Dans le Nord canadien, les excuses du pape sont un premier pas
Les réactions sont nombreuses après les excuses papales formulées lundi, à Maskwacis, en Alberta. Pour des leaders du Nord canadien, même s’il s’agit d’un premier pas, il ne faut pas s’arrêter là.
Le pape François a commencé son « pèlerinage de pénitence » au Canada avec un premier arrêt en Alberta, lors duquel il a présenté des excuses longtemps attendues par les Autochtones du Canada.
Le chef national déné, Gerald Antoine, également chef régional de l’Assemblée des Premières Nations, dit ressentir quelque chose de positif après le discours du souverain pontife, même s’il en attend plus.
Pour lui, qui a assisté à l’événement et qui était le chef de la délégation s’étant rendue à Rome au printemps, il était important que le chef de l’Église catholique reconnaisse les traumatismes vécus par les peuples autochtones et toutes les difficultés qui en ont découlé.
Natan Obed, qui se trouvait aussi à Maskwacis lundi et à Rome en avril, estime que les excuses faites au Canada étaient plus « nuancées » que celles qu’il a entendues au Vatican.
Le président de l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami qualifie ces excuses de « sincères ».
Natan Obed, dont le père a fréquenté un pensionnat pour Autochtones, affirme que cette expérience a eu des conséquences sur son enfance et sur sa compréhension du monde, mais qu’elle donne un sentiment de communauté entre les survivants des pensionnats et les survivants des générations suivantes.
« Cela me donne du pouvoir de savoir que je suis avec un groupe de personnes qui peut comprendre ce que j’ai vécu. Cela donne le sentiment d’être plus fort pour avancer sur les choses qui ont besoin de se réaliser. »
Nommer les abus sexuels
Natan Obed aimerait que les personnes « responsables d’abus sexuels sur les enfants dans les pensionnats » soient traduites en justice.
Aluki Kotierk, la présidente de Nunavut Tunngavik Incorporated, qui a aussi fait le déplacement en Alberta, regrette pour sa part que le pape n’ait pas parlé plus explicitement des abus sexuels qui ont été commis.
« Je pense qu’il était important qu’il reconnaisse cela et je ne l’ai pas entendu. Donc, je pense qu’il s’agissait d’un vide, mais j’ai entendu qu’il demandait pardon. »
Pour Aluki Kotierk, le fait que le souverain pontife a formulé ses excuses publiquement au Canada est quelque chose de très positif, car cela « sensibilise les autres Canadiens à ce que les peuples autochtones ont vécu ».
« Sa présence m’a vraiment marquée, car il était très sombre », note pour sa part Susan Enge, de Fort Smith, aux Territoires du Nord-Ouest, qui a assisté aux excuses dans la foule.
Beaucoup d’émotions
Susan Enge a trouvé que son message était réconfortant et rassurant.
« J’ai été émotive pendant un moment, parce que le souvenir de ma mère m’est revenu en mémoire », poursuit-elle. Cependant, malgré la satisfaction d’entendre ces excuses attendues depuis si longtemps, elle ressent comme bien d’autres encore de la colère et de l’amertume.
Victor Marie, un aîné de Fort Smith, avoue ne pas vraiment savoir pourquoi il est allé à Maskwacis, mais que le fait d’avoir assisté à l’événement et de s’être retrouvé parmi la foule lui a procuré une certaine émotion.
Après sa venue en Alberta, le pape François se rendra à Québec mercredi et sera à Iqaluit le 29 juillet.
Dans la capitale nunavummiut, où son passage ne durera que trois heures, Natan Obed espère que le souverain pontife réitérera ses excuses.
Aluki Kotierk, de son côté, a hâte que les Inuit puissent montrer à quel point leur culture continue de prospérer.
« Je suis également très heureuse que nous puissions avoir une réunion plus intime, de survivants inuit, qui pourront livrer quelques messages clés sur leurs propres expériences et sur la façon dont les pensionnats, les pensionnats catholiques, ont eu un impact énorme sur nos communautés », conclut-elle.
Avec les informations de Lawrence Nayally et Luke Carroll