Filer de la laine de bœuf musqué et appuyer l’économie locale dans le Grand Nord canadien
Tanis Simpson, originaire de la région du Delta de Beaufort, aux Territoires du Nord-Ouest, file, dans son usine de Nisku, en Alberta, de la laine qiviut, l’une des plus douces et plus chaudes du monde. Ce faisant, elle encourage aussi l’économie de sa région natale et perpétue une tradition ancestrale.
La laine qiviut provient du bœuf musqué et a la réputation d’être l’une des meilleures. Pour la propriétaire de Qiviut Inc., cette laine est incomparable.
Tanis Simpson et son frère, Bradley Carpenter, se sont lancés en affaires en 2019, mais ils ont tous les deux grandi entourés de cette laine récoltée dans leur région natale. Tanis est née à Inuvik, mais sa famille est originaire de Sachs Harbour, une communauté d’environ 100 personnes située sur l’île Banks, dans le Haut-Arctique.
C’est sur cette île que l’on retrouve le bœuf musqué. Sous son épaisse fourrure rugueuse se cachent les douces fibres qiviut.
« Traditionnellement, mes grands-parents ajoutaient de la laine qiviut dans les bottes et les mitaines, et c’est comme ça qu’on l’utilisait », explique Tanis Simpson. « Ma grand-mère avait fabriqué pour mon frère un parka isolé avec du qiviut pour la chasse. On utilise cette fibre depuis des générations pour affronter le froid dans le Nord. »
Une ressource précieuse
Bien que l’usine textile soit située en Alberta, les liens avec le Grand Nord sont forts : les peaux de bœuf musqué utilisées par l’équipe de Tanis proviennent de chasseurs des Territoires du Nord-Ouest.
David Kuptana, un résident d’Ulukhaktok, est l’un de ces chasseurs. Pour les chasseurs comme lui, le caribou, l’ours polaire et le bœuf musqué font partie intégrante de la vie des résidents des communautés du Grand Nord.
La viande nourrit les habitants, et la vente des peaux, comme celles du bœuf musqué, rapporte des revenus appréciables pour couvrir des dépenses telles que l’essence, l’équipement de chasse et la nourriture. Les cornes de bœuf musqué sont aussi utilisées pour créer des œuvres artistiques.
David Kuptana chasse le bœuf musqué depuis toujours, une activité économique importante pour sa communauté. Il dit qu’une peau peut rapporter plusieurs centaines de dollars, en fonction de sa taille.
« C’est vraiment important parce que nous sommes dans une petite communauté. Il y a environ 400 personnes dans notre communauté et il n’y a pas vraiment d’emploi. Alors certaines personnes vont chasser le bœuf musqué pour se faire de l’argent », dit-il.
Tanis Simpson dit qu’il est incontournable d’acheter ses peaux dans le Grand Nord. « L’une des raisons à l’origine de notre projet d’entreprise, c’est qu’on utilise cet animal depuis des générations. L’une de nos priorités est d’appuyer et d’aider nos propres habitants afin qu’ils puissent continuer à vivre selon leur mode de vie traditionnel », explique-t-elle.
Filer le qiviut pour en faire de la laine
L’idée d’ouvrir une usine de textile de qiviut est née quand le frère de Tanis a déniché un moulin à vendre en Alaska en 2018. Ce moulin avait déjà été utilisé exclusivement pour le filage du qiviut, et ce projet est tombé à point, puisque Tanis était à la recherche de nouveaux défis.
« J’ai quand même ri. J’ai dit : « Es-tu fou? On ne connaît rien au filage! » », se remémore-t-elle. « Mais mon frère dit toujours : « Si tu peux apprendre, on va trouver comment. » Et on a tendance à se lancer des défis. »
Le défi s’est avéré être de taille quand la machinerie est arrivée en Alberta et que le frère et la soeur ont commencé à organiser leurs installations. « On a regardé ça et on s’est dit : « Wow! On n’a aucune idée de la façon de faire fonctionner ces machines. » Après plusieurs visionnements de vidéos en ligne, des échanges avec quelques personnes et beaucoup d’essais et d’erreurs, ils ont finalement réussi à faire fonctionner le tout. »
Dans des conditions optimales, avec des machines qui fonctionnent bien, il faut de quatre à six semaines pour produire environ 15 écheveaux de laine. Le travail est minutieux. Le qiviut est retiré à la main avec une fourchette passée dans la fourrure de bœuf musqué, comme le veut la méthode traditionnelle. Ensuite, chaque long poil est retiré avant d’être filé pour en faire de la laine.
Parfois, l’équipe de Tanis tricote des tuques et des foulards avec cette précieuse laine ou fabrique des pièces sur mesure. Elles vendent aussi la fibre comme chauffe-mains. Tanis Simpson aime penser que tous ces efforts rendraient ses grands-parents fiers de leurs petits-enfants. « Je pense qu’ils trouveraient ça plutôt cool. Ils seraient sans doute assis ici avec nous s’ils étaient encore en vie », conclut-elle.
Avec les informations d’April Hudson
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