Trois sœurs survivantes de la rafle des années 60 visitent leur communauté aux T.N.-O.

Delphine Gargan, RavenSong Gargan et Sariah Stanley lors de leur séjour à Fort Providence, aux Territoires du Nord-Ouest. (Radio-Canada/Natalie Pressman)

Trois sœurs survivantes de la rafle des années 60 ont visité pour la première fois Fort Providence, aux Territoires du Nord-Ouest, pour reconnecter avec leur communauté et faire la paix avec le passé.

Delphine Gargan, Sariah Stanley et RavenSong Gargan ont été retirées de leur famille et de leur communauté pour être placées en famille d’accueil ou adoptées par une famille non autochtone.

Cette mesure du gouvernement fédéral, visant des enfants autochtones, a été en vigueur des années 1960 aux années 1980. Les trois sœurs ont grandi séparément et n’ont découvert leurs liens familiaux qu’à l’âge adulte.

Le 30 août, elles se sont retrouvées pour la première fois ensemble à Edmonton pour entreprendre le voyage vers Fort Providence, afin de rencontrer les membres de leur communauté.

C’est RavenSong, qui vit maintenant à Richmond, en C.-B., qui a entrepris ces retrouvailles et ce pèlerinage.

Fondatrice de l’organisme à but non lucratif Sixty Scoop Indigenous Society of B.C., elle a obtenu du financement de la Fondation de guérison de la rafle des années 60 afin de permettre aux survivants de retrouver leur communauté et a décidé de vivre l’expérience elle-même.

« Je n’aurais pas pu le faire si mes sœurs n’avaient pas voulu, dit-elle. Ça n’a pas été facile […] de prendre cet engagement en raison de qui nous sommes, et de s’engager à faire quelque chose d’aussi gros sans se connaître […]. C’était terrifiant », ajoute-t-elle.

Un périple parsemé d’émotions

Sariah, la cadette, a appris l’existence de ses deux sœurs en 2004. Elle vivait à l’époque à Windsor, en Ontario, quand elle a reçu un appel de RavenSong. Cette dernière lui a aussi dévoilé l’identité de leur sœur Delphine, qui vivait dans le même quartier.

« C’était surréel », témoigne celle qui a déménagé par la suite et perdu la trace de ses deux sœurs.

Elle compte bien rattraper le temps perdu.

« Et cela viendra d’un sentiment sincère, parce que j’en suis à ce stade de ma vie. Je suis équilibrée, je me suis installée et je pense que je suis dans une bonne disposition pour pouvoir garder le contact », dit-elle.

Lors de leur passage à Fort Providence, les sœurs ont invité la communauté à partager un repas dans le centre pour personnes âgées. Des membres de la parenté ont exprimé leur affection et leur joie de les revoir, raconte Delphine.

« Je pense que plusieurs étaient plus qu’heureux de nous revoir vivante. Ce retour sur leur terre natale est un parcours parsemé d’émotions », indique-t-elle.

[« On ressent] la perte de notre culture, de la famille et de la communauté, et nous venons ici pour essayer de ravoir un peu de ça », dit Delphine.

Ça ramène le traumatisme de la rafle des années 60, durant laquelle on s’est senti mal-aimé, non voulu. Qui suis-je? Quelle est mon identité? On tente de remettre les morceaux du casse-tête ensemble du mieux qu’on peut afin de continuer à guérir.

Delphine Gargan, victime de la rafle des années 1960

Sentiment de rejet

Lors du dernier jour à Fort Providence, les sœurs ont visité le cimetière pour honorer la mémoire des membres de leur famille. Elles ont découvert que leur mère y est enterrée.

Elle est décédée à Victoria, mais les sœurs n’ont pas été mises au courant qu’elle avait été inhumée dans la communauté. Sariah est heureuse que le dernier repos de sa mère soit à Fort Providence, mais RavenSong se sent trahi.

Les trois sœurs se sont recueillies sur la tombe de leur mère au cimetière de Fort Providence. (Radio-Canada/Natalie Pressman)

« [Les membres de la communauté] savaient qu’elle avait trois filles, ont choisi de faire un enterrement et ne nous ont rien dit », déplore-t-elle.

Les trois sœurs ont d’ailleurs ressenti que leur visite dans la communauté ne faisait pas l’affaire de tous.

« Je pense que la reconnexion est entre nous trois. Pour ce qui est de la reconnexion avec la communauté, même si nous sommes d’ici, nous n’avons pas grandi ici, alors nous sommes des étrangères », dit Sariah.

Un sentiment partagé par Lew Jobs, un collaborateur de la Sixty Scoop Indigenous Society of B.C.

Survivant lui aussi de la rafle, il a également vécu ce rejet en retournant dans sa communauté de Tuktoyaktuk, aux T.N.-O.

« Je pense […] qu’il y a une idée fausse que nous voulons tirer quelque chose [d’eux] quand on revient à la maison. Ce n’est pas le cas. Nous ne voulons que rencontrer [la communauté] », dit-il.

Ce rejet peut être difficile à vivre pour un survivant de la rafle qui a passé sa jeunesse à aller de famille en famille. On finit par ne pas avoir de sentiment d’appartenance nulle part, estime-t-il.

RavenSong espère développer un protocole pour accompagner les milliers de survivants de la rafle des années 60, afin d’éviter qu’ils ressentent ce sentiment de rejet de la part de leur communauté.

Elle ajoute qu’elle ne sait pas si elle reviendra un jour à Fort Providence, mais les trois sœurs sont unanimes que ce n’est pas un périple qu’elles sont prêtes à oublier.

« Une partie de mon âme et de mon identité sont ancrées ici. Et il n’y a pas moyen d’y échapper », conclut Sariah.

Avec les informations de Natalie Pressman

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