Une Première Nation du Yukon se tient debout devant l’industrie minière
« Je me sens vraiment triste en ce moment pour l’environnement. Et je me sens investie d’une lourde responsabilité envers mes concitoyens », dit la cheffe Dawna Hope, de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun, située à Mayo, au Yukon, face à une falaise de minerai.
C’est la première fois, depuis l’incident survenu le 24 juin à la mine d’or Eagle, que la cheffe se rend sur place pour évaluer l’étendue des dégâts.
Je ne sais pas comment je vais rassurer mes concitoyens, car quoi que l’on fasse, ce problème est là pour durer, affirme Dawna Hope, cheffe de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun.
Le flanc d’une des montagnes est un immense tas de minerai. Acheminé par une convoyeuse, ce dernier est traité avec une solution de cyanure. Le liquide percole à travers le minerai et dissout l’or. L’une des plateformes qui retenaient ce minerai a cédé, provoquant un glissement de terrain.
La cheffe est persuadée que le cyanure a atteint les eaux souterraines.
Une grosse partie du flanc de la montagne semble s’être détaché. Un véhicule y est encore perché, pris au milieu du glissement. De l’eau ruisselle sur la paroi. Un bassin de rétention, plus bas, est visible.
La cheffe est inquiète de la réaction des membres de sa Première Nation : Cela fait des décennies qu’ils nous mettent en garde; ils sont préoccupés par l’eau, l’exploitation minière et leurs conséquences.
Son équipe a prélevé des échantillons d’eau afin de les faire analyser.
La mine, elle, est très calme. Toutes ses activités ont cessé. Deux membres du personnel escortent la cheffe Dawna Hope, mais ils n’ont pas souhaité répondre à nos questions. L’entreprise Victoria Gold n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.
Un arrêt des opérations minières
La cheffe veut une meilleure collaboration avec l’industrie.
Mercredi, la Première Nation a demandé un arrêt temporaire des opérations minières sur son territoire, « jusqu’à ce que nous puissions avoir une meilleure relation. Depuis le début, nous demandons que rien ne se passe sur notre territoire, sans nous. »
Il y aurait 80 000 concessions minières sur le territoire, selon la cheffe. C’est « 40 % de l’industrie minière au Yukon », affirme-t-elle.
L’objectif de cette demande est de faire passer un message clair au gouvernement du Yukon et à l’industrie minière.
Nous devons travailler ensemble pour éviter que ce genre d’incident se produise, dit-elle.
À ses côtés, Lauren Baranik, responsable de l’évaluation des répercussions pour la Première Nation, réagit.
Nous avons des préoccupations quant à la remise en état après l’exploitation, mais nous savons que nos citoyens bénéficient de la mine en y travaillant, explique-t-elle.
Jeudi, le gouvernement a tenu une deuxième séance d’information depuis l’incident.
« Je crains qu’ils continuent à minimiser la situation. La surveillance diminue, alors que, selon moi, nous devrions l’augmenter à ce stade », a fait valoir la cheffe, mercredi, sur le chemin du retour, vers Mayo.
Une menace invisible
Plusieurs rivières croisent la route qui mène vers la mine d’or. La cheffe Dawna Hope pointe vers la rivière Haggart, un cours d’eau tranquille qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de la ville. C’est ici que les membres de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun pêchent l’omble arctique.
C’est très préoccupant, car je ne sais pas où il est sécuritaire, pour mes concitoyens, de pratiquer leurs traditions, dit-elle devant la rivière à l’apparence immaculée. J’espère vraiment avoir tort, ajoute-t-elle.
Les effets d’une contamination peuvent prendre du temps à se manifester, selon Nadja Kunz, de la Chaire de recherche du Canada en gestion et intendance des eaux de mine. « Il sera crucial de comprendre la capacité de ces bassins de rétention », explique la scientifique.
Les effets de cet incident sur l’environnement peuvent être immédiats, mais ils dépendent également du système de rétention et de la rapidité du traitement de l’eau, affirme Nadja Kunz, de la Chaire de recherche du Canada en gestion et intendance des eaux de mine.
Elle mentionne que l’entreprise Victoria Gold pourrait communiquer plus régulièrement. « Je pense que, lorsqu’il y a un manque d’information et de transparence, la communauté et le public s’inquiètent davantage », soutient-elle.
Des niveaux de cyanure qui dépassent les normes
Jeudi, l’entreprise a envoyé sa première mise à jour depuis l’incident.
Un système de pompage a été mis en place, a-t-elle déclaré. À ce jour, les échantillons de l’eau de surface en de multiples points en aval de la propriété n’ont pas détecté de cyanure.
Pourtant, lors de la séance d’information, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Yukon, John Streiker, a annoncé que des niveaux presque 10 fois plus élevés que ceux autorisés ont été détectés dans la rivière Haggart.
Ce niveau de cyanure dans le ruisseau Haggart pourrait potentiellement affecter les poissons, a affirmé John Streiker. Nous allons devoir faire beaucoup de surveillance pour comprendre comment et où les contaminants se déplacent.
Selon la minière, environ deux millions de tonnes de ces matériaux auraient quitté le confinement. Cela représenterait 300 000 m³ de solution de cyanure, spécifie Mark Smith, un ingénieur géotechnicien présent à la séance d’information. L’équivalent de 120 piscines olympiques.
Il est inquiet d’une deuxième défaillance. « Le risque est assez important, en particulier à l’approche de la saison des pluies de l’été », dit-il.
En réponse à la demande de pause des opérations minières par la Première Nation, John Streiker a indiqué : « Nous l’avons entendue. L’arrêt de l’exploitation minière n’est pas une mince affaire. »
La cheffe Dawna Hope secoue la tête et sèche une larme alors qu’elle écoute l’annonce. « Je suis en colère », a-t-elle avoué la fin de la conférence. « Cela fait 30 ans que nous attendons et demandons un plan de gestion du territoire. Je crains qu’ils ne prennent pas cette question aussi sérieusement qu’elle devrait l’être. »
Le gouvernement a également demandé au public d’éviter les environs de la rivière Haggart à des fins récréatives.
Comment vais-je dire à mes concitoyens qu’ils ne peuvent plus utiliser cette région? Ils ne peuvent plus faire confiance à leur territoire? demande-t-elle, émue.
Il faudra du temps, non seulement pour mesurer pleinement l’ampleur des dégâts, mais aussi pour rétablir la relation entre la Première Nation et l’industrie minière.
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