Un premier budget « décevant » de la part du gouvernement Carney, déplore l’APN

« Au lieu de combler les déficits socio-économiques, ce budget ne fera qu’empirer les choses ». La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) n’a pas mâché ses mots pour décrire le premier budget du gouvernement Carney au lendemain de son dépôt.
Interrogée en conférence de presse sur la façon dont ce budget mettait la table en matière de relation avec les Autochtones pour les années à venir, Mme Woodhouse Nepinak a simplement répondu : J’ai l’impression qu’on régresse, le ruissellement économique à lui seul ne comblera pas les déficits [entre les Premières Nations et le reste de la société canadienne].
Car le budget 2025-2026 ne prévoit pas beaucoup de nouveaux investissements dans les infrastructures, les services sociaux et la santé des communautés autochtones, à l’exception de 2,3 milliards de dollars pour renouveler le Programme amélioré pour l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées des Premières Nations.
Et, bien que le gouvernement Carney indique dans le volumineux document que plusieurs milliards de dollars seraient consacrés aux infrastructures communautaires et aux logements autochtones d’ici 2030, il ne s’agit pas d’argent frais. De surcroît, toutes ces sommes ne suffiront pas à combler le déficit béant en infrastructures entre les communautés des Premières Nations et le reste du Canada, qui se chiffre à près de 360 milliards de dollars.

J’étais assise au Parlement hier et j’écoutais les représentants du gouvernement parler d’intelligence artificielle, d’efficacité, de développements technologiques, tout en pensant au fait que plusieurs Premières Nations n’ont même pas Internet. Alors, comment pouvons-nous être compétitifs? a noté la cheffe nationale avec une pointe d’ironie.
« Ce budget ne crée pas la confiance additionnelle dont nous avons besoin à ce moment-ci », affirme Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations.
En matière de réconciliation, ce n’est pas la bonne voie à suivre. On peut faire mieux.
L’APN demande maintenant une rencontre avec Mark Carney et ses homologues provinciaux. Elle l’a également invité à son assemblée générale qui se tiendra début décembre à Ottawa.
Services, compressions et financement à court terme
Cindy Woodhouse Nepinak s’inquiète également pour les services aux membres des Premières Nations vivant dans les communautés.
Elle a remercié à plusieurs reprises la ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, pour ses efforts afin de réduire les compressions imposées à son ministère à 2 % par année, alors que plusieurs redoutaient des coupes de l’ordre de 15 %.
Cela dit, elle a tout de même exprimé certaines appréhensions quant aux répercussions sur le terrain de ces coupes budgétaires. Services aux autochtones Canada et le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord devront faire des économies s’élevant à 494 millions de dollars par année et à 69,3 millions de dollars par année, respectivement.
Faisant écho à la position de l’APN concernant les infrastructures, l’Association nationale des Centres d’amitié (ANCA) a dressé un constat similaire en réaction au budget Carney : « Le coût de l’inaction et de l’absence d’investissements dépassera celui d’un investissement initial et soutenu ».
Elle dénonce principalement le fait qu’il n’y a aucun financement prévu au-delà de 2026 pour les Programmes urbains pour les peuples autochtones, principale source de financement de la centaine de centres desservant les Autochtones vivant en ville un peu partout au pays.
Bien que ce gouvernement se soit engagé à poursuivre le travail de réconciliation, ce budget soulève de sérieuses préoccupations et laisse des questions fondamentales sans réponse, a résumé la directrice générale de l’ANCA, Jocelyn W. Formsma, par voie de communiqué.
Ottawa a financé les Programmes à hauteur de 34 millions de dollars pour cette année, mais, comme bien d’autres services importants, le budget 2025 ne prévoit aucun financement à long terme.
C’est le cas du principe de Jordan, doté d’une enveloppe de 1,033 milliard pour cette année, mais aussi de l’enseignement primaire et secondaire des Premières Nations, qui bénéficie d’un financement de 155 millions de dollars cette année.
L’éducation n’est pas une dépense, elle constitue un investissement, a souligné par voie de communiqué le directeur général du Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN), Denis Gros-Louis.
Soulignant les succès de l’Entente régionale en matière d’éducation conclue avec le fédéral en 2022, le CEPN rappelle que son renouvellement doit avoir lieu en 2027, d’où l’importance « d’investissements structurants en infrastructures scolaires ».
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