ont que deux policiers en poste. Cela signifie qu’ils doivent se répartir à deux une garde 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, ce qui engendre un haut niveau de stress, mène à de la fatigue et à de l’épuisement professionnel.

Les besoins en sécurité publique sont souvent très grands dans les communautés nordiques aux prises avec des problèmes de violence et de consommation d’alcool et de drogues.

Le programme vise à soutenir les communautés inuit dans leurs efforts de police communautaire, indique M. Varga. 

Interrogé à savoir si le modèle de service policier dans les communautés du Nord sera appelé à changer avec ce programme, il mentionne que le modèle restera le même. 

« Les membres du [programme] s’ajouteront à notre effectif actuel de policiers. Le nombre de membres dans chaque communauté du Nunavut est déterminé avec la méthodologie des ressources policières de la GRC. »

La GRC utilise différentes variables pour décider quelles ressources sont nécessaires pour assurer efficacement la sécurité dans une communauté, ajoute-t-il.

« Dans certaines des petites collectivités du Nunavut, les niveaux de criminalité et d’appels ne sont pas assez élevés pour nécessiter une augmentation du nombre de membres permanents. L’ajout d’un membre du [programme] permettrait l’augmentation des ressources locales spécifiquement pour les initiatives de police dirigées par la communauté », poursuit le porte-parole. 

Ces dernières années, des événements sont venus entacher la réputation des policiers dans le Grand Nord. Les tensions entre la GRC et les communautés du Nord ne datent pas d’hier et tirent leurs origines de l’époque coloniale et de mauvais traitements infligés aux Inuit par les autorités.

Au printemps, l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) et la Gendarmerie royale du Canada ont mis de l’avant un plan de travail commun pour améliorer les relations entre les communautés inuit et la GRC.

Le plan de travail vise notamment à donner aux agents une formation culturelle obligatoire. On vise aussi une hausse de la représentation inuit à la GRC et un accès amélioré aux personnes parlant l’inuktitut. L’échange d’informations doit aussi être amélioré.

Le recrutement de policiers par l’entremise du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit peut contribuer à augmenter les effectifs d’agents inuit, puisqu’un certain nombre pourraient provenir des communautés du Nunavut. Toutefois, « il n’y a aucune exigence pour les membres du [programme] d’être inuit ou autochtones », dit le porte-parole du ministère de la Justice du Nunavut en réponse à notre question sur le sujet.

Dans un échange par courriel, une porte-parole du ministère canadien de la Sécurité publique explique que le programme de police communautaire est centré sur une responsabilité partagée entre la police et la communauté, « permettant la prestation de services de police culturellement sensibles et adaptés ».

Ceci requiert la mise en place d’un groupe consultatif communautaire, composé de membres de la communauté qui identifient et défendent les priorités locales en matière de police.

« On s’attend à ce que la GRC travaille en collaboration avec ce groupe consultatif, en participant à des réunions régulières et en travaillant avec [celui-ci] pour élaborer et respecter une lettre d’entente, qui énonce les attentes de la communauté concernant » les services à recevoir et la relation avec l’agent, ajoute-t-elle.

Rétablir la confiance

Les représentants des Inuit et des Premières Nations exhortent depuis un certain temps Ottawa à mener un examen indépendant, et civil, des pratiques de la GRC.

À l’été 2020, une vidéo sur les médias sociaux montrant un agent de la GRC à Kinngait, au Nunavut, en train d’utiliser la porte de sa camionnette pour renverser un homme en état d’ébriété a fait beaucoup réagir.

Aussi en 2020, la Commission des services juridiques du Nunavut estimait que les Inuit, en particulier les femmes, subissent des abus systémiques de la police, y compris une violence excessive et un racisme persistant.

L’an dernier, la GRC a signé une entente avec l’organisation Pauktuutit Inuit Women of Canada afin d’améliorer la protection des femmes, des enfants et des personnes inuit. La présidente de Pauktuutit, Rebecca Kudloo, insistait pour que les agents de police suivent une formation en matière de sensibilité culturelle et soulignait la nécessité de réduire le temps de réaction pour que des policiers de la GRC soient dépêchés sur les lieux d’un possible drame.

De plus, l’an dernier, le ministre canadien de la Justice David Lemetti a déposé le projet de loi C-5, qui vise entre autres à contrer le racisme et les inégalités systémiques qui touchent les Autochtones dans le système de justice pénale.

Le gouvernement entendait de ce fait collaborer avec les communautés autochtones du Canada pour élaborer une stratégie de justice applicable aux Autochtones.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *