L’âge légal pour l’achat d’alcool devrait-il être uniformisé au Canada?

Un texte de Maude Gagnon
Alors que certaines provinces concluent des ententes concernant le commerce de l’alcool, est-il temps de discuter de la disparité des âges légaux pour l’achat d’alcool à travers le Canada?
C’est la question que pose Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, dans une lettre publiée dans différents journaux.
Avec la guerre tarifaire, les discussions politiques au Canada ont porté sur les grandes priorités économiques
, explique-t-il.
Pourtant, un problème persistant mérite d’être abordé : notre mosaïque d’âges légaux pour l’achat d’alcool.
Au sein du G20, le Canada est le seul pays, autre que l’Inde, à avoir plusieurs âges légaux pour l’achat d’alcool, dit Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie. Et dans la moitié de ces pays, c’est 18 ans.
Pour Sylvain Charlebois, cette disparité est un cauchemar
pour l’industrie de l’alcool puisque les règlements varient d’une province à l’autre.
Cette incohérence est un frein subtil, mais réel, à notre économie. Les coûts grimpent et les ventes interprovinciales ralentissent, dit-il.
Cependant, Bryce Barker, courtier principal du savoir au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), n’est pas d’accord.
On a tendance à penser que plus on facilite la vente d’alcool, plus on en vend et mieux c’est pour l’économie. Or, ce n’est pas le cas, explique-t-il.
Selon lui, les revenus tirés de la vente d’alcool ne suffisent pas à couvrir les autres coûts associés à sa consommation, comme les accidents de la route, les frais de santé et les frais de justice pénale.
Tout ce que nous faisons pour aider l’industrie de l’alcool à vendre plus d’alcool nuit davantage à l’économie canadienne, dit Bryce Barker, courtier principal du savoir au CCDUS.
Sylvain Charlebois pense qu’une norme nationale pourrait au contraire renforcer les messages de santé publique
.
Quel est le bon âge?
Pour Dan Malleck, professeur en sciences de la santé et directeur du Centre d’études canadiennes de l’Université Brock, l’uniformisation est une suggestion raisonnable
.
Cependant, le défi serait de décider quel est l’âge adéquat.
Selon Bryce Barker, d’un point de vue de santé publique, la meilleure solution serait de porter l’âge légal pour l’achat d’alcool à 19 ans dans tout le pays.
Des recherches sont menées au Canada sur l’augmentation de l’âge légal minimum à 19 ans et les effets associés. Ce changement permettrait de sauver la vie de jeunes de 17 et 18 ans chaque année.
Abaisser l’âge légal à 18 ans viendrait aussi à l’encontre de ce que nous essayons de faire, c’est-à-dire encourager les gens à boire moins
.
Dan Malleck, quant à lui, pense qu’un changement d’un an ne ferait pas une grande différence.
L’âge légal pour voter, pour prendre une des décisions les plus importantes dans une démocratie, est 18 ans, dit Dan Malleck, directeur du Centre d’études canadiennes de l’Université Brock. Pourquoi alors ne pas leur faire confiance pour prendre des décisions concernant l’alcool?
Les jeunes qui boivent à 19 ans boivent probablement à 18 ans. En réduisant l’âge à 18 ans, commenceront-ils à boire à 17 ans? Je ne sais pas à quel point cette inquiétude est légitime.
Elle n’est pas non plus représentative des tendances actuelles.
Nous avons constaté une baisse constante et significative de la consommation d’alcool chez les jeunes, affirme Dan Malleck, directeur du Centre d’études canadiennes de l’Université Brock. Donc, l’idée selon laquelle une réduction de l’âge légal d’achat entraînerait une augmentation de la consommation n’est pas corroborée par le contexte actuel.
Bryce Barker attribue ce changement aux campagnes de sensibilisation voulant qu’en matière d’alcool, moins, c’est mieux
.
Par contre, les jeunes ont aussi tendance à boire de grandes quantités d’alcool à l’occasion, plutôt que de petites quantités régulièrement.
Ils sont alors plus à risque d’avoir des accidents et d’être impliqués dans des actes de violence. Faciliter l’accès à l’alcool pour la démographie qui a tendance à boire plus n’est donc pas la décision la plus sage, explique-t-il.
Attention aux suppositions entourant l’alcool
Même si ces trois experts s’accordent pour dire qu’il vaut la peine de discuter de cet enjeu, Dan Malleck ajoute que celui-ci peut être chargé de suppositions sur l’utilisation de l’alcool et sur ce qui peut se passer en état d’ivresse
.
Nous passons de discussions sur la consommation modérée d’alcool à des discussions sur l’alcoolisme, la conduite en état d’ivresse et les actes de violence.
Nous allons dans les pires extrêmes comme moyen d’argumenter contre tout changement, affirme Dan Malleck, directeur du Centre d’études canadiennes de l’Université Brock.
Selon lui, il faut dépasser cette façon de penser, puisque statistiquement, la plupart des gens sont des buveurs modérés
.
Avec des informations de l’émission Phare Ouest
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