Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de vieux avions

Chaque matin, des voyageurs et des marchandises décollent de l’aéroport international Montréal-Trudeau pour un vol de 1600 kilomètres à destination de Puvirnituq, dans le nord du Québec, à bord d’un avion d’Air Inuit vieux de près de 50 ans.
Ce Boeing 737 a déjà sillonné le ciel de l’Europe et de l’Afrique centrale pour des compagnies aériennes aujourd’hui disparues. Mais ses vols sont désormais entièrement canadiens, transportant des passagers, de la nourriture et des matériaux de construction vers le village de 2100 habitants.
Cet avion vieillissant n’est pas un cas isolé au Canada, qui compte plus de vieux avions à réaction pour le transport de passagers que tout autre pays.
Treize des 30 plus anciens avions à réaction du monde transportant des voyageurs sont en service au Canada, selon les chiffres de ch-aviation, un fournisseur de données sectorielles. Les 13 appareils sont des Boeing 737-200 âgés de 42 à 52 ans.
Le Venezuela arrive en deuxième position, avec six avions dans le top 30. Les États-Unis en comptent trois.
Des avions adaptés au Nord canadien
Paradoxalement, l’immensité géographique du Canada, ses conditions climatiques et ses pistes d’atterrissage accidentées expliquent pourquoi il y a autant de vieux avions au pays.
Si Air Inuit continue d’exploiter la série 200, ce n’est pas par choix, mais par obligation, explique Christian Busch, PDG d’Air Inuit, dont la flotte de 36 avions. Trois d’entre eux, tous parmi les 30 plus anciens au monde, transportent les passagers à l’arrière et le fret à l’avant.
La raison principale réside dans l’absence de pistes sur surface dure.
Nous utilisons encore des avions sur des pistes en gravier, et le 737-200 est le seul avion autorisé à atterrir sur du gravier à ce jour, précise-t-il. L’imposant Boeing, entré en service en 1968 et dont la production a cessé 20 ans plus tard, a été conçu pour être équipé d’un kit de gravier.
Cette modification comprend un déflecteur sur la roue avant qui protège le ventre de l’avion des fragments de roches volantes. Il souffle également de l’air comprimé devant chaque moteur pour empêcher les débris de pénétrer dans les turbosoufflantes, qui pourraient être endommagées et s’arrêter.
Des 117 aéroports nordiques éloignés
du Canada, sept ont des pistes asphaltées, selon un rapport de 2017 du vérificateur général sur l’infrastructure de l’aviation dans le Nord.
Environ la moitié des vols de Nolinor Aviation atterrissent sur une demi-douzaine de mines isolées, transportant travailleurs, provisions et fournitures par 737-200.

Les minières évitent de paver les pistes, parce que l’asphalte et le béton sont plus difficiles à réhabiliter après la fermeture du site. De plus, dans les régions nordiques, le pergélisol peut fondre en été, créant des fissures ou de larges ondulations sur la piste.
Si vous pavez la piste, au bout d’un an, il faudra tout recommencer, a affirmé Marco Prud’homme, président de la compagnie aérienne Nolinor Aviation.
Sécuritaires, mais coûteux
Les vieux avions consomment plus de carburant et entraînent des problèmes de maintenance plus importants. Ce n’est pas aussi simple que d’entretenir des avions neufs ou modernes
, ajoute M. Busch.
Trouver des pièces pour remplacer une serrure de toilettes cassée peut être plus difficile que de changer un démarreur, ajoute-t-il.
M. Prud’homme affirme cependant que les composants sont moins chers que les pièces des avions plus récents.
Si voler à bord d’un avion grinçant des années 1970 peut inquiéter des passagers, il existe peu de preuves de problèmes de sécurité.
Selon une étude de 2014 du Centre international pour le transport aérien du Massachusetts Institute of Technology a révélé, il n’y a aucun lien entre l’âge des avions et les taux d’accidents mortels en Amérique du Nord et en Europe.
Un entretien adéquat est bien plus important que la date de fabrication, a déclaré Pierre Clément, directeur de l’aviation à la mine Raglan de Glencore Canada, située au Nunavik.
Glencore, dont les deux 737-200 de 46 ans figurent parmi les 15 plus anciens avions de passagers du monde, emmène un mécanicien à chaque voyage et dispose de nombreuses pièces de rechange, a précisé M. Clément.
Pour éviter les réparations imprévues, l’entreprise prend des mesures de précaution, comme changer les pneus après un moins grand nombre d’atterrissages que la plupart des transporteurs. Nous savons que, si un avion tombe en panne à la mine, sa réparation sur place sera très coûteuse.
Le gouvernement du Québec a annoncé l’an dernier qu’il consacrerait jusqu’à 50 millions $ au traitement de la piste en gravier de Puvirnituq avec un produit qui la rendra plus dure.
Nous travaillons avec Transports Canada pour pouvoir faire voler un avion moderne sur un nouveau type de surface, déclare M. Busch. Il espère obtenir le feu vert pour que de nouveaux avions puissent décoller dès l’année prochaine.
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