Ces étranges cargaisons à destination du Yukon

Quand les Yukonnais prennent l’avion, il leur arrive d’emporter avec eux d’étranges bagages. Dans ce petit florilège de ces cargaisons incongrues, les passagers d’Air North montrent comment faire durer les plaisirs d’un séjour après son retour.
Chicken Baby a pris l’avion trois fois pendant les six années de son existence. C’était une petite poule, aux plumes soyeuses, qui ressemblait à une dépoussiéreuse avec un bec et des pattes.
Les poules ne sont pas connues pour leur capacité à voler, mais Chicken Baby a si souvent pris son envol dans les avions d’Air North que la compagnie lui a délivré un passeport.

Quelles sont les chances pour qu’on vous dise un jour : « Voulez-vous un passeport pour votre poulet? »lance en riant Megan Cai, sa propriétaire qui vit à Atlin en Colombie-Britannique.
Les vols d’Air North ont vu défiler des passagers embarquant avec eux des centaines de Big Macs, des jarres vides de beurre de cacahuètes, du bois flotté et des algues de l’île de Vancouver, ou encore des sacs remplis de maïs.
Oviana Wang est responsable des services aux passagers pour Air North. Elle explique que la compagnie aérienne s’adapte en raison de l’isolement du territoire du Yukon.
C’est très pratique d’avoir un moyen de transport régulier. Cela permet de ne pas se sentir coupé du reste du pays.
En réponse à sa demande de témoignage, CBC/Radio-Canada a reçu presque 200 réponses relatant plus de 124 histoires de voyage, allant de serpents des blés albinos à des jarres d’huile d’olive en passant par des jardinières de lilas.
Les anecdotes peuvent se répartir entre cinq catégories distinctes : animaux de compagnie, nourritures, maïs et objets divers.
Rouleaux de printemps
Pour certaines personnes, les denrées qu’ils désiraient rapporter étaient à la limite de faire exploser leurs bagages.
Dans une solide valise achetée pour l’occasion, Valerie Atkins a emporté 48 rouleaux de printemps congelés et 500 millilitres de sauce aux prunes du restaurant Golden Palace à Ottawa. Le tout était emballé dans du papier, de la cellophane, du papier bulle et des sacs de congélation!
Je n’ai jamais trouvé d’aussi bons rouleaux de printemps ailleurs, et certainement pas au Yukon.Ils ont pile la bonne taille, dit-elle.
Pour Valerie Atkins, ce goût lui rappelle son foyer, à Ottawa. Elle pense déjà à la façon de faire venir son prochain ravitaillement dans le Nord.
Même si le nombre de Canadiens qui quittent le Yukon est plus élevé que le nombre de personnes qui s’y installent, les nouveaux arrivants viennent le plus souvent des provinces du Sud. Ils cherchent en général un rythme de vie différent.
Pour eux, la nostalgie du foyer passe par des sacs remplis d’épis de maïs, la soupe d’un restaurant de Vancouver ou encore plusieurs litres de sirop d’érable.
Désir de malbouffe
D’autres histoires décrivent un Yukon très différent. Un Yukon où il n’est pas facile de se procurer certaines denrées de luxe comme dans le Sud. Pour beaucoup de personnes, ces denrées sont, principalement, des produits de restauration rapide.
De nombreux commentaires racontent les sacs remplis de hamburgers, de poulet frit ou de pots de crème glacée de Dairy Queen. L’absence de cette marque sur le territoire entre 2007 et 2022 semble avoir beaucoup marqué les Yukonnais.
Oviana Wang raconte que tous les vols à destination d’Old Crow emportent leur lot de produits de Poulet frit Kentucky. C’est assez compréhensible étant donné qu’ils n’ont pas ces restaurants là-bas.
Petit, mais costaud
Certaines histoires sont plus touchantes que drôles.
Nataschaa Chatterton vit à Haines Junction. Air North a transporté une armature pour les hanches de sa vache, Tory, ce qui lui a sauvé la vie. Après avoir donné naissance à son veau, le bovin ne pouvait plus marcher.

Nataschaa cherchait un moyen de sauver la vie de Tory quand elle a trouvé cette armature. C’est un appareil rudimentaire, mais nous savions que le temps était compté et qu’il était impossible de le trouver au Yukon.
Air North a été en mesure de la livrer en moins de 24 heures.
Ça tombait vraiment à pic, dit-elle. Grâce à cette armature, Tory a pu guérir et se déplace maintenant sans encombre.
L’histoire de l’animal de Nataschaa et des gens qui l’ont aidé montre simplement pourquoi le Yukon est un lieu extraordinaire où vivre, et pourquoi des personnes qui étaient de passage pendant un mois finissent par s’y installer pour le reste de leur vie
, souligne la propriétaire du bovidé.
Elle-même ne pensait passer qu’une année au Yukon quand elle y est arrivée. C’était il y a 17 ans.
Avec les informations d’Isabel Ruitenbeek
À lire aussi : |