Une vague de chaleur record frappe le Nunavik

(Radio-Canada / Félix Lebel)
Les festivités de fin d’année au Nunavik, dans le Nord-du-Québec, sont assombries par une vague de chaleur record, au grand désarroi des Inuit. La glace tarde à se former sur les cours d’eau, ce qui limite l’accès au territoire. Il s’agit là d’un autre exemple de l’accélération des changements climatiques dans le nord du pays.
Le mercure a atteint 1 °C mardi avant-midi à Kuujjuaq, alors que la moyenne maximale un 31 décembre se situe à -19 °C. Cette météo, tout à fait inhabituelle, bat ainsi un record de chaleur qui date de 1979, établi à -1,1 °C.
Même constat à Kuujjuarapik, dans le sud-ouest du territoire, où la température excédait de 17 °C les normales saisonnières, avec 0 °C.
Le temps froid, généralement ensoleillé et sec à cette période de l’année a fait place à des nuages gris et à de l’humidité.

La rivière Koksoak, à Kuujjuaq, n’est pas encore gelée, ce qui est inhabituel pour cette période de l’année.
(Fournie par Kuujjuamiut Inc.)
« C’est le système qui apporte présentement des températures chaudes dans le sud du Québec et qui a causé plusieurs records de chaleur. Le même front chaud affecte tout le nord de la province », remarque la météorologue d’Environnement Canada Gina Ressler.
Plus au nord, à Salluit, la température est restée sous la barre du point de congélation, avec -8 °C. C’est toutefois bien au-dessus de la normale, qui oscille entre -22 et -30 °C en cette période de l’année.
Cette tendance au Nunavik devrait par ailleurs se poursuivre dans les prochains jours, ce qui inquiète certains résidents. Les grands froids de décembre et de janvier marquent généralement la période où la glace sur les rivières devient assez épaisse pour y circuler en motoneige, ce qui n’est pas le cas cette année.
À Kuujjuaq, la rivière Koksoak est encore libre de glace.
« Ce n’est pas normal par rapport à avant, c’est certain. À ce temps-ci de l’année, c’est généralement le début du gel le plus fort. C’est une triste tendance », souligne Allen Gordon, un résident de Kuujjuaq.
Les températures chaudes limitent l’accès au territoire pour les communautés inuit, qui dépendent de la glace épaisse pour y circuler de manière sécuritaire.
« Ça a un impact négatif pour tous les villages, qui n’ont pas accès au territoire traditionnel pour plein d’activités, comme la chasse aux phoques. Les gens ne peuvent pas aller dans les campements familiaux », se désole Allen Gordon.
La course Ivakkak affectée?
Les températures chaudes pourraient par ailleurs affecter la course de chiens de traîneau Ivakkak, prévue en février. La course doit passer cette année par les communautés de Kangiqsualujjuaq, de Kuujjuaq et de Tasiujaq. Ce parcours prévoit le passage sur plusieurs rivières, ce qui nécessite que la glace soit assez solide.
« L’an dernier, le parcours a dû être modifié par manque de glace. Nous allons observer les conditions de glace pour voir si nous devrons modifier le parcours », explique Andy Moorhouse, vice-président de Makivvik, qui dirige la course Ivakkak.
L’accumulation de neige et la chaleur ont aussi des conséquences pour les attelages de chiens de traîneau. La neige mouillée freine les fameux traîneaux « qamutiik » et affecte les chiens, qui préfèrent la neige dure et froide pour y courir librement.
Les records s’enchaînent
Ce n’est pas le premier record de chaleur à être fracassé dans la région au courant des dernières années, alors que les étés sont de plus en plus chauds et longs.
Le printemps de 2023 avait été l’un des plus hâtifs jamais recensé. Un record de 15 °C avait été enregistré le 24 avril 2023 à Kuujjuaq, ce qui avait perturbé la saison de chasse aux oiseaux migrateurs.
Il y a quelques décennies à peine, il était commun que les gens circulent en motoneige sur la rivière jusqu’à la fin du mois de mai.
En 2023, le 4 juillet, un autre record de chaleur a été battu, alors que le mercure a atteint 34 °C à Kuujjuaq. La communauté a été momentanément l’endroit le plus chaud au pays.
Cette succession de records de chaleur est une autre démonstration de l’effet des changements climatiques dans la région. Des études ont montré que l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la planète, et le Nunavik n’est pas en reste.
Il est fort probable que cette tendance se poursuivra dans la région, affectant au passage les communautés inuit, dont le mode de vie s’en trouve menacé.
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