François, premier pape à avoir offert des excuses officielles aux Autochtones

Le pape embrasse la main d'une femme.
Le pape François a présenté ses excuses pour les pensionnats Vatican et ensuite au Canada. (Photo d’archives : Reuters/Guglielmo Mangiapane)

Contrairement à ses deux prédécesseurs, qui s’étaient contentés de paroles de soutien ou de regrets, François restera dans l’histoire comme le premier pape à avoir présenté des excuses officielles aux peuples autochtones pour les traitements qu’ils ont subis dans les pensionnats. Mais il aurait pu aller encore plus loin, selon plusieurs observateurs.

Ces excuses papales ont été prononcées une première fois au Vatican, en 2021, devant une délégation autochtone menée par Phil Fontaine, ancien chef national de l’Assemblée des Premières Nations, qui militait en ce sens depuis environ 30 ans.

Le pape se recueille devant les tombes d'un cimetière.
Le pape François a prié, en silence, devant les tombes du cimetière de Maskwacis, en Alberta, à l’occasion de sa rencontre avec la communauté autochtone, où il a visité le site de l’ancien pensionnat Ermineskin. (Photo : Reuters/Guglielmo Mangiapane)

Grâce à vos voix, j’ai pu toucher et porter en moi, avec une grande tristesse dans le cœur, les histoires de souffrance, de privations, de traitements discriminatoires et de différentes formes d’abus subis par nombre d’entre vous, en particulier dans les pensionnats [pour] Autochtones […] Tout cela a suscité en moi deux sentiments : l’indignation et la honte, avait déclaré le pape François le 1er avril 2022, avant d’offrir ses excuses.

Au nom de sa délégation, Phil Fontaine avait demandé au pape de venir répéter ses excuses en personne au Canada.

Cela s’est concrétisé en juillet 2022, lors d’une visite papale de six jours sur l’île de la Tortue.

Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones, a déclaré le souverain pontife à Maskwacis, en Alberta. Il a par la suite répété ces excuses à Edmonton, à Québec et à Iqaluit.

Ce voyage historique a ouvert un nouveau chapitre de guérison, a souligné la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) dans un communiqué lundi.

Si plusieurs ont souligné que ces paroles avaient été un baume sur leurs blessures et une étape nécessaire vers la réconciliation, d’autres ont remarqué que le pape François a attendu la toute fin de son voyage, dans l’avion de retour vers Rome, pour qualifier de « génocide » l’expérience des pensionnats pour Autochtones.

Nous avons reçu les excuses chacun à notre manière en tant qu’individus. Et nous décidons en tant qu’individus si nous voulons pardonner, avait déclaré dans la foulée M. Fontaine, qui avait témoigné de son douloureux vécu dans un pensionnat pour Autochtones du Manitoba.

Phil Fontaine se tient debout devant son foyer, dans son domicile de Calgary.
L’ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations Phil Fontaine. (Photo d’archives : Rebecca Kelly/CBC)

Par ailleurs, les mots d’excuse du pape visaient de nombreux chrétiens et non pas l’Église catholique au complet. Au 15e siècle, celle-ci avait édicté la doctrine de la découverte ayant permis aux colons d’assujettir les Autochtones et de saisir leurs terres.

La militante et professeure Cindy Blackstock fait partie des personnes autochtones ayant souligné qu’elles jugeraient le Vatican sur ses actes plutôt que sur ses paroles.

Ces excuses ne doivent pas être jugées sur la base des mots ‘’je suis désolé’’, mais plutôt sur les actions qui seront par la suite engendrées, affirme Cindy Blackstock en 2022.

Des avancées, mais…

Dans les mois qui ont suivi la visite papale, plusieurs actions ont été menées. En mars 2023, l’Église catholique a répudié la « doctrine de la découverte ».

Deux manifestants autochtones tiennent une banderole devant l'autel de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré.
Une banderole appelait à mettre fin à la doctrine de la découverte, en début de messe célébrée par le pape François, à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré en 2022. (Photo d’archives : Reuters/Guglielmo Mangiapane)

Dans un communiqué, le Vatican a ainsi déclaré que les bulles papales utilisées comme base de la doctrine n’ont pas reflété de manière adéquate l’égalité de dignité et de droits des peuples autochtones et n’ont jamais été considérées comme des expressions de la foi catholique.

Selon le document, ces bulles ont été manipulées à des fins politiques par les puissances coloniales pour justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples autochtones, actes qui ont parfois été commis sans opposition de la part des autorités ecclésiales.

Par ailleurs, plusieurs congrégations religieuses, mais pas toutes, ont travaillé à faciliter l’accès à leurs archives portant sur les pensionnats. Toutefois, les réponses aux questions des réparations financières ou du rapatriement d’artefacts restent encore souvent superficielles.

La cheffe Woodhouse Nepinak demeure cependant optimiste.

Grâce au travail entamé par le pape François, nous sommes maintenant engagés dans des discussions productives pour rapatrier des objets sacrés pour les Premières Nations. J’espère que nous pourrons continuer d’avancer sur le chemin établi par Sa Sainteté.

En outre, et malgré les demandes répétées d’organisations inuit et du premier ministre Trudeau, les autorités de Rome ont toujours refusé de répudier le père Joannes Rivoire. Avant qu’il décède en avril 2024, ce dernier s’était réfugié à Lyon pour éviter les poursuites. Il était soupçonné d’avoir abusé sexuellement d’enfants inuit au Nunavut dans les années 1970.

Une pensée pour les Autochtones dès ses débuts

Né en Argentine en 1936 Jorge Mario Bergoglio, de son vrai nom, il a choisi de se faire appeler pape François en référence à saint François d’Assise, le saint des pauvres. François est le nom de la paix, et c’est ainsi que ce nom est venu dans mon cœur, avait-il déclaré quand il est devenu pape en mars 2013.

Le pape salue des Autochtones chiliens.
Le pape François a salué des représentants du peuple mapuche. (Photo d’archives : Reuters/Alessandro Bianchi)

Dès le début de son pontificat, François avait souligné l’importance de défendre les droits des peuples autochtones et leur culture partout sur la planète. Dans son encyclique sur l’écologie humaine diffusée en mai 2015, il souligne l’importance des peuples autochtones, partout sur la planète, qui ont développé un trésor culturel en étant liés à la nature.

Que ce soit en 2018, devant les Mapuches du Chili qui se battent pour récupérer leurs terres ancestrales, ou avec les peuples autochtones d’Amazonie en 2020, le souverain pontife n’a eu de cesse de dénoncer la colonisation post-moderne  qui tend à homogénéiser les cultures .

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