Un cabinet d’avocats inuit cherche à éliminer les obstacles du système de justice

Les visages de deux femmes et un homme sont juxtaposés dans un montage photo en triptyque.
L’avocat Curtis Mesher (au centre) a fondé la firme Tulugak Law à Iqaluit, au mois de janvier. Il y travaille avec les étudiantes en droit Hope Carpenter (à gauche) et Katelynne Adams (à droite). Photo : CBC Samuel Wat/fournie par Katelynne Adams

Un nouveau cabinet d’avocats a fait son apparition au Nunavut il y a quelques mois. La firme Tulugak Law, qui est entièrement inuit, cherche à rendre le système de justice plus adéquat sur le plan culturel en éliminant les barrières auxquelles font face des Inuit.

Le fondateur du cabinet, Curtis Mesher, rêvait depuis son plus jeune âge de devenir avocat. Alors qu’il était enfant, c’est en flânant dans la bibliothèque de la Société Makivvik, au Nunavik, où se trouvaient des livres de droit, qu’il a songé à cette carrière. Je me suis dit que ce serait un bon travail pour moi, se remémore-t-il.

Son rêve s’est concrétisé des années plus tard lorsqu’il est devenu avocat, puis lorsqu’il a mis sur pied la firme Tulugak Law, au mois de janvier.

Depuis, Curtis Mesher affirme avoir aidé des clients, pour la plupart inuit, dans des domaines allant du droit criminel au droit commercial et familial.

Un homme et une femme sont assis sur un canapé et consultent des documents sur un ordinateur portable et dans un livre de droit, à Iqaluit, au Nunavut, en juillet 2025.
L’avocat Curtis Mesher et l’étudiante en droit Hope Carpenter, au cabinet Tulugak Law, à Iqaluit. Photo : CBC

Deux avocates en devenir, Hope Carpenter et Katelynne Adams, lui donnent un coup de main.

Après plusieurs années d’expérience dans des organisations internationales, dont l’ONU, cette dernière s’est tournée vers le droit, qu’elle étudie actuellement à l’Université McGill, à Montréal.

De manière générale, le système de justice canadien n’est pas clément avec les Autochtones, soutient-elle.

Katelynne Adams craint que de nombreuses personnes renoncent à demander une aide juridique par peur et méfiance envers le système judiciaire. Parfois, le système judiciaire me fait peur aussi, et j’ai l’impression qu’il peut être froid, mais il compte pourtant des gens vraiment chaleureux, affirme-t-elle.

Deux femmes, dont la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, se tiennent debout l'une à côté de l'autre.
Katelynne Adams aux côtés de la gouverneure générale du Canada, Mary Simon. Photo : Photo fournie par Katelynne Adams

Originaire d’Iqaluit, Hope Carpenter estime quant à elle que la première étape pour les personnes qui travaillent dans le système judiciaire est de reconnaître les torts que leur travail peut causer.

Le système de justice du Nunavut dépend grandement d’avocats du Sud et il s’appuie sur du droit colonial, affirme l’étudiante en droit à l’Université de la Colombie-Britannique. On se demande comment cela peut être juste… Les concepts de droit et de caractère raisonnable dépendent vraiment du contexte dans lequel on évolue.

Étudier le droit dans le Sud pour le pratiquer dans le Nord

Hope Carpenter croit que l’absence de programmes de formation en droit dans l’Inuit Nunangat, qui regroupe les régions inuit au Canada, alimente une dépendance envers le sud du pays.

Je pense que j’ai dû faire plus de sacrifices que n’importe lequel de mes amis à la Faculté de droit pour pouvoir y étudier, dit-elle.

Le Collège de l’Arctique du Nunavut a offert un programme de droit à une cohorte d’une vingtaine d’étudiants de 2017 à 2021, en partenariat avec l’Université de la Saskatchewan, mais ne l’a pas reconduit par la suite.

La façade extérieure d'un bâtiment du Collège de l'Arctique du Nunavut, à Iqaluit, le 31 août 2022.
De 2017 à 2021, le Collège de l’Arctique du Nunavut a offert un programme de droit, grâce à un partenariat avec l’Université de la Saskatchewan. Le programme n’est toutefois plus offert au Nunavut. Photo : Radio-Canada / Matisse Harvey

ll faut que ce soit plus qu’une initiative ponctuelle, affirme Katelynne Adams. Pour qu’il y ait davantage d’avocats inuit, je pense qu’il faut faire un travail de revitalisation autour de nos pratiques et de nos connaissances juridiques, afin de réellement transformer le système de justice canadien ou de nous aider à exercer un nouveau type de compétences.

Traumatismes et accessibilité

Dans son rapport final, paru en 2019, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) a lancé 231 appels à la justice pour mettre fin à la violence envers les Autochtones.

Selon les estimations du gouvernement fédéral, il lui reste encore 105 mesures à entreprendre.

Katelynne Adams estime qu’il incombe également aux acteurs du système judiciaire de veiller à ce que ces appels à l’action soient mis en place.

De nombreuses familles, des survivantes et leurs proches ont travaillé très dur et ont raconté des histoires très difficiles, souligne-t-elle.

Curtis Mesher affirme que, dans les cas d’affaires criminelles, il existe un complexe équilibre entre la reconnaissance des traumatismes souvent vécus par les accusés et la garantie que les victimes se sentent vues et entendues.

Le Centre de justice du Nunavut, à Iqaluit. (Radio-Canada / Matisse Harvey)

En tant qu’avocat de la défense, il s’agit surtout de donner du contexte au juge [pour lui montrer] que les choses vont au-delà de ce qui existe sur papier dans le casier judiciaire, affirme Curtis Mesher, avocat et fondateur du cabinet Tulugak Law.

À ses yeux, l’accessibilité au système judiciaire est une autre difficulté. Certaines communautés peuvent attendre jusqu’à un an avant qu’une cour itinérante ne s’y rende, indique-t-il.

C’est pourquoi Curtis Mesher espère ouvrir des bureaux de Tulugak Law dans toutes les régions de l’Inuit Nunangat au cours de la prochaine décennie.

Avec les informations de Samuel Wat

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