Dans 500 ans, la toundra de Sibérie pourrait avoir disparu sous les arbres, selon une étude

La toundra désigne l’un des 14 grands biomes terrestres. Celle de la zone arctique est caractérisée par des associations végétales de mousses, de lichens et de grands tapis de fleurs en été, comme l’illustre cette photo prise dans l’Arctique russe. (Photo : Logan Berner/Northern Arizona University)
La toundra de l’Arctique russe risque d’être remplacée presque entièrement dans les prochaines décennies par une forêt de conifères, à moins que les pays ne diminuent de façon draconienne leurs émissions de GES, ont déterminé des scientifiques allemands.

Les chercheurs de l’Institut Alfred Wegener et de l’Université de Postdam ont utilisé les données sur le climat, l’état actuel de la flore et les tendances prévues d’émissions de gaz à effet de serre sur la planète pour effectuer des projections selon différents scénarios.

On sait que l’Arctique se réchauffe de deux à trois fois plus vite que la moyenne planétaire, un réchauffement provoqué par les émissions de GES qui s’accumulent dans l’atmosphère.

Ce réchauffement entraîne des changements importants et très rapides dans les régions nordiques, que ce soit la fonte accélérée du pergélisol, le bouleversement des écosystèmes, la migration d’espèces animales et végétales vers le Nord et la disparition d’espèces adaptées à l’Arctique.

La toundra arctique est une vaste région essentiellement dépourvue d’arbres qui s’étend sur l’extrême nord de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie. Une grande partie est constituée de pergélisol, mais la couche supérieure du sol est peuplée de mousses, de lichens, d’herbes et de petits arbustes par endroits.

Déjà, les scientifiques constatent un « verdissement de l’Arctique ». Des régions auparavant dépourvues de végétation voient apparaître de plus en plus de mousses et de plantes qui, à leur tour, cèdent la place à des arbustes puis à des arbres, à long terme. Ce processus s’effectue sur de nombreuses années, car la capacité des arbres à se répandre vers le Nord est limitée par le rayon de distribution de leurs semences chaque été.

Différents scénarios

Selon toute vraisemblance, estiment les chercheurs Stefan Kruse et Ulrike Herzschuh, d’ici le milieu du millénaire, il ne restera qu’environ 5 % de l’actuelle toundra dans le nord du continent eurasiatique. Cela surviendra dans le scénario d’émissions de GES dit « moyen » et dans le scénario « élevé ». 

Les chercheurs ne peuvent avancer tout à fait les mêmes constats pour le continent nord-américain, parce que la flore arctique et boréale y est différente et plus diversifiée. On y compte plus d’espèces d’arbres, alors qu’en Russie, tout ce qui se situe sous la limite forestière est essentiellement constitué de mélèzes, précisent-ils, ce qui facilite l’élaboration de modèles.

Cette forêt de mélèzes dans le nord de la Russie pourrait progresser à une vitesse de 30 kilomètres par décennie, calculent des chercheurs, jusqu’à atteindre l’océan Arctique.

Ainsi, l’actuelle ceinture de toundra longue de 4000 km en Sibérie (d’ouest en est) disparaîtra presque entièrement, pour ne laisser que deux îlots, dans la péninsule de Taïmyr, dans l’ouest, et dans la péninsule Tchouktche, dans l’est de l’Arctique russe.

Selon les scénarios aux émissions de GES faibles (RCP 2.6), la toundra russe est préservée à 30 % d’ici 2500. Avec des émissions moyennes (RCP 4.5) ou élevées (RCP 8.5), il ne reste presque plus de toundra au milieu du millénaire. (Stefan Kruse et Ulrike Herzschuh/eLife)

« Les vastes étendues de toundra en Sibérie et en Amérique du Nord seront massivement réduites, car la limite forestière, qui change déjà lentement, avancera rapidement vers le Nord dans un avenir proche. Dans le pire des cas, il n’y aura presque plus de toundra d’ici le milieu du millénaire », affirme Ulrike Herzschuh, dans un communiqué.

Des études ont déjà estimé que la toundra perdra 50 % de sa superficie d’ici 2100, rappellent les chercheurs.

La température de l’air dans les régions du Grand Nord a connu une hausse de l’ordre de 2 degrés Celsius au cours des 50 dernières années, rappellent Stefan Kruse et Ulrike Herzschuh. Si les États parviennent à baisser considérablement leurs émissions de GES, la hausse des températures dans ces régions pourrait se limiter à 2 degrés de plus d’ici 2100, ou 3,1 degrés, selon un scénario moyen. Dans le pire des scénarios, la hausse sera d’environ 14 degrés Celsius, calculent les scientifiques. 

Les chercheurs rappellent que 5 % des espèces de la toundra sont uniques à ce paysage végétal. Elles sont adaptées aux hivers longs et rigoureux et aux étés courts. On peut penser à des plantes comme le pavot arctique, à des mammifères comme les rennes et les lemmings, ou à des insectes pollinisateurs comme le bourdon arctique. 

Les espèces arctiques sont importantes pour la culture et l’existence même de peuples autochtones du Grand Nord. 

Selon les chercheurs, il faudrait que les pays réduisent leurs émissions de GES, dès maintenant, pour éviter l’éradication de la toundra telle qu’on la connaît. Dans ce scénario « optimiste », on parviendrait à préserver environ un tiers de la toundra en Russie, selon eux.

Ils soulignent que très peu de mesures de protection de la végétation et des écosystèmes existent actuellement dans l’Arctique russe. Selon eux, il faudrait mettre en place un réseau de refuges interconnectés pour les espèces sur toute la bande de 4000 km de la toundra sibérienne.

L’étude est parue dans la revue eLife.

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