Des terres agricoles menacées par un projet de radars du NORAD

Deux personnes posent sur leur ferme.
Les fermiers Jennifer et Matt Hutchinson ont des inquiétudes par rapport au projet. (Photo : Radio-Canada/Jamie Strashin)

La vie était belle pour Rachel Brooks et sa famille dans leur ferme de 40 hectares, à environ 130 kilomètres au nord de Toronto, jusqu’à ce qu’une lettre du ministère de la Défense nationale (MDN) leur soit livrée.

Ça a immédiatement eu un impact sur mon sentiment de sécurité à la maison et ma sécurité à l’égard de ce qui peut m’être enlevé, a dit Mme Brooks. Nous avons travaillé si fort [pour cette sécurité] depuis 45 ans, poursuit-elle.

Le ministère a envoyé des lettres à Rachel Brooks et à une douzaine d’autres fermiers du secteur, cet été, pour leur demander s’ils étaient prêts à vendre leur propriété afin de permettre l’installation d’un projet de radars.

CBC a pu voir ces lettres.

Mme Brooks n’a pas l’intention de vendre sa propriété et de déraciner sa famille.

Je me souviens d’avoir ouvert la lettre et de m’être demandé si c’était une blague, se rappelle-t-elle.

Un « site de réception temporaire »

Le canton de Clearview, près de Stayner, où réside Rachel Brooks, est couvert de terres agricoles.

C’est ici que le gouvernement fédéral souhaite installer un vaste site de radars d’environ 1600 hectares dans le cadre du programme de radar transhorizon dans l’Arctique (A-OTHR).

En ligne, le fédéral écrit que cela « fournira une couverture radar d’alerte lointaine et assurera le suivi des menaces ».

Deux sites en Ontario ont été identifiés dans le cadre du programme, celui du canton de Clearview, ainsi qu’un autre dans la région de Kawartha Lakes, afin d’installer des stations composées d’un parc d’antennes, entourées de clôtures barbelées.

Le programme A-OTHR fait partie du plan de modernisation du NORAD au Canada, qui est financé au coût de 38,6 milliards de dollars sur 20 ans et qui a été annoncé en juin 2022.

Le projet sème toutefois l’anxiété et la peur dans la communauté.

Une rencontre initiale a eu lieu entre les membres de la communauté touchés et le MDN, mais peu de réponses ont été données, d’après Rachel Brooks.

Les résidents veulent obtenir l’assurance que le gouvernement ne va pas exproprier leur terrain s’ils refusent de le vendre.

Le MDN pourrait devoir fournir une indemnité due pour les terres agricoles si le ministère décide qu’il va de l’avant avec le projet et que des ententes ne peuvent être conclues.

Des familles dans l’attente

À quelques kilomètres de la ferme des Brooks habite la famille Hutchinson.

Ma famille est ici depuis 1879 et je suis la cinquième génération de la ferme et j’espère que mon fils sera la sixième, raconte Matt Hutchison. C’est difficile de savoir que nous allons peut-être tout perdre.

M. Hutchison et sa femme affirment que l’incertitude quant à l’avenir a paralysé leur capacité à planifier, ce qui est essentiel pour toute ferme à succès.

Nous sommes à l’arrêt. Nous ne savons pas quoi faire. Allons-nous de l’avant avec nos plans? demande Jennifer Hutchison. Nous ne faisons qu’être assis dans le flou et les fermiers ne font pas ça. Planifions-nous d’aller de l’avant et de travailler fort?

La question en suspens est de savoir ce qui surviendra si les Hutchison et leurs voisins choisissent de ne pas vendre. Le MDN a déjà acheté un terrain de 288 hectares dans le canton, mais Ottawa doit en acheter davantage afin de rendre le projet viable.

Le maire du canton, Doug Measures, précise par courriel que ce site représente l’étape 0.5 et que deux sites supplémentaires – R1 et R2 – sont prévus dans le cadre du projet. Le MDN tente d’acheter des terrains additionnels en tant que R1 et R2, ce qui pourrait utiliser 1600 hectares de terres agricoles précieuses, lit-on dans un document municipal.

MDN s’engage à acheter toute propriété d’une façon qui est bénéfique pour tous en termes de compensation et de processus de transaction, a déclaré le ministère. Bien que le MDN explore des stratégies d’acquisition de terrains afin d’appuyer les besoins du A-OTHR, l’expropriation n’est pas dans les plans actuels, dit-il.

Des questions pour le gouvernement

Les résidents ne sont cependant pas convaincus que l’expropriation n’est pas prévue, tout comme le député fédéral du secteur, Terry Dowdall, du Parti conservateur.

Au-delà des rencontres communautaires, peu de renseignements au sujet de la direction du projet ont filtré.

M. Dowdall affirme qu’il a exigé des réponses de la part du gouvernement par rapport au projet et ce qui arrivera si les résidents ne veulent pas vendre leur terrain. Jusqu’à maintenant, une seule personne a accepté de céder son terrain, dit le député.

Le député et plusieurs résidents se demandent pourquoi ce secteur a été sélectionné.

Le MDN affirme que le choix a été fait en raison d’exigences « complexes et inflexibles », dont la latitude, les conditions du terrain et la distance par rapport aux sources de son radio.

M. Dowdall soutient que la croissance du secteur ne correspond pas aux exigences. Le plus grand enjeu, dit-il, est l’élimination de terres agricoles précieuses et la modification du mode de vie de longue date des résidents.

L’élimination d’environ 1620 hectares de production aura définitivement des répercussions à travers la communauté, note le maire Measures. Un fermier va acheter des biens d’un fournisseur ou d’un magasin local. Mais tous ces emplois seront par la suite touchés si vous réduisez le nombre de fermiers.

Avec les informations de Jamie Strashin, CBC

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