Aukkauti : une histoire fondatrice du Nunavik présentée sur scène

La foule regarde la scène.
Des centaines de personnes ont assisté à la première de la pièce le 24 mars dernier. (Photo : Radio-Canada/Félix Lebel)

Après plusieurs années de travail de mise en scène et de recherche, la compagnie de théâtre inuit du Nunavik Aaqsiiq a présenté pour la première fois la pièce Aukkauti, tirée d’une histoire majeure dans l’imaginaire collectif des Inuit du Grand-Nord québécois.

C’est à l’ouverture du Festival des neiges de Puvirnituq que la pièce a été présentée en grande première, le 24 mars dernier.

Des centaines de résidents de la communauté, de tous les âges, se sont déplacés pour assister à la représentation, entièrement en inuktitut.

Les gens saluent la foule.
Les acteurs ont eu droit à des applaudissements nourris de la part des spectateurs de Puvirnituq. (Photo : Radio-Canada/Félix Lebel)

La brochette d’acteurs issus de la région a eu droit à un accueil très positif du public, qui s’est levé pour applaudir leur travail.

Une histoire majeure

L’œuvre mise en scène par la troupe d’Aaqsiiq est bien connue des Nunavimmiut. Elle est issue d’une histoire vraie, ancrée dans la tradition orale de la région.

La pièce relate l’histoire d’un homme, nommé Aukkauti, dont la femme et les enfants ont été assassinés par un de ses amis, en 1899, sur la côte de la baie d’Hudson.

Un homme fait une danse sur la scène.
Des ombrages et des projections ont été utilisés parmi les éléments de décors de la pièce. (Photo : Radio-Canada/Félix Lebel)

Fou de rage, l’homme a perdu la raison et s’est lancé dans une série de meurtres gratuits à travers la toundra du Nunavik. Des familles ont été assassinées, d’autres ont pu prendre la fuite, dans la crainte de rencontrer un jour le terrible Aukkauti.

Cette série de drames aurait contribué à la migration de nombreuses familles à travers tout le Nunavik, de la baie d’Hudson jusqu’à la baie d’Ungava.

Ils avaient peur! Ils sont partis tellement rapidement qu’ils n’étaient pas toujours bien préparés. Marcher de Kuujjuarapik jusqu’à Kuujjuaq, par exemple, à travers la péninsule du Nunavik, ça peut prendre un mois. Certains sont morts de faim, explique Lisa Koperqualuk, l’une des autrices principales de la pièce.

Ces mouvements migratoires ont contribué à ce que cette histoire s’inscrive dans la tradition orale de toute la région.

Bien que cette histoire soit connue de plusieurs, il était difficile pour les auteurs de la pièce de remonter précisément tout le fil des événements.

Avec l’histoire d’Aukkauti, ce qu’on entendait à propos de l’événement, ce sont des morceaux de ce qui s’était passé. Je ne savais pas exactement où ça s’était passé, à quel moment, et qui étaient les descendants d’Aukkauti. […] Il manquait des détails, ajoute Lisa Koperqualuk.

Portrait de Lisa Koperqualuk.
Lisa Koperqualuk avait entendu parler de cette histoire depuis l’enfance, mais son travail de recherche lui a permis de mieux connaître ce qui s’est réellement passé. (Photo : Radio-Canada/Félix Lebel)

Avec ses collègues auteurs, dont Daniel Gadbois et Adamie Kalingo, elle a entrepris un vaste travail de documentation et de recherche pour représenter le plus fidèlement possible ce qui s’était réellement passé.

Ça a pris beaucoup de temps pour relire les archives. On a aussi écouté un enregistrement d’aînés qui racontaient cette histoire. On a entendu plusieurs versions, plusieurs perspectives, explique Daniel Gadbois, qui joue par ailleurs le rôle d’Aukkauti dans la pièce.

Le souci du détail était au cœur de la démarche, afin de préserver toute la valeur historique de l’œuvre.

Tout ce que les témoins de ces événements disaient avait été exactement répété à travers les générations. En montrant la pièce, on voulait s’assurer que les choses soient dites comme elles ont été racontées, souligne Lisa Koperqualuk.

L’histoire a finalement été adaptée et raccourcie pour en faire une pièce de théâtre cohérente, mais les principaux éléments narratifs ont été préservés.

Préserver la langue

Le fait de présenter la pièce entièrement en inuktitut n’est pas un choix anodin, mais s’inscrit dans une démarche de valorisation de la langue.

Un coauteur de la pièce, Adamie Kalingo, se souvient très bien de l’époque de son enfance où l’école lui interdisait de parler sa langue maternelle, à coups de règles de bois.

Être en mesure de présenter Aukkauti, avec des acteurs issus de la région, c’est donc pour lui une forme de victoire, dont il est très fier.

La pièce aura un bon impact parce que ça suscite de la fierté. Ça va nous aider à garder cet héritage. Je suis très heureux et très fier de voir que nous avons aussi bien réussi, souligne Adamie Kalingo, qui est aussi le maire de la communauté d’Ivujivik.

Un portrait de l'homme.
Adamie Kalingo est fier d’avoir contribué à la pièce, qui permet aux plus jeunes générations de se réapproprier cette histoire. (Photo : Radio-Canada/Félix Lebel)

Ce dernier espère par ailleurs que le théâtre puisse devenir une forme d’art plus courante dans la valorisation de l’inuktitut dans la région, notamment auprès des plus jeunes.

Un point de vue que partage Lisa Koperqualuk.

Écrire des pièces en inuktitut, ça va devenir de plus en plus important, pour bien utiliser, et pas seulement préserver notre langue. Il faut la mettre en pratique. Je veux que notre langue soit réellement vivante, ajoute l’auteure.

La pièce Aukkauti serait donc un des premiers jalons de cette nouvelle forme de valorisation linguistique dans la région. Il est fort à parier que cette première représentation réussie de la pièce donnera les ailes nécessaires à la compagnie de théâtre Aaqsiiq pour poursuivre sa mission en ce sens.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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