Freiner l’exode des travailleurs : le défi du secteur public au Nunavik

Les gens étaient nombreux, mercredi, à manifester devant l’école secondaire Jaanimmarik de Kuujjuaq. (Félix Lebel/Radio-Canada)

En grève depuis mardi, les travailleurs du secteur public du Nunavik espèrent avoir gain de cause dans les négociations de leur nouvelle convention collective, qui pourrait, selon eux, réduire le roulement de personnel et améliorer la qualité des services dans le Nord-du-Québec.

Le vent et la neige n’ont pas découragé les enseignants et travailleurs de soutien sur la ligne de piquetage devant l’école Jaanimmarik de Kuujjuaq, mercredi.

Les enseignants du Nunavik demandent des améliorations de leurs conditions de travail ainsi que des hausses de salaire, tout comme les 570 000 autres travailleurs en grève au Québec.

La région connaît toutefois des défis supplémentaires de rétention de main-d’œuvre. L’isolement, les services limités dans les communautés et les grands besoins éducatifs chez les jeunes contribuent à ce constat.

La commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq estime qu’il manque environ 60 enseignants dans les 14 communautés du Nunavik.

Environ 40 employés de soutien sont aussi recherchés pour améliorer l’offre de service.

Sur la ligne de piquetage, tous disent ressentir ce manque de main-d’œuvre, qui a forcé la fermeture de plusieurs classes depuis le début de l’année scolaire.

S’il manque des enseignants, ça se peut que je fasse des heures supplémentaires dans ma classe pour garder les élèves à l’école. Ça enlève du temps de préparation pour mes cours. Ça rend la tâche encore plus lourde, explique Julie Brisson, enseignante à l’école Jaanimmarik de Kuujjuaq et représentante syndicale.

Selon ses collègues et elle, obtenir gain de cause au terme de ces revendications syndicales pourrait améliorer la rétention du personnel enseignant dans la région.

On a de très bons enseignants qui restent. Mais plusieurs viennent et repartent après un an […] Avec de meilleurs salaires et de meilleures conditions, on aurait davantage de travailleurs locaux aussi, explique l’enseignante de maternelle et représentante syndicale Ayaana Berthe.

Les conséquences de ce roulement sont nombreuses pour les jeunes, car il leur est parfois difficile d’établir un lien de confiance avec leur enseignant.

Ils sont tellement habitués à ce que leurs enseignants ne restent pas longtemps, s’ouvrir avec eux, c’est difficile […] On a aussi peu de ressources humaines pour les aider. On n’a pas assez d’orthophonistes, d’orthopédagogues, de professionnels, ajoute Julie Brisson, qui espère que son message sera entendu à Québec.

Mercredi, les enseignants vont par ailleurs se joindre aux travailleurs de la santé lors d’une grande marche à Kuujjuaq.

Un réseau public peu attrayant

Le réseau de la santé connaît un problème de rétention similaire. Dans le secteur infirmier, la durée moyenne d’emploi au Nunavik est d’environ 18 mois.

De nombreux facteurs, comme le manque de logement, contribuent à expliquer ce phénomène.

La question des salaires et des conditions de travail est toutefois centrale dans le problème, d’après les syndicats.

Vu que les services ne sont pas aussi disponibles au Nord qu’ailleurs, les gens vont redescendre une fois qu’une femme tombe enceinte, ou que les enfants vont vouloir aller à l’école, explique Thierry Langlois, criminologue qui travaille au Nunavik depuis neuf ans.

C’est très compliqué d’encourager le monde à se voir faire une carrière au Nord, ajoute-t-il.

Ce dernier espère que de bonnes avancées salariales auront lieu au terme des négociations pour améliorer l’offre de service générale dans la région.

On a besoin de salaires et d’un réseau public qui vont être encourageants et qui vont empêcher les travailleurs d’aller dans les agences privées, souligne Thierry Langlois.

Encore une fois, la faible rétention de personnel aurait des conséquences négatives sur la relation de confiance entre les soignants et les patients. Cette relation serait pourtant essentielle pour favoriser l’engagement des communautés du Nord dans le système de santé.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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