Les Autochtones vivent presque 8 ans de moins que les autres Canadiens

La communauté de Natuashish est l'un des deux villages de la Nation innue du Labrador. Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan
La communauté de Natuashish est l’un des deux villages de la Nation innue du Labrador. (Photo : La Presse canadienne/Andrew Vaughan)

Les Autochtones vivent en moyenne presque huit ans de moins que les autres Canadiens. Alors que l’espérance de vie pour les non-Autochtones est de 84,99 ans, elle n’est que de 77,20 ans pour les Autochtones. Chez les Inuit, elle est encore plus basse, à 71,91 ans.

Ces informations sont issues d’une étude de Statistique Canada publiée en juin qui, pour la première fois, fait le lien entre des données provenant du recensement, où l’on trouve des informations sur l’identité déclarée par les individus, et d’autres sur la mortalité, extraites de la base de données de l’état civil. L’objectif est de faire des estimations et de pouvoir suivre les tendances dans le temps de façon plus fiable.

Cette base de données nous permet de faire un suivi, ce qu’on n’était pas capables de faire avant, explique Patrice Dion, analyste à Statistique Canada.

Un nouvel outil qui sera très utile, puisque, un peu partout au Canada, il manque des données spécifiques pour les Autochtones, remarque Alika Lafontaine, anesthésiologiste à Grande Prairie, en Alberta, et ancien président de l’Association médicale canadienne.

Ce rapport est vraiment une avancée : il s’agit de l’analyse nationale la plus complète de l’espérance de vie à la naissance des peuples autochtones du Canada, note M. Lafontaine, qui a des origines cries, anishnabe et métisses.

L’analyse permettra, estime-t-il, d’élargir la conversation qui était, jusqu’à maintenant, limitée par le manque de données.

Des différences marquées selon l’identité

Une autre nouveauté est que les données sont désagrégées selon le groupe de population. Les différences entre les Premières Nations, les Métis et les Inuit sautent aux yeux.

Les Inuit ont une espérance de vie moindre que les Premières Nations. Idem quand on la compare à celle des Métis, qui vivent jusqu’à huit ans de plus.

Pour tous les groupes de population, la tendance à la hausse de l’espérance de vie observée entre les périodes 2006-2011 et 2011-2016 s’est vue interrompue en 2016-2021 par la pandémie de COVID-19.

Ce n’est pas surprenant parce qu’au niveau national, l’espérance de vie a baissé pour trois années consécutives, souligne M. Dion. C’est du jamais-vu depuis qu’on mesure l’espérance de vie.

L’effet est plus marqué dans certaines provinces. Ainsi, au Québec et en Atlantique, on n’observe pas de baisse pour l’ensemble des groupes, alors qu’il y en a une en Ontario, en Colombie-Britannique, dans les Prairies et dans les territoires.

Ce recul semble plus marqué chez les Inuit et les Premières Nations que chez ceux qui se déclarent comme Métis, mais il faut prendre ces données avec précaution en raison de la petite taille des échantillons désagrégés, précise le statisticien.

Des disparités systémiques

Les différences entre les groupes de population s’expliquent en grande partie par la difficulté d’accès aux soins, souligne Anne-Marie Leclerc, professeure au Département des sciences infirmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et spécialiste de la santé des Premières Nations.

Si on est très loin géographiquement ou si la route est mauvaise quand on veut consulter pour des soins spécialisés, ça rajoute un délai, surtout quand il y a des urgences, explique-t-elle.

La méfiance joue aussi un rôle, estime la chercheuse.

C’est ce que le décès de Joyce Echaquan a mis en évidence, indique Anne-Marie Leclerc, professeure à l’UQTR. Les gens ont peur d’aller consulter, donc ils vont attendre longtemps, ce qui peut avoir des effets sur leur santé.

Le Dr Lafontaine fait le même constat. En raison du sous-investissement des gouvernements dans les infrastructures au sein des communautés autochtones et de leurs querelles à savoir qui finance quoi, celles-ci n’ont souvent pas de cliniques de soins primaires ni d’hôpitaux à proximité, pas plus que de moyens de transport efficaces pour y accéder, observe-t-il.

La différence marquée dans l’espérance de vie des Inuit et celle des autres Canadiens illustre bien que, sans un système de santé accessible, local et organisé pour pallier le manque d’infrastructures, les disparités s’aggravent considérablement, dit Alika Lafontaine, ancien président de l’Association médicale canadienne. C’est une chose que nous savons tous, logiquement et intuitivement, mais ces données le démontrent clairement.

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Ximena Sampson, Radio-Canada

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