De longs retards pour évacuer une femme du Nunavik ont contribué à son décès

Un petit avion sur le tarmac
Il a fallu attendre près de six heures pour que la patiente soit évacuée par avion de son village. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

À la suite du décès d’une résidente de Salluit en 2022, dont l’évacuation médicale avait été longuement retardée, la coroner Julie-Kim Godin recommande que le ministère de la Santé du Québec améliore les services d’évacuations médicales aériennes dans les communautés éloignées.

La femme de 61 ans s’est présentée le 11 août 2022 au dispensaire de Salluit, à l’extrémité nord du Nunavik.

Elle présentait une toux et crachait du sang, ce qui inquiétait ses proches. Moins de deux heures après son arrivée, un médecin du Centre de santé Inuulitsivik (CSI) a demandé un transfert aérien vers l’Hôpital de Puvirnituq.

Il aura fallu attendre près de six heures pour que cette résidente y soit effectivement transportée en avion-ambulance. Durant le vol, l’état de cette dernière s’est détérioré et elle est tombée en arrêt cardio-respiratoire. Son décès a été constaté à l’Hôpital de Puvirnituq une heure plus tard.

Vue de l'extérieur d'un immeuble, l'hiver
Les dispensaires dans les communautés éloignées, comme celui de Salluit, fournissent des soins de base et reçoivent le soutien des centres de santé régionaux plus importants, à Puvirnituq et Kuujjuaq. (Photo d’archives/Cyril Gabreau)

Bien que son décès soit attribuable à des causes naturelles, la coroner Julie-Kim Godin affirme que la patiente n’a pas été « traitée en temps utile ».

Le mauvais temps, qui est très courant dans la région, peut parfois expliquer les retards dans le transfert des patients par avion, mais pas dans ce cas-ci, ajoute la coroner.

Des problèmes d’organisation des services, de priorisation des demandes de même que des disponibilités des ressources humaines et matérielles ont contribué au retard important du transfert, souligne la coroner dans son rapport.

La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) dit avoir pris acte des conclusions du rapport et qu’elle reconnaît l’importance cruciale des évacuations médicales rapides et efficaces.

Des discussions régulières et continues ont lieu avec nos partenaires, notamment Air Inuit, pour améliorer la coordination et minimiser les délais. Notre priorité demeure la sécurité et le bien-être des patients, et nous nous engageons à collaborer avec toutes les parties prenantes pour optimiser les services d’évacuation médicale, a déclaré la RRSSSN par courriel.

Une affiche de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik sur un immeuble
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La coroner Godin recommande donc à Québec d’assurer la disponibilité d’effectifs qualifiés et des moyens de transport en nombre suffisant, pour accélérer les transferts médicaux dans les communautés autochtones de la province.

Les évacuations médicales entre les villages du Nunavik sont toutefois effectuées par des avions d’Air Inuit, qui sont nolisés par les deux centres de santé de la région.

La coroner recommande aussi de mettre en place, dans un délai de six mois, une centrale d’appels destinée au transport aérien médical. Celle-ci pourrait gérer et prioriser uniformément l’ensemble des demandes de transferts médicaux, partout au Québec.

Ces recommandations et ce rapport ont été publiés conjointement à un second rapport du coroner, à la suite du décès d’un homme de 28 ans, à Val-d’Or, le 4 janvier dernier.

L’homme est lui aussi mort en raison de retards importants durant son transfert, à la suite de l’indisponibilité des appareils du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dans ce cas-ci, la coroner Francine Danais a, entre autres, recommandé à Québec de mettre à jour sa flotte d’avions d’évacuation médicale.

Inquiétudes d’un syndicat

Ce constat rappelle les inquiétudes soulevées cette semaine par le Syndicat nordique des infirmières et des infirmiers de la baie d’Hudson (SNIIBH).

Ce dernier s’inquiète du préavis de trois heures que doivent donner les équipes médicales avant une évacuation aérienne, le soir et la nuit, dans les dispensaires de la baie d’Hudson. Il s’agit d’une mesure imposée par l’Administration régionale Kativik en raison des travaux de réfection à l’aéroport de Puvirnituq.

Cela peut vraiment faire toute la différence entre la survie ou la mort d’un patient, ces trois heures s’ajoutent déjà au délai habituel de la prise en charge. […] Nous trouvons déplorable que les décisions d’une telle ampleur puissent affecter la sécurité de la population de la baie d’Hudson et les professionnelles en soins que nous représentons, dénonce le syndicat.

Le SNIIBH estime que des solutions de rechange auraient dû être prises, comme la prise en charge des évacuations médicales par l’Hôpital de Kuujjuaq, ou d’Iqaluit.

La RRSSSN assure qu’il a pris des arrangements pour permettre le maintien des évacuations médicales la nuit et que ces trois heures d’avis sont nécessaires en raison de l’ampleur des travaux à l’aéroport.

La RRSSSN souhaiterait par ailleurs que les autorités aéroportuaires construisent une piste secondaire pour les avions d’évacuation médicale à Puvirnituq.

Les délais de préavis seraient complètement évités s’il y avait une piste d’atterrissage de rechange, comme il y en a une à Kuujjuaq. Nous souhaitons pouvoir utiliser une telle piste d’atterrissage pour que les évacuations ne soient aucunement touchées durant les prochaines phases des travaux, ajoute la RRSSSN par courriel.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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