Le Nunavut en quête de nouvelles méthodes pour lutter contre le suicide

Un homme regarde vers l'horizon, dans la toundra.
Au Nunavut, des initiatives communautaires tentent de pallier le manque de ressources en santé mentale. (Photo d’archives : Radio-Canada/Matisse Harvey)

Après avoir déclaré une crise du suicide en juin, les dirigeants nunavummiut cherchent maintenant des moyens de faire face à une situation persistante.

Selon Inuit Tapiriit Kanatami, le taux de suicide est de 5 à 25 fois plus élevé dans les communautés inuit que dans le reste du Canada.

Même si elle était initialement sceptique quant aux activités communautaires financées pour la santé mentale – comme les cours de musique et les concours de pêche –, Victoria Madsen, sous-ministre adjointe de la Santé, a finalement constaté que leur effet était positif.

Aujourd’hui, elle estime que le territoire pourrait s’inspirer des services actuels et envisager des solutions qui vont au-delà de la thérapie.

Ils se pratiquent toute l’année et ils ont hâte d’y participer… Ça fait partie de l’identité de la communauté, affirme-t-elle.

S’exprimer par l’art

En 1998, Guillaume Ittukssarjuat Saladin, ainsi que la communauté entière d’Igloolik, a été profondément choqué par le suicide de deux adolescents.

Il a alors cherché à développer des moyens pour permettre aux jeunes de s’exprimer de manière créative. L’homme a fait appel à son expérience à l’École nationale de cirque pour créer le collectif artistique Artcirq.

Maîtriser ces disciplines, c’est avoir la possibilité de s’exprimer et d’inspirer les autres, affirme-t-il.

Nous sommes un lieu où on rêve ensemble, et on peut s’appuyer l’un et l’autre, affirme de Guillaume Ittukssarjuat Saladin, fondateur d’Artcirq.

M. Saladin a observé que les lieux de rassemblement sont des éléments clés de la prévention du suicide.

S’appuyer sur sa culture

Même s’il n’est pas au Nunavut, Willia Ningeok voit des similitudes entre ce territoire et sa région du Nunavik pour combattre le suicide, lui qui a perdu ainsi une dizaine de proches, dont son frère aîné.

Le président de l’Association des hommes inuit Unaaq, à Inukjuak, tente de détourner un maximum de personnes de cette fin. Le groupe organise des activités telles que la fabrication d’outils traditionnels et des expéditions sur le territoire.

Les chiens de traîneau demandent énormément de travail. Ils t’occupent, tout en étant bons pour l’esprit et le corps, dit-il.

Un portrait de Willia Ningeok.
Willia Ningeok est le président de l’Association des hommes inuit Unaaq. Selon lui, puiser dans la culture inuit constitue un moyen de prévenir le suicide. (Photo : Willia Ningeok)

De l’aide par téléphone

Jasmine Redfern, présidente de l’Association des femmes inuit du Nunavut Amautiit, est contente que le suicide soit davantage abordé aujourd’hui que par le passé.

Selon elle, un milieu familial toxique augmente considérablement le risque de suicide et crée un sentiment d’impuissance.

En abordant la question de la violence, Mme Redfern met en évidence l’importance du traumatisme intergénérationnel, tout en précisant que ce facteur ne doit jamais servir d’excuse pour faire souffrir les autres.

Une image montrant quatre personnes souriantes.
Des membres de l’Association des hommes inuit Unaaq, à Inukjuak, en 2023. Cette association met sur pied diverses initiatives communautaires, telles que la fabrication d’outils traditionnels et des expéditions sur le territoire. (Photo : Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik)

C’est important d’identifier des stratégies d’adaptation inadéquates, sans blâmer qui que ce soit… et d’encourager les gens à faire de meilleurs choix, souligne-t-elle.

Une première étape pourrait être la ligne d’écoute Kamatsiaqtut.

Pendant les années 1970 et 1980, Sheila Levy a enseigné à Pangnirtung et a perdu plusieurs de ses élèves par suicide. En 1990, elle a contribué à la création de la ligne d’écoute.

Même après toutes ces années, des efforts de sensibilisation sont encore nécessaires, croit-elle.

Un portrait de Sheila Levy.
Sheila Levy affirme que le service téléphonique Kamatsiaqtut fournit aux habitants du Nunavut un soutien pour une multitude de sujets. (Photo : Sheila Levy)

Elle rappelle également que ceux qui sont à risque de se suicider ne montrent pas nécessairement des signes clairs. Pour cette raison, il faut faire preuve d’une écoute attentive et sans préjugé.

C’est très important de laisser quelqu’un… parler de ses émotions, même si celles-ci peuvent sembler déplacées.

Le rôle de la police

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est souvent la première à intervenir en cas d’appel de détresse psychologique. George Henrie, responsable des services policiers communautaires au Nunavut et membre de la GRC, explique que les agents suivent une formation additionnelle pour gérer ces situations.

Depuis 2022, la GRC reçoit plus de 3000 appels par an concernant la santé mentale.

Dans certaines régions du Canada, les services policiers ne sont pas la première option pour gérer les crises de santé mentale. Au Nunavik, l’unité mobile Saqijuq travaille en collaboration avec des travailleurs sociaux.

Victoria Madsen dit que le gouvernement du Nunavut et la GRC avaient déjà envisagé un autre mode d’intervention en cas de crise.

Pour l’instant, les policiers peuvent demander l’aide du personnel soignant spécialisé s’ils connaissent la personne en détresse. La GRC cherche également à embaucher plus d’agents qui parlent inuktitut.

Un portrait de George Henrie.
Selon George Henrie, un plan territorial de prévention du suicide doit tenir compte à la fois de la culture inuit traditionnelle et des éléments modernes de la vie, comme les réseaux sociaux. (Photo : CBC/Samuel Wat)

La sous-ministre adjointe de la Santé souligne qu’un projet pilote a été lancé dans certaines communautés pour offrir un suivi aux personnes ayant des idées suicidaires. Ce projet complète les campagnes de sensibilisation et les autres programmes pour les jeunes.

Finalement, Mme Madsen souligne qu’il existe une responsabilité collective de veiller sur l’un et l’autre.

Les communautés doivent pouvoir comprendre leurs besoins, ce qui les rassemble et ce qui donne un sens à la vie des jeunes.

Avec les informations de Samuel Wat

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